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Année 2019-Homélie pour la nuit de Noël(JA)

« Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ».

 


Parmi les personnages que nous contemplons dans la crèche, nous en trouvons toujours deux, peut-être les moins importants et qui pourtant eux aussi ont quelque chose à nous apprendre en cette Sainte Nuit de Noël : il s’agit du bœuf et de l’âne. Le prophète Isaïe nous dit au début de son livre : « Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. Israël ne le connaît pas, mon peuple ne comprend pas ».
Dans l’année 1223, pour la fête de Noël, saint François d’Assise organisait la première représentation vivante de la crèche. Et inspiré par ce mot du prophète Isaïe qu’on vient de citer, le saint a placé à côté de la mangeoire où Jésus était couché un âne et un bœuf, entourant ainsi la Vierge Marie et Saint Joseph. Depuis ce jour-là ces deux animaux seront toujours présents dans la crèche.
C’est vrai! L’âne et le bœuf sont toujours là, mais ce n’est pas librement, ils obéissent à leur instinct : l’étable, la crèche c’est chez eux ! Ce n’est pas eux qui sont venus adorer l’Enfant Jésus, mais c’est Jésus, refusé par les siens, « n’ayant pas trouvé de place dans la salle commune », comme dit l’Evangile, qui a choisi de naitre parmi ces animaux. Saint Jean l’affirme également : « (Le Verbe) Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu ».

Dieu s’est fait homme ! Jésus est né de la Vierge Marie!
Il s’agit de l’événement le plus extraordinaire de l’histoire qui n’a pourtant comme premiers témoins qu’un âne et un bœuf.
« Que le Créateur se fasse créature est le mystère qui dépasse le plus la raison  affirme saint Thomas d’Aquin : c’est en effet plus extraordinaire encore que de Le voir souffrir et mourir, une fois devenu homme. Mais nous n’avons pas vraiment conscience de la grandeur de Dieu et de notre condition de créature. Nous ne réalisons pas non plus combien l’Incarnation facilite notre foi, combien il est plus facile de penser à Dieu depuis qu’Il s’est fait homme par amour pour nous » (Dom Jean-Denis Chalufour, osb, La Sainte Messe).
Nous célébrons en cette Nuit Sainte « le mystère qui dépasse le plus la raison ». C’est pour cela que saint Louis, au retour de la croisade, aurait établi que, lorsqu’on professe la foi pendant la messe, on s’agenouille en mentionnant l’Incarnation, ce qu’on ne fera pas en rappelant la Passion.
Déjà à l’origine de la création, la défense de ce « mystère qui dépasse le plus la raison », Dieu fait homme, est devenu la cause de la gloire éternelle pour l’archange saint Michel et les bons anges, en même temps que la cause de la chute et condamnation pour l’éternité pour Lucifer et les siens. Question certainement de liberté et non plus d’instinct comme pour l’âne et le bœuf. Ce même événement est aussi celui qui a déclenché le premier grand infanticide de notre ère sur l’ordre du roi Hérode. C’est clair : il n’y a pas de demi-mesure : ou on vient à la crèche pour adorer l’Enfant divin ou on devient son ennemi.
Nous ne sommes pas des ânes ou des bœufs, nous sommes des êtres libres et personnels, ce n’est donc pas une réponse obligée mais libre celle que l’Enfant qui est né aujourd’hui attend de chacun de nous.
Qu’on vienne de très loin, comme les rois mages, ou qu’on vienne de près, comme les bergers, il faut qu’on sorte de là où l’on se trouve (quitter nos commodités, nos défauts et péchés…), qu’on suive l’appel de Dieu et qu’on cherche l’Enfant pour l’adorer Lui-seul.

« Le bœuf connaît son propriétaire et l’âne la crèche de son maître. Israël ne le connaît pas, mon peuple ne comprend pas. Malheur à vous, nation pécheresse», continue le prophète, «peuple chargé de fautes, engeance de malfaiteurs, fils pervertis ! Ils abandonnent le Seigneur, ils méprisent le Saint d’Israël, ils lui tournent le dos (…). Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien », nous exhorte finalement Dieu par son prophète.
Il n’y a que Jésus qui puisse illuminer la nuit où nous mettent nos péchés. « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumière a resplendi. (…) Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été  donné ! ».
« La méditation du mystère de l’Incarnation doit enflammer notre charité. Savoir, en effet, que Dieu, Créateur de toutes choses, s’est fait créature, que Notre Seigneur est devenu notre frère, que le Fils de Dieu s’est fait le fils de l’homme, est la preuve la plus évi­dente de la divine charité. Comme il est dit dans l’Evangile de saint Jean (3,16): «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique». Cette vérité, si nous la considérons, doit enflam­mer de nouveau notre amour pour Dieu et l’em­braser».
« La considération du mystère du Fils de Dieu fait homme doit nous porter à garder pure notre âme. Notre nature en effet a été tellement ennoblie et exaltée par son union avec Dieu qu’elle a été élevée à l’unité avec une personne divine… Aussi l’homme doit-il se rappeler et méditer son exaltation : par-là, il se gardera de se souiller, lui et sa nature, par le péché ; c’est l’en­seignement même du bienheureux Apôtre Pierre (II. I, 4) : « Par Jésus Christ, nous dit-il, Dieu a réalisé des promesses magnifiques et précieuses, afin que nous devenions ainsi participants de la nature divine, et que nous nous soustrayions à la corruption de la convoitise qui est dans le monde» ».
« La méditation du mystère du Verbe incarné doit finalement enflammer notre désir d’atteindre le Christ. Si en effet quelqu’un avait pour frère un roi et était éloigné de lui, ne désirerait-il pas se rendre auprès de sa personne royale, être chez lui et y demeurer ? Aussi, comme le Christ est notre frère, nous devons nous aussi désirer être avec lui et nous unir à lui… Sans aucun doute, si nous méditons l’Incarnation du Verbe, nous ferons grandir en nous le désir de partir pour être avec le Seigneur » (Saint Thomas d’Aquin, commentaire sur le  Credo).

Ainsi soit-il.

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