Jésus et les malades.
A la suite du Christ, l’Eglise est appelée à imiter cet amour envers les malades. L’Eglise entoure tous ceux qu’afflige l’infirmité humaine ; bien plus, elle reconnaît dans les pauvres et dans ceux qui souffrent l’image de son Fondateur pauvre et souffrant, elle s’emploie à soulager leur détresse et veut servir le Christ en eux.
Aujourd’hui, 11 février, l’Eglise célèbre la fête de Notre Dame de Lourdes et la journée mondiale des malades. Je voudrais profiter de cette occasion pour réfléchir avec vous sur trois points.
Jésus et les malades.
La guérison est inséparable du ministère de Jésus, dès ses débuts : « Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues, proclamant l’Évangile du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple. » (Mt IV, 23)
A travers ces guérisons, le Christ manifeste la puissance de Dieu, qui est fondamentalement le Bien, contre toutes les formes du mal. C’est ainsi que Pierre décrit le ministère de Jésus, lorsqu’il l’annonce au premier converti païen, le centurion Corneille : Jésus-Christ « a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable ; car Dieu était avec lui. » (Ac, X, 38)
Signes du pouvoir bienfaisant de Dieu, ces miracles expriment aussi la compassion du Christ, pleinement Dieu et vrai homme : « Seigneur, que nos yeux s’ouvrent ! Pris de pitié, Jésus leur toucha les yeux et aussitôt ils recouvrèrent la vue. » (Mt, XX, 33-34)
C’est ainsi que Jésus, saisi de compassion, purifie, guérit le lépreux de l’Evangile d’aujourd’hui: « Je le veux, sois purifié. A l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié. » Par ailleurs, les miracles de Jésus sont indissociables d’une démarche de foi de la part de ceux qui en sont les bénéficiaires : « Croyez-vous que je puis faire cela ? Oui, Seigneur, lui disent-ils. Alors il leur toucha les yeux en disant : Qu’il vous advienne selon votre foi. » (Mt, IX, 28-29). En ce sens, l’activité miraculeuse du Christ est un signe qui atteste du caractère divin de sa mission et n’a de sens que par rapport à elle. Les miracles du Christ sont un appel à changer de vie. Plus encore que la guérison physique, ce que Jésus vise dans ses miracles c’est la conversion et la paix des cœurs. Car le mal physique est secondaire par rapport à la réalité du péché : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton infirmité. » (Mc, V, 34).
Jésus va même jusqu’à exprimer la primauté de la personne souffrante sur l’observation d’un usage, aussi respectable soit-il ; il guérit les malades durant le sabbat, ce qui lui vaut l’hostilité des prêtres et des pharisiens: « Je vous le demande: est-il permis, le sabbat, de faire le bien plutôt que de faire le mal, de sauver une vie plutôt que de la perdre? » (Lc, VI, 9)
Enfin, le Christ s’est identifié aux personnes malades et souffrantes : «J’étais malade, et vous m’avez visité.» (Mt, XXV, 36)
A la suite du Christ, l’Eglise est appelée à imiter cet amour envers les malades: « En toute ville où vous entrez et où l’on vous accueille, … guérissez ses malades. » (Lc, X, 8-9). Cette attention aux malades demeure, à travers les siècles, une des caractéristiques majeures de la charité chrétienne ; elle s’est manifestée par de multiples initiatives (hôpitaux, établissements, congrégations spécialisées, etc.). Comme l’affirme Vatican II « L’Eglise entoure tous ceux qu’afflige l’infirmité humaine ; bien plus, elle reconnaît dans les pauvres et dans ceux qui souffrent l’image de son Fondateur pauvre et souffrant, elle s’emploie à soulager leur détresse et veut servir le Christ en eux. » (Lumen gentium, 8)
Dès les origines : une onction pour les malades.
L’onction des malades est insinuée par Saint Marc, lorsque Jésus envoie ses apôtres en mission dans les bourgades environnantes pour annoncer la Bonne Nouvelle : « Étant partis, les Douze prêchèrent qu’on se repentît ; et ils chassaient beaucoup de démons et faisaient des onctions d’huile à de nombreux infirmes et les guérissaient. » (Mc, VI, 12) Cette onction qui existe donc du temps de Jésus est recommandée et promulguée par la lettre de saint Jacques comme un rituel spécifique pour les malades de la communauté chrétienne, accomplie par les prêtres (presbytres): «Quelqu’un parmi vous est-il malade ? Qu’il appelle les presbytres de l’Église et qu’ils prient sur lui après l’avoir oint d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis. » (Jc, V, 13-15)
Une extrême onction ?
Depuis le concile Vatican II, l’Église a souhaité retrouver une application plus large de ce sacrement : «L’extrême-onction, qu’on peut appeler aussi et mieux l’onction des malades n’est pas seulement le sacrement de ceux qui se trouvent à la dernière extrémité. Aussi, le temps opportun pour le recevoir est déjà certainement arrivé lorsque le fidèle commence à être en danger de mort par suite d’affaiblissement physique ou de vieillesse» (Sacrosanctum concilium, 73). Il convient de bien comprendre ce passage, qui invite à considérer le danger de mort d’une manière assez large. Le Code de droit canon (can. 1004) précise que l’onction concerne « tout fidèle qui … commence à se trouver en danger pour cause de maladie ou de vieillesse », ce qui exclut de la réserver aux agonisants. Elle peut ainsi être reçue par des personnes âgées, même en bonne santé, car pour elles la perspective de la mort se rapproche selon toute probabilité. L’onction des malades peut être également reçue au seuil d’une opération importante. En cas d’aggravation de la maladie, elle peut être réitérée.
La célébration de l’onction des malades.
Seuls les prêtres sont les ministres de ce sacrement, selon ce qui est indiqué par saint Jacques. L’onction se fait avec l’huile consacrée par l’évêque lors de la messe chrismale: « le curé demandera les huiles à son évêque propre. » (CIC, can. 847) Elle est généralement précédée du sacrement du pardon et suivie de l’Eucharistie, qu’elle soit intégrée dans une messe ou que le malade communie seulement, comme c’est le cas pour le viatique. La cérémonie commence par l’imposition des mains et une prière sur les malades. Le geste de l’imposition des mains renvoie peut-être à la prescription de Jésus à ses disciples avant son Ascension : « Voici les signes qui accompagneront ceux qui auront cru :… ils imposeront les mains aux infirmes, et ceux-ci s’en trouveront bien. » (Mc, XVI, 17 et 18). Puis le prêtre fait les onctions sur le front et les mains en disant : « N…, par cette onction sainte, que le Seigneur en sa grande bonté vous réconforte par la grâce de l’Esprit Saint. Ainsi, vous ayant libéré de tous péchés, qu’Il vous sauve et vous relève. »
Les effets de l’Onction des malades.
Ce sacrement est un don particulier de l’Esprit Saint qui aide à envisager l’épreuve plus sereinement : réconfort, paix, courage. La rémission des péchés, et, éventuellement, celle de la maladie, ces deux dimensions sont bien indiquées par saint Jacques : « La prière de la foi sauvera le patient et le Seigneur le relèvera. S’il a commis des péchés, ils lui seront remis. »
L’onction des malades ne se substitue pas à la pénitence, mais la complète. Dans l’ancien mode d’administration de ce sacrement, qui consistait en une onction sur chacun des organes des cinq sens, on accordait ainsi le pardon de Dieu pour les péchés commis avec cet organe. « Nous sommes guéris spirituellement par la pénitence. Spirituellement et corporellement, selon ce qui convient à l’âme, par l’extrême-onction. » (Concile de Florence, 1439).
La souffrance du malade n’est pas un isolement tragique pour le chrétien car Dieu dans son amour pour nous est proche des souffrants par sa Passion dont ce sacrement est un signe. L’Eglise « exhorte les malades à s’unir spontanément à la passion et à la mort du Christ pour contribuer ainsi au bien du Peuple de Dieu. » (Lumen gentium, 11). L’onction des malades, même si elle n’est plus seulement extrême-onction, ne demeure pas moins la préparation naturelle du chrétien à la rencontre en face-à-face avec Dieu : « Le connaître, Lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, Lui devenant conforme dans sa mort, afin de parvenir, si possible, à ressusciter d’entre les morts. » (Ph, III, 10-11)
Onction des malades et viatique.
La tradition de l’Église rapproche l’onction des malades de la communion au Corps du Christ : « A ceux qui vont quitter cette vie, l’Église offre, en plus de l’onction des malades, l’Eucharistie comme viatique » (CEC, 1524). Cette pratique a pour but de faire rentrer pleinement le chrétien dans l’amour de Dieu et elle tire sa force de la promesse du Christ : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jn, VI, 54).
La place de nos malades dans l’Église.
Les personnes malades occupent une place très importante dans la pastorale de la paroisse. Visiter, assister, s’occuper des malades et des personnes qui sont seules c’est assister, visiter, s’occuper de Jésus lui-même: « J’étais malade, et vous m’avez visité. » (Mt, XXV, 36).
Les personnes malades en unissant leurs souffrances à Jésus crucifié obtiennent pour eux-mêmes, et pour toute la paroisse des grâces sans nombre. Combien de bienfaits devons-nous à nos paroissiens qui chaque jour dans leur lit de malade offrent leurs souffrances pour nos intentions et nos besoins? Ce ne sont pas eux qui doivent nous remercier de nos visites mais nous de nous permettre de visiter le Christ dans leur personne.
L’onction des malades n’est pas la seule manière d’assister les malades.
Parmi les paroissiens il existe quelques fois l’idée qu’appeler le prêtre c’est le déranger. Rien n’est plus loin de la réalité. Nous aimons visiter les malades. Une personne qui vient régulièrement à la messe et qui, en raison d’une maladie grave ou pas, ne peut venir à la messe du dimanche, peut sans réticence nous appeler et nous lui rendrons visite avec plaisir. Pourquoi se priver du trésor de l’Eucharistie ?
Saint Vincent de Paul.
J’aimerais finir cette homélie avec un texte de Saint Vincent de Paul, l’ange de la charité, qui résume très bien quelle doit être notre attitude vis à vis de nos frères les malades :
« Dieu aime les pauvres, et par conséquent il aime ceux qui aiment les pauvres ; car, lorsqu’on aime bien quelqu’un, on a de l’affection pour ses amis et pour ses serviteurs. Or la petite Compagnie de la Mission tâche de s’appliquer avec affection à servir les pauvres, qui sont les bien-aimés de Dieu ; et aussi nous avons sujet d’espérer que, pour l’amour d’eux, Dieu nous aimera. Il ne faut pas de retardement en ce qui est du service des pauvres. Si, à l’heure de votre oraison, le matin, vous devez aller porter une médecine, oh ! Allez-y en repos ; offrez à Dieu votre action, unissez votre intention à l’oraison qui se fait à la maison, ou ailleurs, et allez-vous-en sans inquiétude. Si, quand vous serez de retour, votre commodité vous permet de faire quelque peu d’oraison ou de lecture spirituelle, à la bonne heure ! Mais il ne vous faut point inquiéter, ni croire avoir manqué, quand vous la perdrez ; car on ne la perd pas quand on la quitte pour un sujet légitime. Et s’il y a sujet légitime, mes chères filles, c’est le service du prochain. Ce n’est point quitter Dieu que quitter Dieu pour Dieu, c’est-à-dire une œuvre de Dieu pour en faire une autre, ou de plus grande obligation, ou de plus grand mérite. Vous quittez l’oraison ou la lecture, ou vous perdez le silence pour assister un pauvre, oh ! Sachez, mes filles, que faire tout cela, c’est le servir. Car, voyez-vous, la charité est par-dessus toutes les règles, et il faut que toutes se rapportent à celle-là. C’est une grande dame. Il faut faire ce qu’elle commande. Allons donc, et nous employons avec un nouvel amour à servir les pauvres, et même cherchons les plus pauvres et les plus abandonnés ; reconnaissons devant Dieu que ce sont nos seigneurs et nos maîtres, et que nous sommes indignes de leur rendre nos petits services ».
Ainsi soit-il.