Foi, espérance et charité. Voilà les seuls piliers qui peuvent soutenir notre vie spirituelle et les clefs qui nous permettent de comprendre le mystère d’un Dieu fou d’amour qui se fait homme afin de nous sauver. Les vertus théologales, s’agissant de dons gratuits que Dieu donne à qui Il veut, il nous faut toujours les lui demander.
A l’approche de la fête de la naissance de notre Seigneur, la liturgie propose à notre méditation le mystère de la Visitation de la Vierge Marie à sa cousine sainte Elisabeth. Regardons ce tableau de la Visitation, de la rencontre de ces deux futures mères. Parmi les différents enseignements que l’on peut tirer de cet exercice, je voudrais souligner celui qui correspond aux trois vertus théologales .
Commençons par l’espérance. Notre texte, qui se fait l’écho des grandes figures féminines de l’histoire sainte, nous montre ces deux parentes qui, l’une vers l’autre, dans la joie de l’Esprit, illustrent au plus haut toute l’espérance d’Israël. Le peuple de Dieu n’attendait que la venue du Messie, le Sauveur, comme nous l’avons lu dans la prophétie de Michée (aux environs de l’an 700 avant le Christ) : « Mais Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera… celle qui doit enfanter… Il se dressera [l’enfant] et il sera leur berger par la puissance du Seigneur ».
L’espérance, c’est une attente confiante, ce sont aussi des préparatifs, parce que l’espérance doit être active. Et en vue du grand jour, Dieu, au principe de l’espérance, a Lui aussi fait des préparatifs. En Elisabeth, dans le désert de son sein, dans le cours de ses années qui s’étirent, Il a fait venir par grâce le plus beau fruit de l’arbre de la prophétie, Jean, la voix qui clame la réalisation du Jour du Seigneur.
Mais il y a surtout Marie. La préparation insigne n’est-elle pas celle que Dieu a prévue pour elle, préservée depuis toujours du péché des origines pour être la vraie terre sainte, s’ajustant tout entière à la volonté du Seigneur ? Et c’est en elle, sommet de l’espérance, que se réalisent la plus grande des promesses et le plus merveilleux des signes.
Marie et Elisabeth toutes deux espéraient le salut, mais comme les vierges prudentes dont parle l’évangile : dans la prière fervente et constante aussi bien qu’en la donation de leur vies à Dieu à travers leurs tâches quotidiennes.
La foi. Inséparablement de l’espérance, c’est par la foi que resplendissent ces deux femmes du peuple fidèle. Foi d’Israël en Elisabeth, la fille d’Aaron, qui a les promesses, la Loi, le culte, elle juste parmi les justes, et qui, remplie de l’Esprit Saint à la manière des grandes figures de son peuple, la fait fleurir à son terme quand elle prête sa voix à son enfant et aussi à son époux Zacharie incrédule et rendu muet : la voilà qui proclame, sous la plume de l’Evangéliste, rien moins que la divinité de l’enfant en Marie et la maternité divine de celle-ci en reconnaissant dans la « mère de son Seigneur » ! Foi d’Elisabeth, parce que Dieu a accompli une merveille en elle en la relevant de son humiliation.
Mais au sommet, la foi de Marie, la « comblée de grâce » : en elle, c’est la foi qui, dans un plus grand saut, permet que la plus grande des merveilles s’accomplisse, « selon la Parole du Seigneur », pour tous les hommes, et que l’Esprit Saint fasse Son œuvre et Sa demeure. La voilà la « bénie entre les femmes », la gloire d’Israël, et pour elle, la grande béatitude peut résonner comme en écho, lancée par l’archange, clamée par Elisabeth, chantée par la Vierge quelques versets plus loin : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ».
La foi d’Elisabeth a permis la naissance du précurseur ; la foi de Marie, celle du Sauveur, du Fils de Dieu. La foi c’est la réponse généreuse et confiante, le « oui » prononcé à la Parole de Dieu. Il s’agit d’un don de Dieu, mais en même temps d’une réponse personnelle.
Enfin la charité. « La foi, si elle n’est pas mise en œuvre, est bel et bien morte… Montre-moi donc ta foi sans les œuvres ; moi, c’est par mes œuvres que je te montrerai la foi » nous dit l’apôtre saint Jacques (2,17-18).
Dans le tableau que nous contemplons il y a « Marie [qui] se mit en route et se rendit avec empressement » vers la maison de sa cousine avancée en âge afin de l’assister, de lui rendre service. Voici comment la Servante du Seigneur montre sa foi.
Elle est le parfait miroir de l’amour de Dieu, l’objet de bonheur qui entraîne Elisabeth exultant vers elle, et fait tressaillir le Baptiste. Une charité diffusive, dans un mouvement empressé, dont l’élan est donné par Dieu fait homme qui descend vers les siens. C’est le mouvement propre de l’Eglise porteuse du salut, dont Marie est bien ici la figure : l’Église qui sort vers l’humanité fatiguée, vieillissante, afin de réparer ce que le péché a ruiné et de communiquer la grâce du salut, c’est-à-dire le Christ.
La charité en Elisabeth la fait tressaillir d’allégresse et exulter de joie. Cette même charité la pousse à proclamer les mystères et les merveilles accomplis par Dieu. Voici une autre figure de l’Eglise qui prêche l’œuvre de l’amour de Dieu.
Foi, espérance et charité. Voilà les seuls piliers qui peuvent soutenir notre vie spirituelle et les clefs qui nous permettent de comprendre le mystère d’un Dieu fou d’amour qui se fait homme afin de nous sauver. Les vertus théologales, s’agissant de dons gratuits que Dieu donne à qui Il veut, il nous faut toujours les lui demander.
Laissons-nous guider par Celle que toutes les générations proclament « bienheureuse », parce qu’elle a cru, espéré et aimé.
Ainsi soit-il.