Les fins dernières. Le Ciel.
Dans le cadre de la révélation, nous savons que le Ciel ou la béatitude dans laquelle nous nous trouverons n’est pas une abstraction, ni un lieu physique parmi les nuages, mais une relation vivante et personnelle avec la Sainte Trinité. C’est la rencontre avec le Père qui se réalise dans le Christ ressuscité grâce à la communion de l’Esprit Saint.
Nous arrivons à la fin de ces méditations sur les fins dernières. Et comme à Cana de Galilée où Jésus, pour son premier miracle laissait le meilleur vin pour la fin, nous de même, nous avons mis le meilleur à la fin. Aujourd’hui je vous propose de monter avec notre pensée et notre cœur au Ciel, afin que par la force et la joie de cette réalité incomparablement belle qui nous attend, nous soyons capables de renoncer à toute autre joie terrestre pour aimer le Bon Dieu de tout notre cœur dès ici-bas et pour l’éternité.
Je dois vous avouer que ça me fait de la peine, de constater combien il est difficile de parler du Ciel, et que, même s’il n’y a rien de plus beau et meilleur pour nous, nous ayons du mal à penser à Lui, et à l’aimer, de telle sorte que sont très peu nombreux les hommes capables de renoncer au péché (une joie mensongère et passagère ) pour atteindre et avoir le vrai bonheur, la joie parfaite, le repos éternel.
Nous allons essayer, par cette méditation, de toucher le Ciel avec notre cœur, afin qu’il lui reste attaché et ne s’en sépare jamais.
A Fatima en 1917, la Dame plus brillante que le soleil avait promis à Lucie qu’elle irait au Ciel, mais que les deux autres voyants, ses petits cousins, la précéderaient : « Jacinthe et François, je les emmènerai bientôt. Mais toi, tu resteras ici plus longtemps : Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. Il veut établir dans le monde la dévotion à mon Cœur Immaculé. Je resterai toute seule ? avait demandé Lucie avec peine. Non, ma fille ! Tu souffres beaucoup ? Ne te décourage pas. Je ne t’abandonnerai jamais. Mon Cœur Immaculé sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu’à Dieu ».
Après une longue vie de prière et de sacrifice, celle qui, à dix ans, avait eu le bonheur de voir sur la terre l’Immaculée Conception, a mérité enfin de parvenir à la vision de Dieu. Qu’elle veuille bien intercéder pour nous auprès de la Reine du Ciel, afin que nous sachions trouver quelques mots capables d’évoquer, même de très loin, le bonheur inexprimable dont elle jouit désormais là-haut.
Elle-même écrivait au sujet du Message de Fatima : « Tout le sens du Message est un appel à suivre le chemin du Ciel, à marcher de telle sorte que nous atteignions la vie éternelle. Et elle poursuivait : En ces temps qui sont les nôtres, ceux qui nient l’existence du Ciel ne manquent pas. Peut-être parce qu’ils n’ont pas la foi, ou bien parce qu’ils ne veulent pas suivre le chemin étroit qui mène au Ciel Mais ils se trompent. L’existence du Ciel est une vérité révélée qui ne peut être niée ». Et en plus, nous pouvons ajouter, elle est peut-être la vérité la plus consolatrice.
Le Ciel est notre but. C’est pour lui que Dieu nous a créés : il est notre patrie. Il n’y a pas, dans l’Evangile ni dans les Epîtres, de vérité plus formellement, plus explicitement, plus constamment, plus fortement affirmée et répétée que celle-là. Pour le prouver, il suffirait de rappeler les innombrables expressions dont se sert l’Ecriture pour parler du Ciel : c’est la vie éternelle, le salut éternel, la paix, la félicité, la joie de Dieu, la couronne de gloire, l’héritage du Christ, le royaume de Dieu, le royaume du Christ, la maison du Père, la Jérusalem céleste, le paradis, le Saint des Saints, etc.
La béatitude du Ciel est une réalité tellement transcendante, tellement extraordinaire, qu’il semble impossible d’en parler sans faire appel à des images et des images très concrètes. « Le Royaume des Cieux, dit Jésus, est comme un roi qui fit un festin de noces pour son fils ». C’est un royaume parce que son chef est un monarque. Sur son vêtement il portait écrit ce nom : Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
Si l’on veut résumer en une seule idée l’ensemble des images dont la poésie de Jésus a su entourer l’état bienheureux auquel il est venu nous inviter, on ne peut mieux faire que de citer ces lignes du Père Paissac, dominicain : « Par une nuit chaude d’Orient, un ciel magnifique, un royaume en paix, dans ce royaume une ville, dans cette ville un jardin (un paradis ), dans ce jardin une maison, dans cette maison une salle de fête. Là, de la lumière, de la fraîcheur, la paix, la joie, le repos. Dans cette salle de fête, un roi resplendissant, et dans le cœur du roi, la joie des noces que tous partagent ; une fiancée, et dans le cœur de cette fiancée, la béatitude tant désirée. Mais les images, si magnifiques qu’elles soient, ne pourraient satisfaire notre désir de connaître le mystère du Ciel, qui, comme l’écrit saint Paul, dépasse toute représentation et tout sentiment : Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment » .
La prédication du Christ sur le Ciel.
Aussi, dépassant les symboles, le Christ va nous révéler les mystères du Royaume des Cieux.
La prédication de Jésus s’ouvre précisément par une promesse de bonheur où l’on a pu voir l’abrégé de toute la doctrine chrétienne : les huit Béatitudes du Royaume de Dieu, récompenses sans proportion avec les maux d’ici-bas. « Bienheureux les pauvres…, bienheureux les affligés.., bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice… Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les Cieux ».
Trois traits caractérisent cette récompense promise aux disciples de Jésus :
Ce sera essentiellement de voir Dieu : « Bienheureux les cœurs purs, ils verront Dieu ». Promesse inouïe pour une créature. Saint Paul précisera : « ce sera face à face et parfaitement » (1 Co 13,12), et saint Jean ajoutera : « Nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est » (1 Jn 3, 2). Connaissance parfaite donc, non pas abstraite et froide, mais réelle communion d’amour, et qui sera pour nous la vie éternelle : « La vie éternelle, c’est qu’ils Te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ ». C’est l’intimité réalisée avec Dieu, intimité qui est celle-la même du Père et du Fils !
Le curé d’Ars s’écriait dans une de ses plus simples et plus belles homélies : Nous le verrons ! Nous le verrons ! O mes frères ! Y avez-vous jamais pensé ? Nous verrons Dieu ! Nous le verrons tout de bon ! Nous le verrons tel qu’il est face à face ! Nous le verrons ! Nous le verrons !!!. Et pendant un quart d’heure il ne cessa de pleurer et de répéter : « nous le verrons ! ».
Ce sera aussi la rencontre avec le Christ. La récompense est d’être avec Lui, de siéger avec Lui, de partager son Royaume. « Ceux que Tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient aussi avec moi ». C’est tout le désir de saint Paul : « J’ai le désir de m’en aller et d’être avec le Christ ».
Ce sera enfin la réunion de tous les élus : « En vérité, je vous le dis, beaucoup viendront du levant et du couchant prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des Cieux ». « Voici qu’apparut à mes yeux, écrit saint Jean, une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue, vêtus de robes blanches et des palmes à la main … ».
Citons encore le saint Curé d’Ars : « Dans l’unité de son amour, se trouvent réunis les cœurs des chrétiens, et cette unité, c’est le ciel. Que c’est beau ! ».
Que nous enseignent l’Eglise et notre foi, sur la réalité du Ciel ? En quoi consistera ce magnifique bonheur ?
On peut résumer le contenu de la révélation en trois propositions claires, de foi définie par l’Église (cf. en particulier la définition de Benoît XII dans sa Constitution « Benedictus Deus » sur la vision béatifique en 1336) :
Les âmes des Justes, après leur mort, et dès qu’elles sont exemptes de tout péché et de toute suite de péché, entrent dans le Ciel.
Elles y sont admises à la claire vision de Dieu Un et Trine, tel qu’il est en lui-même et sans intermédiaire. Elles sont donc dès à présent vraiment bienheureuses. C’est pour beaucoup un sujet d’étonnement : s’il est vrai que la vision d’un beau paysage ou d’une œuvre d’art procure une certaine joie, elle ne suffit pas à faire le bonheur du spectateur. Comment donc comprendre que la béatitude consiste précisément en une vision ? Bien sûr, il ne peut s’agir pour l’âme bienheureuse d’une simple vision sensible de Dieu ; c’est d’un acte de connaissance, d’une vision de l’intelligence qu’il est question ici. Or de cette vision-là, celle de Dieu, on ne trouve aucun équivalent dans notre manière de connaître ici-bas : Dieu lui-même, en effet, se fera connaître à notre esprit sans l’intermédiaire d’aucune image ni représentation intellectuelle. Cette vision “intuitive” résultera de la présence la plus rigoureusement immédiate de Dieu, qui sera vu ainsi face à face, tel qu’il est dans l’Unité de l’Essence et la Trinité des Personnes.
Ce bonheur est éternel. Son degré varie toutefois selon les mérites de chacun.
A ce bonheur essentiel, il convient d’ajouter celui qui procède de la compagnie des anges et des saints formant autour de Jésus et de Marie la société des élus, bonheur qui grandira jusqu’au jour de la résurrection de la chair et du jugement dernier.
Dans sa catéchèse sur les fins dernières, Jean-Paul II disait l’essentiel : « Dans le cadre de la révélation, nous savons que le ciel ou la béatitude dans laquelle nous nous trouverons n’est pas une abstraction, ni un lieu physique parmi les nuages, mais une relation vivante et personnelle avec la Sainte Trinité. C’est la rencontre avec le Père qui se réalise dans le Christ ressuscité grâce à la communion de l’Esprit Saint » .
Deux conclusions se dégagent d’emblée d’une doctrine par ailleurs si riche et si profonde :
Premièrement, le paradis n’est pas ce délicieux jardin sans pollution auquel aspirent les témoins de Jéhovah, ni non plus ce lieu de jouissance charnelle promis par le Coran . « A la résurrection, dit Jésus, on ne prend ni femme, ni mari, mais on est comme des anges dans le Ciel ».
Comme les anges, les hommes ne peuvent trouver le bonheur qu’en Dieu seul, leur Créateur et leur fin dernière.
« Vous nous avez faits pour Vous et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’ il repose en Vous », confessait saint Augustin.
Deuxièmement, si le Ciel consiste en une relation vivante et personnelle avec la Sainte Trinité, alors il est déjà commencé dans l’âme chrétienne. Écoutons sainte Élisabeth de la Trinité nous l’expliquer : « A celui qui garde sa parole, Jésus n’a-t-il pas fait cette promesse : Mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure ? C’est toute la Trinité qui habite dans l’âme qui l’aime en vérité, c’est-à-dire en gardant sa parole !… Nous portons notre Ciel en nous puisque Celui qui rassasie les glorifiés dans la lumière de la vision se donne à nous dans la foi et le mystère, c’est le Même ! C’est si bon, n’est-ce pas de penser que, sauf la vision, nous le possédons déjà comme les bienheureux le possèdent là-haut ; que nous pouvons ne jamais le quitter, ne jamais nous laisser distraire de Lui ».
Et notre chère sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, à l’approche de la mort, atteinte de la tuberculose et durement éprouvée dans sa foi, dira : « Je ne vois pas bien ce que j’aurai de plus après ma mort que je n’aie déjà en cette vie. Je verrai le bon Dieu, c’est vrai ! Mais pour être avec lui, j’y suis déjà tout à fait sur la terre ».
Nous avons été créés pour le Ciel et nous pouvons l’avancer dès maintenant par l’amour et une vie dans la grâce.
Toutefois, saint Paul nous a bien précisé la différence : ici-bas, nous aimons Dieu et notre charité peut être parfaite, mais nous ne pouvons pas le connaître parfaitement, le voir en face, le toucher ; nous marchons dans la foi, nous sommes en exil, loin du Seigneur. Alors seulement, après la mort, nous le verrons face à face, nous serons vraiment avec lui, à le toucher ; c’est le cri de joie de sainte Agnès entrant au Ciel : « Ce que j’ai désiré, maintenant je le vois ; ce que j’ai espéré, je le tiens : je suis unie dans les Cieux à Celui que, sur terre, j’ai aimé de toute mon âme ».
Alors la foi se transformera en vision, l’espérance en possession.
Toute pleine de Dieu et indéfectiblement unie à lui, notre âme ne pourra qu’être dans une joie totale et parfaite. La manifestation de la splendeur divine dépassant toute mesure provoquera en elle une extase d’amour, qui sera aussi une extase de joie sans fin, un débordement de la joie même de Dieu.
Et avec une sainte moniale nous pouvons nous exclamer : « La vie est si courte et le Ciel sera si beau ! Comme nous voudrons avoir peiné et souffert ! ».
A la Très Sainte Vierge Marie, notre Mère à tous, nous demandons la grâce, la plus grande et la plus belle de toutes, d’entendre le jour de notre mort cette parole de notre bon Jésus : « Ô bon et fidèle serviteur… entre dans la joie de ton Seigneur ».
Ainsi soit-il.