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Homélie pour le 19ème dimanche du temps ordinaire 2018 (EA).

Pain du Ciel – Adoration.

L’Eucharistie est la rencontre et l’unification de personnes ; cependant, la personne qui vient à notre rencontre et qui désire s’unir à nous est le Fils de Dieu. Une telle unification ne peut se réaliser que selon la modalité de l’adoration. Recevoir l’Eucharistie signifie adorer Celui que nous recevons. Ce n’est qu’ainsi, et seulement ainsi, que nous devenons une seule chose avec Lui

Nous célébrons aujourd’hui le 19ème dimanche du temps ordinaire et pendant quelques semaines l’Eglise offre à notre méditation le discours de Jésus sur le Pain de Vie, qui est la préparation doctrinale de l’institution du sacrement de l’Eucharistie et que nous trouvons dans le chapitre 6 de saint Jean.
C’est donc une bonne occasion pour nous rappeler quelques aspects importants de notre foi dans le Très Saint Sacrement, le Pain du Ciel qui donne la vie au monde.
Dans ce passage de l’Evangile nous écoutons Jésus répéter 4 fois : « Je suis le Pain qui est descendu du Ciel ».

Le point primordial de ce sacrement est ce que l’on appelle “la présence réelle”.
A savoir, que le Christ, le Fils de Dieu, est réellement présent avec son corps, son sang, son âme et sa divinité dans le sacrement de l’Eucharistie, sous les espèces du pain et du vin.
Ce Pain que nous voyons avec nos yeux de chair n’est pas un pain normal, il est descendu du Ciel, c’est un Pain Divin. Dieu lui-même, Celui qui habite le Ciel, en descend, au moment de la consécration, pour venir habiter parmi nous, chez nous, dans ce pain : « Je suis le Pain qui est descendu du Ciel  ».

Le Catéchisme de l’Église Catholique (1374 et 1381) nous enseigne : « Le mode de présence du Christ sous les espèces eucharistiques est unique. Il élève l’Eucharistie au-dessus de tous les sacrements et en fait «  comme la perfection de la vie spirituelle et la fin à laquelle tendent tous les sacrements » (Saint Thomas d’Aquin, s. th. 3, 73, 3). Dans le très saint sacrement de l’Eucharistie sont « contenus vraiment, réellement et substantiellement le Corps et le Sang conjointement avec l’âme et la divinité de notre Seigneur Jésus-Christ, et, par conséquent, le Christ tout entier » (Cc Trente : DS 1651). « Cette présence, on la nomme réelle, non à titre exclusif, comme si les autres présences n’étaient pas réelles, mais par excellence parce qu’elle est substantielle et que par elle le Christ, Dieu et homme, se rend présent tout entier  » (MF 39).

« La présence du véritable Corps du Christ et du véritable Sang du Christ dans ce sacrement, on ne l’apprend point par les sens, dit saint Thomas, mais par la foi seule, laquelle s’appuie sur l’autorité de Dieu ».
C’est pourquoi, commentant le texte de saint Luc, 22, 19 : «  Ceci est mon Corps qui sera livré pour vous », saint Cyrille d’Alexandrie déclare : «  Ne va pas te demander si c’est vrai, mais accueille plutôt avec foi les paroles du Seigneur, parce que lui, qui est la Vérité, ne ment pas ».
Je T’adore profondément, divinité cachée,
vraiment présente sous ces apparences ;
à Toi mon cœur se soumet tout entier
parce qu’à Te contempler, tout entier il défaille.
La vue, le goût, le toucher ne T’atteignent pas :
à ce qu’on entend dire seulement il faut se fier ;
je crois tout ce qu’a dit le Fils de Dieu ;
rien de plus vrai que cette parole de la Vérité.

Cette réalité de l’Eucharistie, la présence réelle de Dieu, notre Père et notre Créateur, doit nous frapper d’étonnement et nous émerveiller constamment : nous sommes devant la présence du Dieu Très Haut, qui se cache humblement pour nous permettre de le manger et pour nous donner un exemple, mais qui reste toujours le Dieu du Ciel et la Terre.

Adoration.
Là nous touchons un point fondamental de notre foi et je vous invite à réfléchir sur la manière de le vivre.
Si nous regardons l’histoire de l’humanité, pour n’importe quel peuple de la terre nous verrons que la réponse et l’attitude premières de l’homme devant la présence de la divinité ont toujours été l’adoration. L’homme se reconnaît créature, petit, indigent, redevable en tout son être et son existence à Dieu son Créateur. Devant Dieu l’homme a adoré, et doit adorer.
Nous le voyons aussi dans la Sainte Écriture.
Dans l’Ancien Testament : « Quand Salomon eut achevé d’adresser au Seigneur toute cette prière et toute cette supplication, il se releva de devant l’autel du Seigneur, là où il s’était agenouillé et, les mains tendues vers le ciel, il se tint debout et bénit toute l’assemblée d’Israël » (1R 8, 54-55).
Nouveau Testament : Pierre qui se met à genoux devant Jésus (Lc 5, 8) admiré par sa puissance et sa majesté. De même Jaïre, le chef de la synagogue, pour lui demander la guérison de sa fille (Lc 8, 41), ou Marie Madeleine qui se jette à ses pieds pour supplier qu’il redonne la vie à son frère Lazare (Jn 11, 32).
Et surtout nous voyons bien souvent cette attitude d’adoration et de prosternation devant la présence divine dans le livre de l’Apocalypse : « Quand l’Agneau eut pris le Livre, les quatre Vivants et les vingt-quatre Anciens se jetèrent à ses pieds 5,8 ; Et les quatre Vivants disaient : « Amen ! » ; et les Anciens, se jetant devant le Trône, se prosternèrent 14. Les vingt-quatre Anciens et les quatre Vivants se prosternèrent et adorèrent Dieu qui siège sur le trône ; ils proclamaient : « Amen ! Alléluia ! » 19, 4 »).

Le Catéchisme (1418) affirme encore : « Puisque le Christ Lui-même est présent dans le Sacrement de l’Autel, il faut L’honorer d’un culte d’adoration ».

Le Pape Paul VI, à son tour : « L’Église catholique a rendu et continue de rendre ce culte d’adoration qui est dû au sacrement de l’Eucharistie non seulement durant la messe, mais aussi en dehors de sa célébration : en conservant avec le plus grand soin les hosties consacrées, en les présentant aux fidèles pour qu’ils les vénèrent avec solennité, en les portant en procession » (Mysterium Fidei 56).

Bienfaits de l’adoration.
En même temps il est important de dire que le fait d’adorer Dieu ce n’est pas seulement une obligation qui nous vient d’en haut, de l’église, mais que c’est surtout et au-delà de tout un besoin de notre vie, de notre existence humaine et qui, en premier lieu, est à notre bénéfice.
Pour ce respect le pape émérite Benoît XVI disait :
« Adorer le Dieu de Jésus Christ, qui, par amour s’est fait pain rompu, est le remède le plus valide et radical contre les idolâtries d’hier et d’aujourd’hui. S’agenouiller devant l’Eucharistie est une profession de liberté : qui s’incline devant Jésus ne peut et ne doit pas se prosterner devant aucun autre pouvoir terrestre, si fort fût-il. Nous, chrétiens, nous ne nous agenouillons que devant le Saint-Sacrement, parce que nous savons et nous croyons qu’en lui l’unique vrai Dieu est présent, lui qui a créé le monde et l’a tant aimé qu’il lui a donné son Fils unique. Nous nous prosternons devant un Dieu qui le premier s’est incliné vers l’homme comme un bon Samaritain, pour le secourir et lui redonner la vie ».
Cette adoration, donc, nous donne la possibilité de vivre dans la vérité de notre existence et de vivre dans l’amour de tout un Dieu qui veut être pour nous un Père.
Le pape poursuit : « Adorer le Corps du Christ veut dire croire qu’en lui, dans ce morceau de pain, il y a réellement le Christ, qui donne un vrai sens à la vie, à l’immense univers et à la créature la plus petite, à toute l’histoire humaine comme à la plus brève existence. L’adoration est prière qui prolonge la célébration et la communion eucharistique et dans laquelle l’âme continue à se nourrir : à se nourrir d’amour, de vérité, de paix ; se nourrit d’espérance, parce que Celui devant lequel nous nous prosternons ne nous juge pas, ne nous écrase pas, mais nous libère et nous transforme  » (Homélie pour la Solennité du Corps et du Sang du Christ mai 2008).
Par l’adoration nous nous mettons dans les bonnes dispositions pour recevoir toutes les bénédictions de Dieu.

Rites.
En troisième lieu nous pouvons considérer la manière dont il nous faut adorer.
Comme nous sommes des hommes et que nous avons un corps et une âme, il nous faut manifester notre foi en Dieu par cette attitude d’adoration pas seulement dans notre cœur, mais aussi dans notre corps, par des actes extérieurs. De là, l’importance des rites et des gestes dans toute notre vie et dans la liturgie.
Le Catéchisme (1378) explique : « Dans la liturgie de la messe, nous exprimons notre foi en la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin, entre autres, en fléchissant les genoux, ou en nous inclinant profondément en signe d’adoration du Seigneur ».
Le père dominicain Bernard Bro écrivait de nos jours, en réclamant notre attention sur les gestes d’adoration : « D’étranges petites inclinations se sont substituées à la prostration biblique de nos frères d’Orient ou à la génuflexion médiévale comme si, chez nous, l’amour du Christ était un peu atteint par les rhumatismes. Quelle chance pourtant : il y a Quelqu’un, devant qui on peut s’agenouiller ». (Peut-on éviter Jésus-Christ ? 1995).

L’Église, qui est notre mère et maîtresse, nous indique la manière de vivre et manifester notre foi dans les normes liturgiques, qui sont là non pas comme une obligation arbitraire, mais comme une indication de salut et sagesse pour nous apprendre à vivre et à préserver notre foi. Écoutons notre cher pape saint Jean Paul II : « Je vous dis donc : Soyez des adorateurs convaincus de l’Eucharistie, dans le plein respect des règles liturgiques, avec un sérieux, une piété et une intelligence qui n’ôtent rien à la familiarité et à la tendresse. […] Soyez donc toujours des âmes eucharistiques pour pouvoir être d’authentiques chrétiens » (Homélie du 19 août 1979).

Je voudrais terminer en nous rappelant ces quelques gestes que l’Eglise nous prescrit pour manifester notre amour et notre adoration envers le Pain du Ciel, notre Dieu présent dans l’Eucharistie. Cela nous servira peut-être comme examen de conscience, mais surtout pour mieux vivre, en corps et âme, notre relation avec notre Dieu Eucharistie.
La présentation générale du missel romain, qui est un des documents qui régissent la célébration de la messe nous dit :
Au le moment de la consécration : (43) « Les fidèles s´agenouilleront pour la consécration, à moins que leur état de santé, l´exiguïté des lieux ou le grand nombre des participants ou d´autres justes raisons ne s´y opposent. Ceux qui ne s’agenouillent pas pour la consécration feront une inclinaison profonde pendant que le prêtre fait la génuflexion après la consécration. Là où il est de coutume que le peuple demeure à genoux depuis la fin du Sanctus jusqu’à la fin de la Prière eucharistique, et avant la communion quand le prêtre dit Ecce Agnus Dei (Voici l’Agneau de Dieu), il sera bon de conserver cette coutume ».
Et pour la communion : (160) « Le prêtre prend alors la patène ou le ciboire, et s´approche des communiants qui ordinairement s’avancent en procession. Il n’est pas permis aux fidèles de prendre eux-mêmes le pain consacré ou le calice, encore moins de se le transmettre de main en main. Les fidèles communient à genoux ou debout. Quand ils communient debout, il leur est recommandé, avant de recevoir le Sacrement, de faire un geste de vénération approprié (génuflexion ou une profonde révérence) ».

Saint Augustin, au 4ème siècle, avait déjà dit : « Que personne ne mange cette chair sans auparavant l’adorer ;… nous pécherions si nous ne l’adorions pas ».
Le pape Benoît XVI commente ainsi ces paroles : « De fait, dans l’Eucharistie nous ne recevons pas simplement quelque chose. Celle-ci est la rencontre et l’unification de personnes ; cependant, la personne qui vient à notre rencontre et qui désire s’unir à nous est le Fils de Dieu. Une telle unification ne peut se réaliser que selon la modalité de l’adoration. Recevoir l’Eucharistie signifie adorer Celui que nous recevons. Ce n’est qu’ainsi, et seulement ainsi, que nous devenons une seule chose avec Lui  ». (Présentation des vœux de Noël 2005 à la curie romaine).

Que la Très Sainte Vierge Marie, l’humble servante du Seigneur, nous enseigne à aimer et à adorer notre Dieu pour sa plus grande gloire et le salut de nos âmes.

Ainsi soit-il.

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