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Année 2024- Homélie pour le vendredi Saint- (JGA)

 

Sans effusion de sang il n’y a pas de pardon.

 

 

Le Sang du Christ innocente l’homicide et accorde, pour les siècles des siècles, le pardon à ceux qui se repentent.

 

 


C’est peu après sa naissance, lors de sa circoncision, alors qu’il est présenté au Temple de Jérusalem par ses parents, selon la tradition juive, que Jésus verse pour la première fois son Sang pour l’humanité. En cet instant intime, Marie offre elle-même son Fils au Père pour le salut des hommes, préfigurant le sacrifice du Calvaire, comme le prophétise le vieillard Syméon : « Mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples » (Lc 2, 30).

Trente-trois ans plus tard, pour la première fois dans l’histoire de l’Eglise, Jésus donne à boire « le vin de l’Alliance nouvelle et éternelle » à ses disciples, réunis au Cénacle: « Buvez-en tous, car ceci est mon sang versé pour la multitude en rémission des péchés » (Mt 26, 28). C’est par ce Sang versé par amour lors de sa Passion qu’il désire ardemment réconcilier les hommes avec son Père,  notre Père. « Vous le savez, écrira saint Pierre, ce n’est pas par des biens corruptibles que vous avez été rachetés mais c’est par un sang précieux, celui d’un agneau sans défaut et sans tache, le Christ » (1 P 1, 19). Les Hébreux avaient déjà marqué avec le sang de l’agneau les portes de leurs maisons, à la demande de Moïse, la nuit de la Pâque, pour protéger leurs premiers-nés de l’Ange de la Mort.
Immédiatement après la Cène, Jésus commence à verser son Sang au jardin des Oliviers, suant sang et eau, de frayeur devant l’acte qui l’attend, et de tristesse devant les péchés et l’ingratitude des hommes à travers les siècles. Ce glorieux Sang ne cessera plus de couler: flagellation, couronnement d’épines, sa barbe arrachée, crucifixion des pieds, des mains, et enfin transpercement du divin Cœur, par la lance du soldat.
Qui pourrait alors s’étonner que, dès ses premiers instants, l’Eglise naissante au Calvaire ait voué un culte au Sang de l’Agneau innocent qu’elle venait de voir mourir sous ses yeux ? Qui pourrait douter que la Vierge Marie, saint Jean et Marie Madeleine aient recueilli ce divin baume, en conservant les linges imbibés et d’abord le Saint Suaire, qui en est la plus insigne relique en raison du « Sang divin dont il est teint », rappelait le pape Sixte IV (1471-1484) qui réclama qu’elle reçoive les hommages dus à la Croix.

Ainsi l’Eglise vénère-t-elle ce Précieux Sang depuis deux mille ans. Au cours de la messe, le sacrifice du Christ est renouvelé et par le pain, transformé en son corps, et par le vin, transformé en son sang. Dans la cathédrale du Précieux-Sang de Westminster, Benoît XVI affirmait clairement en 2010 que ce « Sang du Christ répandu est la source de la vie de l’Eglise ». Car les sept sacrements « opèrent par la vertu du Sang de Jésus-Christ la grâce qu’ils signifient » (concile de Trente). C’est bien le Sang du Christ qui les rend efficaces.
Dès le premier siècle, le pape saint Clément Ier écrit : « Fixons notre regard sur le Sang du Christ et réalisons combien il est vraiment précieux, puisqu’il a été versé pour notre salut et a apporté la grâce de la conversion au monde entier ».
Les Pères et les Docteurs lui ont également accordé une valeur prééminente : « Salut des âmes », pour saint Jean Chrysostome au IVe siècle ; « l’or le plus précieux », pour saint Ambroise, à la même époque; « clé du paradis », pour saint Thomas d’Aquin qui lui dédie l’hymne de l’Adoro Te, au XIIIe siècle : « Pieux pélican, Jésus mon Seigneur, moi qui suis impur, purifie-moi par ton Sang, dont une seule goutte aurait suffi à sauver le monde entier de toute faute». Certains saints ont vécu cette dévotion avec une ferveur particulière. Sainte Gertrude d’Hefta (1256-1302), moniale allemande, l’une des initiatrices de la dévotion au Sacré-Cœur , a reçu de nombreuses révélations du Christ, qui lui enseigna cette prière: « Père Eternel, je Vous offre le Très Précieux Sang de votre Divin Fils Jésus, en union avec toutes les messes célébrées aujourd’hui dans le monde entier, pour toutes les saintes âmes du Purgatoire, pour les pécheurs en tous lieux ». Sainte Catherine de Sienne (1347-1380) commençait toutes ses lettres par: « Je vous écris dans le Sang Précieux de Jésus-Christ » et invitait ses interlocuteurs à « se plonger dans le Précieux Sang » de l’Agneau. Saint Ignace (1491-1556), fondateur des jésuites, s’écriait : « Sang de Jésus-Christ, enivre-moi ! ». Sainte Marie-Madeleine de Pazzi (1566-1607), carmélite, invoque plus de cinquante fois par jour le Précieux Sang, après avoir vécu de nombreuses extases au cours desquelles elle contempla la Passion : « Ô Amour, j’aurais aimé être la terre qui recevait ton Sang ! Amour, fais au moins que les cœurs des créatures le reçoivent ».
Saint Gaspard del Bufalo (1786-1837), fondateur en 1815 des Missionnaires du Précieux-Sang, qui propagent cette dévotion dans le monde, écrivait : « Que chacun des Sacrements qui sortent de votre Cœur comme sept fleuves de vie, nous rappelle la vertu de la Présence invisible de votre Sang rédempteur en chacun d’eux, afin de nous communiquer la grâce particulière que vous avez daigné y attacher, pour l’accomplissement de notre sanctification ». Il est aussi l’inspirateur de la fondation des adoratrices du Sang du Christ, par sainte Maria De Mattias (1805-1866).

Jésus, qui ne S’est pas défendu Lui-même, S’est suscité un avocat en la personne du larron repentant. Que s’est-il donc passé dans le cœur de ce brigand pour qu’il se convertisse sur la croix?
Le Seigneur Jésus était attaché à la croix, les Juifs blasphémaient, les princes ricanaient, et bien que le sang des victimes tombées sous ses coups ne fût pas encore desséché, le larron lui rendait hommage; d’autres secouaient la tête en disant : « Si tu es le Fils de Dieu, sauve-toi toi-même ! » (Matth. XXVII, 10).
Jésus ne répondait pas, et, tout en gardant le silence, Il punissait les méchants. Pour la honte des Juifs, le Sauveur ouvre la bouche à un homme qui doit plaider Sa cause; cet homme n’est autre qu’un larron, crucifié comme Lui; car deux larrons avaient été crucifiés avec Lui, l’un à Sa droite, l’autre à Sa gauche. Au milieu d’eux se trouvait le Sauveur. C’était comme une balance parfaitement équilibrée, dont un plateau élevait le larron fidèle, dont l’autre abaissait le larron incrédule qui l’insultait à Sa gauche. Celui de droite s’humilie profondément: il se reconnaît coupable au tribunal de sa conscience, il devient, sur la croix, son propre juge, et sa confession fait de lui un docteur. Voici sa première parole, elle s’adresse à l’autre brigand : « Ni toi, non plus, tu ne crains pas ? » (Luc, XXI,  I, 3).
Hé quoi, larron! tout à l’heure tu volais, et maintenant tu reconnais Dieu; tout à l’heure tu étais un assassin, et maintenant tu crois au Christ?
Dis-nous donc, oui, dis-nous ce que tu as fait de mal; dis-nous ce que tu as vu faire de bien au Sauveur?
Nous, nous avons tué des vivants, et, Lui, Il a rendu la vie aux morts; nous, nous avons dérobé le bien d’autrui, et, Lui, Il a donné tous Ses trésors à l’univers; et Il S’est fait pauvre pour me rendre riche.
Il discute avec l’autre larron: Jusqu’ici, dit-il, nous avons marché ensemble pour commettre le crime. Offre ta croix, on t’indiquera le chemin à suivre, si tu veux vivre avec moi. Après avoir été mon collègue dans la voie du crime, accompagne-moi jusqu’au séjour de la vie ; car cette croix, c’est l’arbre de vie. David a dit en l’un de ses psaumes : « Dieu connaît les sentiers du juste, et la voie de l’impie conduit à la mort » (Ps. I, 6).
La prière du larron manifeste qu’il a été illuminé par la foi. La réponse du Christ va bien au-delà de ce que le larron a demandé dans sa prière.
Après sa confession, il se tourne vers Jésus : « Seigneur, Lui dit-il, souvenez-Vous de moi, lorsque Vous serez arrivé en Votre Royaume ! » (Ps. XXIII, 42).
Je ne savais comment dire au larron: Pour que le Christ se souvienne de toi, quel bien as-tu fait? A quelles bonnes œuvres as-tu employé ton temps? Tu n’as fait que du mal aux autres, tu as versé le sang de ton prochain, et tu oses dire « Souvenez-vous de moi ! ».
Larron, tu es devenu le compagnon de ton Maître, réponds donc: j’ai reconnu mon Maître, au milieu des ignominies de mon supplice; aussi ai-je le droit d’attendre de Lui une récompense. Qu’Il soit cloué à une croix, peu m’importe! Je n’en crois pas moins que Sa demeure, que le trône de Sa justice est dans le Ciel.
« Seigneur, dit-il, souvenez-Vous de moi, lorsque Vous serez arrivé en Votre Royaume !».
Le Christ n’avait ouvert la bouche ni en présence de Pilate, ni devant les princes des prêtres : de Ses lèvres si pures n’était tombé aucun mot de réponse à l’adresse de Ses ennemis, parce que leurs questions n’étaient pas dictées par la droiture.
Et voilà qu’Il parle au larron sans Se faire attendre, parce que celui-ci Le prie avec simplicité : « En vérité, en vérité, Je te le dis : aujourd’hui même tu seras avec Moi dans le paradis » (Luc, XXIII, 13).
Hé quoi, larron ? tu as demandé une faveur pour l’avenir, et tu l’as obtenue pour le jour même ! Tu dis : « Lorsque Vous arriverez en Votre Royaume », et, pas plus tard qu’aujourd’hui, Il te donne une place au paradis!
De quelle manière le larron a reçu la grâce du saint baptême. Mais comment expliquer ceci ? Le Christ promet la vie au larron, et le larron n’a pas encore reçu la grâce ? Le Seigneur dit en son saint Evangile : « Quiconque ne renaît pas de l’eau et de l’Esprit-Saint ne peut entrer dans le Royaume des cieux » (Jean, III, 5). Et le temps ne permet pas de baptiser le larron.
Dans sa miséricorde, le Rédempteur imagine à cela un remède. Un soldat s’approche; d’un coup de lance, il ouvre le côté du Christ, et de cette plaie « s’échappent du sang et de l’eau » (Jean XIX, 31) qui rejaillissent sur les membres du larron.

L’apôtre Paul a dit ceci : « Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de l’aspersion de ce Sang qui parle plus haut que celui d’Abel » (Hébr. XII, 22-24). Pourquoi le Sang du Christ parle-t-il plus haut que celui d’Abel? Parce que le sang d’Abel accuse un parricide, tandis que celui du Christ innocente l’homicide et accorde, pour les siècles des siècles, le pardon à ceux qui se repentent.
Ainsi soit-il !

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