Année 2024-Homélie pour le 3ème dimanche de l’Avent (JGA).

saint jean baptiste el greco

L’appel de Jean Baptiste et la vraie joie.

Qui a rencontré le Christ dans sa vie, éprouve dans son cœur une sérénité et une joie que personne ni aucune situation ne saurait faire disparaître. La vraie joie n’est pas un simple état d’âme passager, ni quelque chose que l’on atteint de ses propres forces, mais elle est un don.

 


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Dans notre parcours d’Avent, nous voici parvenus au dimanche de «Gaudete» (Réjouissez-vous!), dont le titre est emprunté à la Lettre aux Philippiens: « Soyez toujours dans la joie du Seigneur; je le redis: soyez dans la joie.» (Ph 4,4). Bossuet, dans un célèbre sermon a vivement ressenti cette difficulté: «Quel nouveau commandement! Peut-on commander de se réjouir? La joie veut naître de source, ni commandée, ni forcée. Quand on possède le bien qu’on désire, elle coule d’elle-même avec abondance; quand il nous manque, on a beau dire «réjouissez-vous»; eût-on itéré mille fois ce commandement, la joie ne vient pas. Et toutefois, c’est un précepte de l’apôtre.»
Ce temps de l’Avent est donc une bonne occasion de redécouvrir le véritable sens de la joie chrétienne. Faisons-le de la main de Saint Jean Baptiste que la liturgie d’aujourd’hui nous propose en exemple.

Quelle figure contradictoire que Jean-Baptiste! Il est radical dans l’appel à la conversion et il emploie une dureté de ton qui dérange nos habitudes. Pourtant Jean est aussi celui qui retrouve toute douceur et humilité lorsqu’il parle du Messie, vers lequel toute sa vie est tendue: « Il vient, Celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. » (Lc 3, 16) Ou encore : « L’ami de l’époux est ravi de joie à la voix de l’époux… Il faut qu’il grandisse et que je diminue. » (Jn 3, 30) Jean s’efface devant la personne du Christ. Il n’est qu’une « voix qui crie dans le désert »… Dans un sermon célèbre, saint Augustin mettait en relation le Christ avec le précurseur, comme la parole avec la voix: « Jean était la voix, mais le Seigneur au commencement était la Parole. Jean, une voix pour un temps; le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle. Enlève la parole, qu’est-ce que la voix? Là où il n’y a rien à comprendre, c’est une sonorité vide. La voix sans la parole frappe l’oreille, elle n’édifie pas le cœur. » (Saint Augustin, Sermon 193, 3.)

Notre homélie suivra ce parcours : l’Avent nous invite à la conversion, pour que nous devenions une voix qui transmette la parole de Dieu et non sa propre vacuité; puis nous sommes invités à l’annonce: être une voix qui crie dans le désert de ce monde.
Conversion : sortir au désert.
Appelé à une annonce sublime, Jean a appris par le jeûne et la prière à ne pas se mettre en avant: « Il demeurait dans les déserts jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. » (Lc 1, 80) Romano Guardini nous présente cette période de sa vie : « Ce garçon est appelé à une vie grande et lourde. La main du Seigneur s’est posée sur lui, l’éloignant de tout ce qui remplit d’ordinaire une existence humaine, lui assignant le désert comme demeure. Il y vit séparé de tous, dans l’austérité, croissant spirituellement, toute son âme tendue vers la volonté sainte qui se tourne vers lui. »(Le Seigneur, p. 49).
Sa mission de précurseur achevée, Jean reste humblement dans les entrailles de la prison d’Hérode en attendant sa décapitation… Une dernière fois, il précède humblement son Maître : d’abord par la naissance, puis par l’annonce, enfin par le martyre.
Reconnaissons tout d’abord l’urgence de la conversion, pour nous préparer comme Jean. La nécessité d’une « voix qui crie dans le désert » est d’une actualité brûlante dans les déserts de notre monde, mais où le Seigneur pourra-t-il trouver des voix dignes de lui ?
Pendant l’Avent, nous ressentons ce désir de sortir du brouillard spirituel où nous errons comme des aveugles, le bruit aussi nous fatigue. L’appel à la conversion personnelle est donc pressant. Portons nos oreilles internes sur l’essentiel, cette présence du Seigneur au seuil de notre âme, qui frappe doucement et voudrait qu’on lui ouvre la porte. Le langage du prédécesseur du Christ est métaphorique. Il parle des voies, des sentiers qu’il faut “aplanir”, des montagnes qu’il faut abaisser, des ravins qu’il faut “combler”; il parle enfin des chemins raboteux qu’il faut “niveler”.
N’ayons pas peur d’affronter ces misères et pauvretés internes. Quel désert aride se cache en nous, qui a besoin d’être irrigué par la grâce ? Quel sentier tortueux de comportements ambivalents, quels ravins de péché et quelles montagnes d’orgueil et de vanité déforment encore notre cœur ?
Pour prendre une résolution concrète, il me suffit d’imaginer que ma rencontre définitive avec Jésus aura lieu dans une heure. Que voudrais-je alors avoir changé dans ma vie ? Imitons les premiers moines dont le genre de vie a été loué par Saint Jérôme : « Heureux genre de vie : dédaigner les hommes, rechercher les anges, quitter les villes et dans la solitude trouver le Christ ».(Saint Jérôme, Homélie sur Marc 1A, Sources Chrétiennes, nº 494, p. 69).

Annonce : être une voix.
Vient ensuite l’appel à témoigner, à devenir une voix qui interpelle autrui pour qu’il entre dans ce mouvement de conversion.
« Voix de celui qui crie dans le désert… » Nous pouvons avoir la tentation de rechercher le compromis, de ne vouloir froisser personne, de ne pas choquer. Or, ce que nous annonçons ne vient pas de nous, mais de Dieu. Étant les instruments du Seigneur, nous n’avons pas à mitiger et à adapter ce que nous avons nous-mêmes reçu, sous prétexte d’être à la mode, ou à nous conformer à une science de mauvais aloi. Ce serait céder à l’orgueil et se fourvoyer. Rappelons-nous l’exemple de tant de saints qui ont annoncé l’Evangile avec audace. Ce n’est pas à une mission humaine que nous sommes appelés et la popularité ne doit pas nous servir de mètre-étalon. Nous sommes envoyés pour annoncer le Christ et l’Evangile. Il convient certes de le faire charitablement et avec respect, mais nous n’avons ni à édulcorer le message, ni à prendre des précautions exagérées. N’ayons pas peur. La vérité qui nous est confiée est non seulement bonne pour tout homme, mais elle lui est indispensable, car elle lui ouvre la porte vers l’éternité bienheureuse, pour laquelle il est fait. Celui qui évangélise avec cette conviction est très souvent étonné de l’écho rencontré auprès de personnes qui auraient pu s’offusquer, se désintéresser ou exprimer un profond rejet et qui finalement sont touchées. Nous sommes souvent une voix qui crie dans le désert. En dépit des apparences, nos familles, nos groupes d’amis, nos lieux de vie et ce monde en général sont autant de déserts où la vie spirituelle peine à fleurir. Déserts assoiffés d’une parole qui apporte la vie, la joie; assoiffés surtout d’un visage, celui du Christ. N’ayons donc pas peur d’être une voix qui crie sous le souffle de l’Esprit.
Suivons l’appel de Saint Jean Baptiste à la conversion, cherchons l’union avec Jésus, soyons pour tous une voix qui annonce la Bonne Nouvelle.

Terminons avec une réflexion du Pape Benoît XVI sur la vraie joie : «La vraie joie n’est pas le fruit du divertissement, entendu dans le sens étymologique du terme di-vertere, c’est-à-dire sortir des engagements de sa vie et de ses responsabilités. La vraie joie est liée à quelque chose de plus profond. Certes, dans les rythmes quotidiens, souvent frénétiques, il est important de trouver des espaces de temps pour le repos, la détente, mais la vraie joie est liée à la relation avec Dieu. Qui a rencontré le Christ dans sa vie, éprouve dans son cœur une sérénité et une joie que personne ni aucune situation ne saurait faire disparaître. La vraie joie n’est pas un simple état d’âme passager, ni quelque chose que l’on atteint de ses propres forces, mais elle est un don, elle naît de la rencontre avec la personne vivante de Jésus, de la place que nous lui accordons en nous, de l’accueil que nous réservons à l’Esprit Saint qui guide notre vie. C’est l’invitation de l’apôtre Paul, qui dit: ‘Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu’il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ.’ (1 Th 5, 23)».

Si nous recherchons sincèrement ce qui est encore désertique et chaotique dans nos vies pour y porter un vrai remède en laissant le Seigneur agir en nous, alors c’est dans notre cœur que le Bon Jésus pourra naître à Noël.

Publié le 16 décembre 2024

Année 2024-Homélie pour le 3ème dimanche de l’Avent (JGA).

L’appel de Jean Baptiste et la vraie joie.

Qui a rencontré le Christ dans sa vie, éprouve dans son cœur une sérénité et une joie que personne ni aucune situation ne saurait faire disparaître. La vraie joie n’est pas un simple état d’âme passager, ni quelque chose que l’on atteint de ses propres forces, mais elle est un don.

 


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Dans notre parcours d’Avent, nous voici parvenus au dimanche de «Gaudete» (Réjouissez-vous!), dont le titre est emprunté à la Lettre aux Philippiens: « Soyez toujours dans la joie du Seigneur; je le redis: soyez dans la joie.» (Ph 4,4). Bossuet, dans un célèbre sermon a vivement ressenti cette difficulté: «Quel nouveau commandement! Peut-on commander de se réjouir? La joie veut naître de source, ni commandée, ni forcée. Quand on possède le bien qu’on désire, elle coule d’elle-même avec abondance; quand il nous manque, on a beau dire «réjouissez-vous»; eût-on itéré mille fois ce commandement, la joie ne vient pas. Et toutefois, c’est un précepte de l’apôtre.»
Ce temps de l’Avent est donc une bonne occasion de redécouvrir le véritable sens de la joie chrétienne. Faisons-le de la main de Saint Jean Baptiste que la liturgie d’aujourd’hui nous propose en exemple.

Quelle figure contradictoire que Jean-Baptiste! Il est radical dans l’appel à la conversion et il emploie une dureté de ton qui dérange nos habitudes. Pourtant Jean est aussi celui qui retrouve toute douceur et humilité lorsqu’il parle du Messie, vers lequel toute sa vie est tendue: « Il vient, Celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. » (Lc 3, 16) Ou encore : « L’ami de l’époux est ravi de joie à la voix de l’époux… Il faut qu’il grandisse et que je diminue. » (Jn 3, 30) Jean s’efface devant la personne du Christ. Il n’est qu’une « voix qui crie dans le désert »… Dans un sermon célèbre, saint Augustin mettait en relation le Christ avec le précurseur, comme la parole avec la voix: « Jean était la voix, mais le Seigneur au commencement était la Parole. Jean, une voix pour un temps; le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle. Enlève la parole, qu’est-ce que la voix? Là où il n’y a rien à comprendre, c’est une sonorité vide. La voix sans la parole frappe l’oreille, elle n’édifie pas le cœur. » (Saint Augustin, Sermon 193, 3.)

Notre homélie suivra ce parcours : l’Avent nous invite à la conversion, pour que nous devenions une voix qui transmette la parole de Dieu et non sa propre vacuité; puis nous sommes invités à l’annonce: être une voix qui crie dans le désert de ce monde.
Conversion : sortir au désert.
Appelé à une annonce sublime, Jean a appris par le jeûne et la prière à ne pas se mettre en avant: « Il demeurait dans les déserts jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. » (Lc 1, 80) Romano Guardini nous présente cette période de sa vie : « Ce garçon est appelé à une vie grande et lourde. La main du Seigneur s’est posée sur lui, l’éloignant de tout ce qui remplit d’ordinaire une existence humaine, lui assignant le désert comme demeure. Il y vit séparé de tous, dans l’austérité, croissant spirituellement, toute son âme tendue vers la volonté sainte qui se tourne vers lui. »(Le Seigneur, p. 49).
Sa mission de précurseur achevée, Jean reste humblement dans les entrailles de la prison d’Hérode en attendant sa décapitation… Une dernière fois, il précède humblement son Maître : d’abord par la naissance, puis par l’annonce, enfin par le martyre.
Reconnaissons tout d’abord l’urgence de la conversion, pour nous préparer comme Jean. La nécessité d’une « voix qui crie dans le désert » est d’une actualité brûlante dans les déserts de notre monde, mais où le Seigneur pourra-t-il trouver des voix dignes de lui ?
Pendant l’Avent, nous ressentons ce désir de sortir du brouillard spirituel où nous errons comme des aveugles, le bruit aussi nous fatigue. L’appel à la conversion personnelle est donc pressant. Portons nos oreilles internes sur l’essentiel, cette présence du Seigneur au seuil de notre âme, qui frappe doucement et voudrait qu’on lui ouvre la porte. Le langage du prédécesseur du Christ est métaphorique. Il parle des voies, des sentiers qu’il faut “aplanir”, des montagnes qu’il faut abaisser, des ravins qu’il faut “combler”; il parle enfin des chemins raboteux qu’il faut “niveler”.
N’ayons pas peur d’affronter ces misères et pauvretés internes. Quel désert aride se cache en nous, qui a besoin d’être irrigué par la grâce ? Quel sentier tortueux de comportements ambivalents, quels ravins de péché et quelles montagnes d’orgueil et de vanité déforment encore notre cœur ?
Pour prendre une résolution concrète, il me suffit d’imaginer que ma rencontre définitive avec Jésus aura lieu dans une heure. Que voudrais-je alors avoir changé dans ma vie ? Imitons les premiers moines dont le genre de vie a été loué par Saint Jérôme : « Heureux genre de vie : dédaigner les hommes, rechercher les anges, quitter les villes et dans la solitude trouver le Christ ».(Saint Jérôme, Homélie sur Marc 1A, Sources Chrétiennes, nº 494, p. 69).

Annonce : être une voix.
Vient ensuite l’appel à témoigner, à devenir une voix qui interpelle autrui pour qu’il entre dans ce mouvement de conversion.
« Voix de celui qui crie dans le désert… » Nous pouvons avoir la tentation de rechercher le compromis, de ne vouloir froisser personne, de ne pas choquer. Or, ce que nous annonçons ne vient pas de nous, mais de Dieu. Étant les instruments du Seigneur, nous n’avons pas à mitiger et à adapter ce que nous avons nous-mêmes reçu, sous prétexte d’être à la mode, ou à nous conformer à une science de mauvais aloi. Ce serait céder à l’orgueil et se fourvoyer. Rappelons-nous l’exemple de tant de saints qui ont annoncé l’Evangile avec audace. Ce n’est pas à une mission humaine que nous sommes appelés et la popularité ne doit pas nous servir de mètre-étalon. Nous sommes envoyés pour annoncer le Christ et l’Evangile. Il convient certes de le faire charitablement et avec respect, mais nous n’avons ni à édulcorer le message, ni à prendre des précautions exagérées. N’ayons pas peur. La vérité qui nous est confiée est non seulement bonne pour tout homme, mais elle lui est indispensable, car elle lui ouvre la porte vers l’éternité bienheureuse, pour laquelle il est fait. Celui qui évangélise avec cette conviction est très souvent étonné de l’écho rencontré auprès de personnes qui auraient pu s’offusquer, se désintéresser ou exprimer un profond rejet et qui finalement sont touchées. Nous sommes souvent une voix qui crie dans le désert. En dépit des apparences, nos familles, nos groupes d’amis, nos lieux de vie et ce monde en général sont autant de déserts où la vie spirituelle peine à fleurir. Déserts assoiffés d’une parole qui apporte la vie, la joie; assoiffés surtout d’un visage, celui du Christ. N’ayons donc pas peur d’être une voix qui crie sous le souffle de l’Esprit.
Suivons l’appel de Saint Jean Baptiste à la conversion, cherchons l’union avec Jésus, soyons pour tous une voix qui annonce la Bonne Nouvelle.

Terminons avec une réflexion du Pape Benoît XVI sur la vraie joie : «La vraie joie n’est pas le fruit du divertissement, entendu dans le sens étymologique du terme di-vertere, c’est-à-dire sortir des engagements de sa vie et de ses responsabilités. La vraie joie est liée à quelque chose de plus profond. Certes, dans les rythmes quotidiens, souvent frénétiques, il est important de trouver des espaces de temps pour le repos, la détente, mais la vraie joie est liée à la relation avec Dieu. Qui a rencontré le Christ dans sa vie, éprouve dans son cœur une sérénité et une joie que personne ni aucune situation ne saurait faire disparaître. La vraie joie n’est pas un simple état d’âme passager, ni quelque chose que l’on atteint de ses propres forces, mais elle est un don, elle naît de la rencontre avec la personne vivante de Jésus, de la place que nous lui accordons en nous, de l’accueil que nous réservons à l’Esprit Saint qui guide notre vie. C’est l’invitation de l’apôtre Paul, qui dit: ‘Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu’il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ.’ (1 Th 5, 23)».

Si nous recherchons sincèrement ce qui est encore désertique et chaotique dans nos vies pour y porter un vrai remède en laissant le Seigneur agir en nous, alors c’est dans notre cœur que le Bon Jésus pourra naître à Noël.

Publié le 16 décembre 2024

Année 2024-Homélie pour le 3ème dimanche de l’Avent (JGA).

saint jean baptiste el greco

L’appel de Jean Baptiste et la vraie joie.

Qui a rencontré le Christ dans sa vie, éprouve dans son cœur une sérénité et une joie que personne ni aucune situation ne saurait faire disparaître. La vraie joie n’est pas un simple état d’âme passager, ni quelque chose que l’on atteint de ses propres forces, mais elle est un don.

 


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Dans notre parcours d’Avent, nous voici parvenus au dimanche de «Gaudete» (Réjouissez-vous!), dont le titre est emprunté à la Lettre aux Philippiens: « Soyez toujours dans la joie du Seigneur; je le redis: soyez dans la joie.» (Ph 4,4). Bossuet, dans un célèbre sermon a vivement ressenti cette difficulté: «Quel nouveau commandement! Peut-on commander de se réjouir? La joie veut naître de source, ni commandée, ni forcée. Quand on possède le bien qu’on désire, elle coule d’elle-même avec abondance; quand il nous manque, on a beau dire «réjouissez-vous»; eût-on itéré mille fois ce commandement, la joie ne vient pas. Et toutefois, c’est un précepte de l’apôtre.»
Ce temps de l’Avent est donc une bonne occasion de redécouvrir le véritable sens de la joie chrétienne. Faisons-le de la main de Saint Jean Baptiste que la liturgie d’aujourd’hui nous propose en exemple.

Quelle figure contradictoire que Jean-Baptiste! Il est radical dans l’appel à la conversion et il emploie une dureté de ton qui dérange nos habitudes. Pourtant Jean est aussi celui qui retrouve toute douceur et humilité lorsqu’il parle du Messie, vers lequel toute sa vie est tendue: « Il vient, Celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. » (Lc 3, 16) Ou encore : « L’ami de l’époux est ravi de joie à la voix de l’époux… Il faut qu’il grandisse et que je diminue. » (Jn 3, 30) Jean s’efface devant la personne du Christ. Il n’est qu’une « voix qui crie dans le désert »… Dans un sermon célèbre, saint Augustin mettait en relation le Christ avec le précurseur, comme la parole avec la voix: « Jean était la voix, mais le Seigneur au commencement était la Parole. Jean, une voix pour un temps; le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle. Enlève la parole, qu’est-ce que la voix? Là où il n’y a rien à comprendre, c’est une sonorité vide. La voix sans la parole frappe l’oreille, elle n’édifie pas le cœur. » (Saint Augustin, Sermon 193, 3.)

Notre homélie suivra ce parcours : l’Avent nous invite à la conversion, pour que nous devenions une voix qui transmette la parole de Dieu et non sa propre vacuité; puis nous sommes invités à l’annonce: être une voix qui crie dans le désert de ce monde.
Conversion : sortir au désert.
Appelé à une annonce sublime, Jean a appris par le jeûne et la prière à ne pas se mettre en avant: « Il demeurait dans les déserts jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. » (Lc 1, 80) Romano Guardini nous présente cette période de sa vie : « Ce garçon est appelé à une vie grande et lourde. La main du Seigneur s’est posée sur lui, l’éloignant de tout ce qui remplit d’ordinaire une existence humaine, lui assignant le désert comme demeure. Il y vit séparé de tous, dans l’austérité, croissant spirituellement, toute son âme tendue vers la volonté sainte qui se tourne vers lui. »(Le Seigneur, p. 49).
Sa mission de précurseur achevée, Jean reste humblement dans les entrailles de la prison d’Hérode en attendant sa décapitation… Une dernière fois, il précède humblement son Maître : d’abord par la naissance, puis par l’annonce, enfin par le martyre.
Reconnaissons tout d’abord l’urgence de la conversion, pour nous préparer comme Jean. La nécessité d’une « voix qui crie dans le désert » est d’une actualité brûlante dans les déserts de notre monde, mais où le Seigneur pourra-t-il trouver des voix dignes de lui ?
Pendant l’Avent, nous ressentons ce désir de sortir du brouillard spirituel où nous errons comme des aveugles, le bruit aussi nous fatigue. L’appel à la conversion personnelle est donc pressant. Portons nos oreilles internes sur l’essentiel, cette présence du Seigneur au seuil de notre âme, qui frappe doucement et voudrait qu’on lui ouvre la porte. Le langage du prédécesseur du Christ est métaphorique. Il parle des voies, des sentiers qu’il faut “aplanir”, des montagnes qu’il faut abaisser, des ravins qu’il faut “combler”; il parle enfin des chemins raboteux qu’il faut “niveler”.
N’ayons pas peur d’affronter ces misères et pauvretés internes. Quel désert aride se cache en nous, qui a besoin d’être irrigué par la grâce ? Quel sentier tortueux de comportements ambivalents, quels ravins de péché et quelles montagnes d’orgueil et de vanité déforment encore notre cœur ?
Pour prendre une résolution concrète, il me suffit d’imaginer que ma rencontre définitive avec Jésus aura lieu dans une heure. Que voudrais-je alors avoir changé dans ma vie ? Imitons les premiers moines dont le genre de vie a été loué par Saint Jérôme : « Heureux genre de vie : dédaigner les hommes, rechercher les anges, quitter les villes et dans la solitude trouver le Christ ».(Saint Jérôme, Homélie sur Marc 1A, Sources Chrétiennes, nº 494, p. 69).

Annonce : être une voix.
Vient ensuite l’appel à témoigner, à devenir une voix qui interpelle autrui pour qu’il entre dans ce mouvement de conversion.
« Voix de celui qui crie dans le désert… » Nous pouvons avoir la tentation de rechercher le compromis, de ne vouloir froisser personne, de ne pas choquer. Or, ce que nous annonçons ne vient pas de nous, mais de Dieu. Étant les instruments du Seigneur, nous n’avons pas à mitiger et à adapter ce que nous avons nous-mêmes reçu, sous prétexte d’être à la mode, ou à nous conformer à une science de mauvais aloi. Ce serait céder à l’orgueil et se fourvoyer. Rappelons-nous l’exemple de tant de saints qui ont annoncé l’Evangile avec audace. Ce n’est pas à une mission humaine que nous sommes appelés et la popularité ne doit pas nous servir de mètre-étalon. Nous sommes envoyés pour annoncer le Christ et l’Evangile. Il convient certes de le faire charitablement et avec respect, mais nous n’avons ni à édulcorer le message, ni à prendre des précautions exagérées. N’ayons pas peur. La vérité qui nous est confiée est non seulement bonne pour tout homme, mais elle lui est indispensable, car elle lui ouvre la porte vers l’éternité bienheureuse, pour laquelle il est fait. Celui qui évangélise avec cette conviction est très souvent étonné de l’écho rencontré auprès de personnes qui auraient pu s’offusquer, se désintéresser ou exprimer un profond rejet et qui finalement sont touchées. Nous sommes souvent une voix qui crie dans le désert. En dépit des apparences, nos familles, nos groupes d’amis, nos lieux de vie et ce monde en général sont autant de déserts où la vie spirituelle peine à fleurir. Déserts assoiffés d’une parole qui apporte la vie, la joie; assoiffés surtout d’un visage, celui du Christ. N’ayons donc pas peur d’être une voix qui crie sous le souffle de l’Esprit.
Suivons l’appel de Saint Jean Baptiste à la conversion, cherchons l’union avec Jésus, soyons pour tous une voix qui annonce la Bonne Nouvelle.

Terminons avec une réflexion du Pape Benoît XVI sur la vraie joie : «La vraie joie n’est pas le fruit du divertissement, entendu dans le sens étymologique du terme di-vertere, c’est-à-dire sortir des engagements de sa vie et de ses responsabilités. La vraie joie est liée à quelque chose de plus profond. Certes, dans les rythmes quotidiens, souvent frénétiques, il est important de trouver des espaces de temps pour le repos, la détente, mais la vraie joie est liée à la relation avec Dieu. Qui a rencontré le Christ dans sa vie, éprouve dans son cœur une sérénité et une joie que personne ni aucune situation ne saurait faire disparaître. La vraie joie n’est pas un simple état d’âme passager, ni quelque chose que l’on atteint de ses propres forces, mais elle est un don, elle naît de la rencontre avec la personne vivante de Jésus, de la place que nous lui accordons en nous, de l’accueil que nous réservons à l’Esprit Saint qui guide notre vie. C’est l’invitation de l’apôtre Paul, qui dit: ‘Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers, et qu’il garde parfaits et sans reproche votre esprit, votre âme et votre corps, pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ.’ (1 Th 5, 23)».

Si nous recherchons sincèrement ce qui est encore désertique et chaotique dans nos vies pour y porter un vrai remède en laissant le Seigneur agir en nous, alors c’est dans notre cœur que le Bon Jésus pourra naître à Noël.

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Publié le 16 décembre 2024