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Année 2024-Homélie pour la vigile de Pâques (JA).

Vigile de Pâques. La résurrection et l’Eglise.

Jésus ressuscité dit: « Allez et enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » afin que les hommes renaissent à la vie d’en haut, afin qu’ils renaissent d’eau et d’Esprit. On voit combien étroitement liées sont la Résurrection du Christ et la fondation de l’Eglise; comment l’existence même de l’Eglise repose sur la Résurrection; comment, par son existence même, l’Eglise atteste la Résurrection.


Hier, le soir du vendredi saint, le Crucifié, une fois mort, a été descendu de la croix, Nicodème et Joseph d’Arimathie l’ont déposé à la hâte dans un sépulcre neuf. La pierre a été roulée sur lui et scellée, une garde placée à l’entrée, puis tout s’est tu dans le grand silence du Sabbat. Au matin du premier jour de la semaine (ce que nous célébrons déjà en avance), les femmes accourent portant les aromates pour l’onction. Mais la pierre est ôtée, les linges pliés à part et le tombeau vide. Des anges apparaissent : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant »? La grande nouvelle à laquelle on n’ose croire passe de bouche en bouche : « Le Seigneur est ressuscité ». Mais les cœurs abattus se refusent à l’espérance. Alors le soir de ce premier jour de la semaine il apparaîtra lui-même au milieu d’eux et il leur dira : « La paix soit avec vous ».

Le tombeau vide, la résurrection du Crucifié, voilà le fondement de l’Eglise ; et dans l’autre sens l’Eglise est par sa seule existence le principal et perpétuel témoignage de la résurrection du Crucifié (si nous sommes là c’est parce que le Christ est ressuscité et là nous nous sommes témoins de sa résurrection). Sans doute, dès le moment où le Christ ferma les yeux et expira sur la croix, il était victorieux. Mais de sa victoire, Lui seul pouvait encore être sûr; pour son âme seule elle était encore réelle.
La résurrection a rendu sa victoire réelle pour tout son être humain, dans tout ce qui le rattachait au nôtre. Et parce qu’il est le Chef, la Tête, sa résurrection rend réelle la victoire pour nous aussi, agrégés à lui par la grâce. Ainsi la victoire n’est plus une réalité cachée avec son âme au sein de Dieu, mais une réalité inscrite dans l’histoire de notre monde. Notre foi n’est plus celle de l’Ancienne Alliance; elle ne repose plus sur de simples promesses, mais sur un don parfait, effectif, entièrement achevé.
Le Christ une fois ressuscité, le retour de notre humanité à Dieu est opéré de fait en son Chef, et les membres [ceux qui sont re-nés de l’eau et de l’Esprit] suivront.

La croix accomplit toute justice, détruit l’empire de Satan sur l’humanité, opère la réconciliation de celle-ci avec Dieu. Mais dans la Résurrection, cette réconciliation est opérée et parfaite en ses effets, sinon encore totale: l’humanité est rendue participante de la nature divine et pleinement illuminée, vivifiée par cette participation.
Si la Résurrection est le dernier fait de l’histoire du Christ Jésus où tout ce qui avait précédé trouve son définitif épanouissement, elle est aussi le premier fait de notre histoire surnaturelle. Sa divinité avait assumé de nous son humanité dans l’état où la nôtre avait été mise par nos péchés. Par le sacrifice de la croix, cette divinité est arrivée à s’assimiler pleinement l’humanité assumée, à lui communiquer sa gloire, « la gloire du Fils unique ».
Dès lors nous-mêmes nous pouvons être assimilés par la divinité en tant que membres de l’Église, membres du Christ. C’est ce qui se passe quand nous recevons la grâce de Dieu.
Jésus ressuscité dira aux siens : « Allez et enseignez toutes les nations, baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » afin que les hommes renaissent à la vie d’en haut, afin qu’ils renaissent d’eau et d’Esprit.
On voit combien étroitement liées sont la Résurrection du Christ et la fondation de l’Eglise; comment l’existence même de l’Eglise repose sur la Résurrection; comment, par son existence même, l’Eglise atteste la Résurrection.

On comprend alors que la fête de Pâques, la fête du Christ ressuscité, soit dans l’Eglise la fête de l’incorporation au Christ: pour les néophytes (nouveaux baptisés) la fête de la nouvelle naissance au baptême, et, pour les chrétiens déjà baptisés et confirmés, la fête du renouvellement de leur vie dans le Christ par le banquet eucharistique.
La vertu essentielle de la Résurrection se manifeste aujourd’hui dans cette résurrection continuée du Chef qu’est l’incorporation des membres par le baptême.
A cette lumière, toute la liturgie de la grande nuit pascale doit s’interpréter. Elle fête la Résurrection du Christ en fêtant notre réconciliation avec le Père comme un fait accompli. C’est-à-dire qu’elle fête notre vie nouvelle dans le Christ, et plus précisément l’expansion indéfinie de cette vie par le baptême.

Il y a trois parties essentielles dans la « sainte nuit ». La première est le Lucernaire, l’antique prière pour l’heure où l’on allume les lampes, qui devient en ce jour un cantique à la Résurrection et à la lumière dont elle illumine le monde. La seconde est la Vigile : consacrée à l’ultime enseignement des catéchumènes, elle déroule devant nous tout l’enseignement préparatoire au Christ que renferme l’Ancien Testament. La troisième partie enfin, non seulement célèbre mais renouvelle la Résurrection du Sauveur par le baptême des néophytes, ou tout au moins, si nul ne se présente, par la bénédiction de l’eau où naîtront les nouveaux enfants de Dieu et le renouvellement général des promesses du baptême. La célébration de cette nuit se termine par le banquet eucharistique où le Christ ressuscité vivifie nos âmes en se donnant en nourriture.

Le Christ Lumière éclaire et dissipe les ténèbres de l’ignorance et de l’erreur, enseigne le chemin vers Dieu par sa Parole, ressuscite et redonne vie par le sacrement de l’eau et de l’Esprit et par son propre Corps donné en nourriture.
En cette nuit sainte la fête des lumières et la fête de l’eau entre lesquelles l’écoute de la Parole de Dieu s’intercale ne sont qu’une splendide jubilation. C’est l’expression la plus royale de cette joie surhumaine qui doit être le climat habituel de l’âme et de l’Église rachetées. Pour cette raison l’Alleluia ne cessera d’y retentir.

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