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Année 2023-Homélie pour le 5ème dimanche de Carême (JGA).

Résurrection de Lazare.

 

Je suis la Résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais.

 

 

 


 

Jusqu’à présent, l’Eglise s’occupait surtout de notre instruction. Toute son attention va désormais se concentrer sur notre Sauveur et sa Passion.
Ce mot vient du latin passio qui veut dire « souffrance« .

Trois thèmes dominent ce temps:
Le Christ est rejeté par son peuple: à travers les Evangiles, où nous voyons les chefs du peuple comploter pour perdre Jésus, apparait le combat entre la lumière et les ténèbres. C’est tout le mystère de la liberté de l’homme et de son refus de Dieu.
Le Christ persécuté prie son Père de ne pas l’abandonner. Et avec lui, c’est la prière de toute l’Eglise qui se fait entendre, elle qui souffre encore de persécution pour sa fidélité à son maitre.
Le Christ fait de cette persécution le moyen de notre salut: Jésus a accepté son sacrifice, il a dit oui à la Croix, il l’a embrassée.

Pourquoi les croix et les statues sont-elles voilées? Il y a deux raisons à cela:
Du côté de la Croix: dans les premiers siècles, elle était de métal précieux et ornée de pierreries; on l’élevait comme un signe de victoire. Aussi convenait-il d’en voiler l’éclat à l’époque où la gloire du Christ est comme voilée par ses souffrances: l’Eglise revêt ainsi son voile de veuve et ses habits de deuil.
De notre côté: ces voiles sont un signe expressif de notre condition de pécheurs et d’exilés. Par nos fautes, nous sommes séparés du ciel et du Christ qui y règne; il nous faut attendre la mort du Christ sur la Croix. Alors seulement nous pourrons à nouveau contempler le Christ triomphant. Le voile du saint des saints sera déchiré, et la Croix glorieuse apparaitra à nos yeux.
Pendant cette semaine de Passion prenons du temps pour contempler le Christ dans sa Passion et méditer sur ses souffrances: par exemple, en faisant l’exercice du chemin de croix ou en relisant les récits de la Passion dans les Evangiles.

Avant de considérer le miracle de Jésus pour son ami Lazare, il est bon de s’arrêter sur la présence dramatique de la mort. La mort se présente souvent à notre porte: un ami qui subit un accident, un parent qui meurt après une longue maladie, les nouvelles de chaque jour avec leur lot d’infortunés ou encore des problèmes de santé. Et pourtant lorsqu’elle nous concerne plus particulièrement, c’est toujours un sujet d’étonnement! La première leçon que nous devrions tirer de sa présence est notre petitesse; notre histoire personnelle n’est qu’un point dans l’éternité. Ce grand classique spirituel qu’est l’Imitation du Christ, en ouverture de son chapitre sur la méditation de la mort, nous offre quelques réflexions de bon sens: « L’homme est aujourd’hui, et demain il a disparu, et quand il n’est plus sous les yeux, il passe bien vite de l’esprit. Ô stupidité et dureté du cœur humain, qui ne pense qu’au présent et ne prévoit pas l’avenir! Dans toutes vos actions, dans toutes vos pensées, vous devriez être tel que vous seriez s’il vous fallait mourir aujourd’hui. Si vous aviez une bonne conscience, vous craindriez peu la mort. Il vaudrait mieux éviter le péché que fuir la mort. Si aujourd’hui vous n’êtes pas prêt, comment le serez-vous demain ? Demain est un jour incertain: et que savez-vous si vous aurez un lendemain? »

Mais revenons à l’Evangile : «Si Jésus avait été là, Lazare ne serait pas mort». Force est de le constater: alors que ses meilleurs amis auraient eu tellement besoin de sa présence pour leur épargner ce drame, Jésus n’était pas là. Jésus pleure devant le tombeau de Lazare: «voyez comme il l’aimait disent les uns». Certes, ajoutent les autres, mais «lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas faire que Lazare ne mourût pas?» Et comment leur donner tort? Jésus aimait Lazare, il aimait Marthe, il aimait Marie, et pourtant il n’a pas été là pour éviter à ses amis une si cruelle épreuve. Mais au lieu de laisser libre cours à nos reproches, voyons d’abord ce que Jésus entend nous faire découvrir.

En fait l’essentiel est dit dans l’entretien de Jésus avec Marthe. Là voici donc, Marthe: elle accourt au devant de Jésus. Pas de pleurs: en femme énergique, elle va droit au but: «Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera». Premièrement, elle croit que Jésus aurait été assez puissant pour guérir son frère. Deuxièmement, et c’est encore plus remarquable, elle insinue que Jésus peut encore obtenir la résurrection de Lazare dont le corps est déjà en phase de décomposition. Troisièmement, lorsque Jésus évoque la résurrection, elle répondra: «je sais qu’il ressuscitera à la résurrection au dernier jour». «Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Le crois-tu?». «Je suis la vie»: affirmation absolue, énorme, dans son extrême concision; non seulement il a la vie, mais il est la vie. Marthe affirme: «je crois que tu es le Fils de Dieu». Jésus est la vie parce qu’il est le Fils éternel de Dieu.

«Qui croit en moi, même s’il meurt vivra… quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais». Sur celui qui vit par la Foi, l’Esperance et la Charité en étroite communion avec Jésus qui est la Résurrection et la Vie, comment voulez-vous que la mort puisse avoir le dernier mot? Un microbe, un virus, un accident ou tout simplement la vieillesse pourraient avoir raison de la vie éternelle? Du point de vie éternelle, la mort physique n’est plus la mort, elle n’est qu’un passage.

Marie tout en larmes vient à son tour et adresse à Jésus les mêmes mots que sa sœur: «Seigneur si tu avais été là…» Cette fois, devant les pleurs de Marie, Jésus frémit et bientôt lui aussi va pleurer, comme nous tous en pareil cas. Jésus frémit, il se trouble, il pleure. Bien sûr Jésus va se reprendre, et ce sera bientôt la vie éternelle qui par sa bouche va crier dans un instant: «Lazare sors d’ici».

Lazare a retrouvé la vie. Le tombeau est vide. Le temps du deuil est fini pour Marthe et Marie. Les larmes peuvent enfin cesser de couler à Béthanie. Pourtant, il se dégage de cet Evangile comme une gêne, un sentiment de malaise. On cherche en vain les manifestations de joie, les embrassades familiales. D’où vient cette impression de gravité qui flotte sur le récit? Le drame familial a pris fin et pourtant l’atmosphère reste lourde, les gorges comme nouées. C’est, qu’en effet, un autre drame se met en place en coulisse. Un homme a été arraché à la mort, mais la mort n’a pas dit son dernier mot. La mort n’a pas tiré sa révérence. Elle réclame la vie du juste. Par sa décision d’aller sauver son ami Lazare, contre l’avis de ses disciples, Jésus s’expose à une mort certaine. L’apôtre Thomas l’annonce de manière prophétique en disant aux condisciples: «Allons, nous aussi, pour mourir avec lui!». Si l’atmosphère est lourde à Béthanie, c’est que l’ombre de la Croix se fait déjà présente et oppressante. Rendre la vie à Lazare son ami, il le sait, c’est s’engager à souffrir sa passion.

Le même qui avait dit : «Que celui qui veut être mon disciple, qu’il renonce à lui même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive», nous dit aujourd’hui : « Je suis la Résurrection. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais ». (Jn 11, 25-26)

Rentrons avec Jésus dans cette semaine de Passion, accompagnons Jésus dans ses souffrances, dans son humiliation car «si nous mourrons avec Lui nous régnerons avec Lui».

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