Beaucoup de chrétiens vivent mal, et ils troublent, ils retardent les bons. Mais pire encore font ceux qui rompent le filet par leurs schismes ou leurs hérésies: poissons impatients du joug de l’unité qui ne veulent pas venir au festin du Christ, ils se complaisent en eux-mêmes; prétextant qu’ils ne peuvent vivre avec les méchants, ils brisent les filets qui les retenaient dans la barque apostolique et périssent loin du bord.
Nous lisons, dans l’Evangile de ce dimanche, que Notre-Seigneur monta sur une barque, c’était celle de saint Pierre, et que de là, il enseignait la foule. Cette barque, c’est l’Eglise; la barque était au milieu des flots, comme l’Eglise est au milieu du monde; c’était la barque de Pierre, car c’est lui que Notre-Seigneur a chargé de présider au gouvernement de l’Eglise. De là, Notre-Seigneur enseigne la foule. Alors, il enseignait par lui-même; aujourd’hui, il enseigne par les pasteurs de son Eglise, comme nous prions dans le canon de la messe, « ceux qui enseignent la vraie doctrine et ceux qui gardent la foi catholique et apostolique ».
Les choses sont donc aujourd’hui ce qu’elles étaient ce jour-là; mais toutefois, Notre-Seigneur n’est plus visible; les flots sont très violemment agités, une tempête furieuse agite la faible barque et le bruit du monde est si grand que l’enseignement des pasteurs a peine à se faire entendre.
Prions saint Pierre, prions Notre-Seigneur, le souverain pasteur, de venir en aide à la sainte Eglise, de donner à ses pasteurs une voix puissante qui annonce au monde entier la parole de Dieu (et non pas autre chose) qui seule peut sauver le monde. Prions pour l’Église.
Encore sur la barque, Notre-Seigneur, ayant cessé de parler, dit à saint Pierre et aux autres : « Jetez vos filets ».
Sur la parole de Notre-Seigneur (et non pas sur un sentiment personnel ou fondés sur une science humaine), ils les jetèrent et prirent une énorme quantité de poisson, au point que le filet se rompait.
Notre-Seigneur parle et saint Pierre prend des poissons. Les poissons sont l’image des chrétiens. Après l’instruction, on baptise; et le baptisé est retiré de l’eau et introduit dans la barque. De même l’Eglise nous instruit, puis nous baptise, puis nous retire de l’eau, puis nous introduit dans la barque nous faisant entrer dans le corps mystique du Christ.
Pêche abondante et mystérieuse! Le filet se rompait. Hélas ! On ne pouvait tout prendre, il s’en perdait et il s’en perdait beaucoup. De même dans l’Eglise. Combien d’âmes qui par le baptême sont prises dans les filets* et qui pourtant n’arrivent pas au ciel !
Le filet se rompt, se déchire. Quelquefois c’est la faute du pêcheur, du pêcheur humain (absolument pas du Christ), quelquefois c’est la faute du poisson; mais ce qui est certain, c’est qu’il est perdu. Combien de fois le filet de l’Eglise s’est rompu, par le schisme, l’hérésie! Et quand un poisson avait fait brèche, combien d’autres marchaient à sa suite et se perdaient avec lui! Au temps d’Arius, la moitié du monde, si ce n’est plus, se jeta à sa suite en dehors des filets de l’Eglise. Luther entraina dans sa révolte tout le Nord de l’Europe et cette révolte dure encore; la Révolution avec son laïcisme athée continuée dans l’hérésie moderne entraine aujourd’hui des millions d’âmes hors des filets de l’Eglise.
Notre Seigneur dit ailleurs dans l’Evangile selon saint Matthieu: « Le royaume des Cieux est encore comparable à un filet que l’on jette dans la mer et qui ramène toutes sortes de poissons. Quand il est plein, on le tire sur le rivage, on s’assied, on ramasse dans des paniers ce qui est bon, et on rejette ce qui ne vaut rien. Ainsi en sera-t-il à la fin du monde: les anges sortiront pour séparer les méchants du milieu des justes et les jetteront dans la fournaise: là, il y aura des pleurs et des grincements de dents » (Mat 13, 47-50).
« Les pêcheurs d’hommes [les apôtres] ont lancé leurs filets, dit saint Augustin; ils ont pris cette multitude de chrétiens que nous contemplons dans l’admiration; ils en ont rempli les deux barques, figures des deux peuples Juif et Gentil [les païens]». Mais qu’avons-nous entendu? La multitude surcharge les barques et les met en danger de naufrage: ainsi voyons-nous aujourd’hui que la foule hâtive et confuse des baptisés alourdit l’Eglise.
« Beaucoup de chrétiens vivent mal, et ils troublent, ils retardent les bons. Mais pire encore font ceux qui rompent le filet par leurs schismes ou leurs hérésies: poissons impatients du joug de l’unité qui ne veulent pas venir au festin du Christ, ils se complaisent en eux-mêmes; prétextant qu’ils ne peuvent vivre avec les méchants, ils brisent les filets qui les retenaient dans la barque apostolique et périssent loin du bord.
En combien de lieux n’ont-ils pas brisé de la sorte l’immense filet du salut?» [Nous l’avons déjà remarqué : toute sorte d’hérésie, tous ceux qui s’éloignent, même « d’un peu » de la doctrine de l’Evangile déchirent le filet de l’Eglise].
« N’imitons pas leur démence orgueilleuse, continue saint Augustin. Si la grâce nous fait bons [c’est par la grâce du Ciel que nous sommes sauvés], prenons en patience la compagnie des mauvais dans les eaux de ce siècle. Que leur vue ne nous pousse ni à vivre comme eux [comme des méchants], ni à quitter l’Église : la rive est proche où ceux de la droite, où les bons seuls seront admis, et d’où les méchants seront rejetés à l’abîme».
Combien il y a à prier pour l’Eglise, pour les pasteurs, pour les âmes ! Prions pour l’Eglise, pour les pêcheurs d’âmes et pour les âmes.