Saint Jean-Baptiste et la conversion du chrétien.
Si la liturgie fait retentir la voix de Jean Baptiste pendant cet Avent, c’est donc pour que nous la percevions de l’intérieur et que notre âme se laisse mener vers l’humble attitude du repentir. Pour cela, il est nécessaire que nos oreilles spirituelles, abasourdies par le vacarme du monde moderne, réapprennent à écouter l’essentiel.
N’hésitons pas à rompre fermement avec tout ce qui, dans nos vies, constitue des ravins dangereux: ces occasions de chute, ces ténèbres, ces séparations avec autrui ou avec Dieu.
Dans l’Evangile de ce dimanche nous est présentée la figure de Saint Jean-Baptiste. Prêtons une oreille attentive à son message: par lui le Seigneur nous appelle à la conversion.
Son ascétisme radical et la force de sa voix traversent les siècles dans un souffle prophétique profond. En notre for intérieur, si la superficialité ne vient pas l’étouffer, ce cri résonne et vient nous réveiller. Il a été perçu par d’innombrables générations de moines et moniales qui ont suivi radicalement l’ermite au désert, poursuivant un idéal exigeant qu’exprimait ainsi saint Jérôme au Ve siècle : « Heureux genre de vie : dédaigner les hommes, rechercher les anges, quitter les villes et dans la solitude trouver le Christ ».
Jean-Baptiste se dresse face à nos commodités et les montre du doigt. Si ce n’est pas très confortable, c’est tout à fait nécessaire à notre santé spirituelle. Benoît XVI l’exprimait ainsi :
« En commençant par son aspect extérieur, Jean est présenté comme une figure très ascétique : vêtu d’une peau de chameau, il se nourrit de sauterelles et de miel sauvage, qu’il trouve dans le désert de Judée (cf. Mc 1, 6). Une fois, Jésus lui-même le mit en opposition avec ceux qui “sont dans les palais des rois” et sont “vêtus d’habits luxueux” (Mt 11, 8). Le style de Jean-Baptiste devrait rappeler à tous les chrétiens de choisir comme style de vie la sobriété, en particulier pendant la préparation à la fête de Noël où le Seigneur, comme le dirait saint Paul, “de riche qu’il était s’est fait pauvre pour vous, afin que vous deveniez riches grâce à sa pauvreté” (2 Co 8)».
Si la liturgie fait retentir la voix de Jean Baptiste pendant cet Avent, c’est donc pour que nous la percevions de l’intérieur et que notre âme se laisse mener vers l’humble attitude du repentir. Pour cela, il est nécessaire que nos oreilles spirituelles, abasourdies par le vacarme du monde moderne, réapprennent à écouter l’essentiel. Alors que nous voudrions approfondir notre chemin de conversion, commençons par un véritable acte de contrition, qui vienne de l’intérieur de notre cœur et le maintienne tout tourné vers Dieu : « Mon Dieu, j’ai un très grand regret de t’avoir offensé, car tu es infiniment bon, infiniment aimable, et que le péché te déplaît. Je prends la ferme résolution avec le secours de ta sainte grâce de ne plus t’offenser et de faire pénitence».
Pour la conversion, il faut entreprendre une réforme courageuse.
N’hésitons pas à rompre fermement avec tout ce qui, dans nos vies, constitue des ravins dangereux: ces occasions de chute, ces ténèbres, ces séparations avec autrui ou avec Dieu. Identifions lucidement nos tendances profondes à la médisance, à la dureté, à l’avarice, au contentement de nos envies personnelles. Le « ravin doit être comblé » (Is 40, 4): il doit disparaître pour devenir un lieu de passage du Seigneur. De même, « que soient abaissées toute montagne et toute colline », celles de l’orgueil, de l’égoïsme et de l’isolement. Tout cela ne doit pas être contourné, mais abaissé et remis à son juste niveau.
Le pape Benoît XVI nous invitait à une telle radicalité : « L’appel de Jean va donc au-delà de la sobriété du style de vie et plus en profondeur : il appelle à un changement intérieur, il est important que nous rentrions en nous-mêmes et que nous fassions sincèrement une révision de vie. Laissons-nous éclairer par un rayon de la lumière qui vient de Bethléem »(Angélus du 4 décembre 2011).
Face à cette offre de conversion que le Seigneur réitère il est possible que nous nous sentions découragés. Nous pouvons, d’une part, ne pas avoir envie de tant changer, car cela nous coûte ; se convertir, c’est toujours mourir un peu. Nous savons, par ailleurs, que nos bonnes résolutions sont bien vite oubliées. Ne nous décourageons pas ! Deux arguments vont soutenir cette confiance spirituelle. Notre cœur, mesquin en apparence, reste grand: il a été créé pour être le temple de l’Esprit Saint. « Si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses » (1 Jn 3, 20). D’autre part, la conversion est d’abord l’œuvre de l’Esprit Saint et l’homme ne fait que collaborer avec Lui: Dieu prend l’initiative en suscitant le désir de conversion, puis nous donne la force de la recevoir, et la persévérance. Ce fut un point bien expliqué par le Catéchisme: « La préparation de l’homme à l’accueil de la grâce est déjà une œuvre de la grâce. Celle-ci est nécessaire pour susciter et soutenir notre collaboration à la justification par la foi et à la sanctification par la charité. Dieu achève en nous ce qu’il a commencé, “car il commence en faisant en sorte, par son opération, que nous voulions : il achève, en coopérant avec nos vouloirs déjà convertis” (Saint Augustin) ».
Donc, soyons rassurés : si nous le voulons bien, c’est le Seigneur lui-même qui fera l’essentiel de l’œuvre et préparera notre cœur à la venue de son Fils. Nous devons simplement accepter de collaborer avec Lui, et d’abord croire à la possibilité d’une conversion. Tout ce qui est grand et beau en nous vient de Lui, seul notre égoïsme peut restreindre l’horizon qu’Il veut nous ouvrir.
Si nous recherchons sincèrement ce qui est encore désertique et chaotique dans nos vies pour y porter un vrai remède en laissant le Seigneur agir en nous, alors c’est dans notre cœur que le Bon Jésus pourra naître à Noël.
Ainsi soit-il.