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Année 2023- Homélie pour la solennité de la Toussaint (JGA).

La Toussaint, le Ciel entr’ouvert.

Il n’y a plus de mal moral, de péché. L’aversion, ou séparation de Dieu, la conversion, ou attache désordonnée aux créatures, ont pris fin. Finies aussi la nécessaire pénitence et les larmes du cœur aimant, mais fragile, et qui a failli. «Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés».

 


La Toussaint est la fête du Ciel. Les gaulois ne craignaient qu’une chose; que le ciel leur tombe sur la tête. Eh bien, c’est la meilleure chose qui puisse nous arriver!
Le ciel s’entrouvre, il se penche sur la terre. Et pour qui sait voir et entendre dans la foi, la Parole de Dieu  nous découvre une compagnie formidable.

Les élus dans le ciel entourent Jésus, « l’Agneau comme immolé », victorieux. Il est le flambeau de la Jérusalem céleste (Apocalypse, 21.), figure de l’Eglise en son achèvement et son dernier état. Dans sa lumière, on voit la lumière de Dieu (Psaume 36/35). Des enfants, innocents martyrs, jouent avec leurs palmes devant son trône. Des vieillards et des anges se prosternent dans une liturgie d’adoration et de louange qui ne s’éteint pas. Et une foule que nul ne peut dénombrer entoure le Christ roi et glorieux. Le chiffre de 144.000 désigne non une quantité, mais la perfection, l’achèvement du nombre mystérieux des saints dans le ciel, qui marque le terme de l’histoire.
Cette cohorte voit, elle aime, elle se réjouit, elle chante sans fin.

Qu’est-ce que le Ciel ?
Ce mot de la Foi désigne une réalité, un lieu, un acte. Le ciel que nous scrutons et explorons nous parle d’un autre lieu, élevé non plus en mètres mais en excellence. Un lieu non plus visible mais invisible. Un lieu où Dieu laisse voir sa gloire. Non plus de dos, comme à Moïse. Non plus dans un clair obscur, en miroir, partiellement, comme pour nous, dans la Foi. Mais face à face, dans la pleine lumière de gloire, totalement. Le ciel, c’est d’être plongé dans l’abîme de la Trinité pour toujours, sans fin. « Ils verront Dieu ».

Que fait-on au ciel?
Commençons peut-être par ce qu’on ne fait plus. Il n’y a plus de souffrance, d’ennui, de larmes, de mort, de mal physique ou moral, ces choses de l’état présent, ces inévitables compagnons de voyage. Nous lisons dans le livre de l’Apocalypse : «Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car le premier état des choses aura disparu » (21, 4.).
Il n’y a plus de mal moral, de péché. L’aversion, ou séparation de Dieu, la conversion, ou attache désordonnée aux créatures, ont pris fin. Finies aussi la nécessaire pénitence et les larmes du cœur aimant, mais fragile, et qui a failli. «Bienheureux ceux qui pleurent, ils seront consolés» (Matthieu, 5, 4.).
Il n’y a plus de distractions, de choses qui peuvent divertir, détourner de la bonté infinie.
On voit, et cette vision de la bonté divine infinie, ce regard très simple sur la simplicité de Dieu, cette convergence de toutes les perfections divines provoque l’amour, emporte et fixe l’âme en Dieu comme fer à l’aimant. Si cette vision nous arrivait sur terre, nous ne pourrions plus dévier de Dieu par le péché. Mais attendons encore un peu, car c’est maintenant le temps de l’amour d’épreuve et de la connaissance de foi.
On voit, et on aime. Un amour de qualité divine que rien ne peut plus interrompre et diminuer. Un sommet de liberté et de charité.
On aime, et on se réjouit. Etat normal de l’âme lorsqu’elle possède un bien. Les plus hautes joies spirituelles, les plus grandes consolations qui ont fait vibrer et craquer notre cœur d’homme exigu sont des reflets, des avant goûts de cela.
Et parce qu’on se réjouit, alors on chante. Le cantique éternel de louange, d’adoration, d’action de grâce ne s’éteint pas au ciel. Le Sanctus de la messe en est comme l’intonation et le prélude. Le chant exprime et cause la joie. Et parce que la joie vient de l’éternelle possession de Dieu, alors le chant ne s’éteint plus.

Le ciel, c’est quand?
Dans notre projection humaine, c’est «après». Nous avons fait nos petites cases bien étanches. Pourtant c’est «déjà» le ciel, en commencement. Comme la chenille et la chrysalide sont déjà le papillon. L’union à Dieu est commencée par la grâce du baptême et avec elle le désir de Dieu. Soif et faim spirituelle que Dieu seul a allumé et peut apaiser. «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, ils seront rassasiés» (Matthieu, 5, 6.).
Déjà, et pas encore. Parce que chaque instant de cette terre vécue dans l’amitié divine, dans la grâce de Dieu, doit creuser le désir de l’Ami, et de la rencontre ultime.

Pourquoi le ciel, enfin?
Par pure bonté divine. Car si tout homme désire d’être heureux, ce bonheur-là est hors de sa portée : «L’œil de l’homme n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, le cœur n’a pu concevoir le bonheur que Dieu a préparé pour ceux qu’Il aime »(I Cor). Il se reçoit, bien plus qu’il se conquiert. Notre plus grande misère d’homme, n’est-ce pas de rayer le paradis de nos horizons de vie? Alors nous errons comme des fils prodigues, cherchant le bonheur dans des paradis artificiels. Rentiers blasés et tièdes, nous vivons hors de ce que nous sommes; des êtres de béatitude.

Alors regardons, pour garder courage, pour rester dans le vrai, cette cohorte de béatifiés. Regardons-les bien. Fréquentons-les. « L’heure des saints vient toujours. Notre Église est l’église des saints. Ils vécurent, ils souffrirent comme nous. Ils furent tentés comme nous. Ils eurent leur pleine charge et plus d’un, sans la lâcher, se coucha dessous pour mourir. Qui ne voudrait avoir la force de courir cette admirable aventure?  Nous en savons assez pour devenir des saints. Car la sainteté est une aventure, elle est même la seule aventure. Qui l’a une fois compris est entré au cœur de la foi catholique. Mais qui ne rougirait de s’arrêter si tôt, de les laisser poursuivre seuls leur route immense »(Georges Bernanos, Jeanne d’Arc relapse et sainte, 1934).

 

 

 

 

 

 

 

 

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