Aller au contenu

Année 2022-Homélie pour le 6ème dimanche de Pâques (JGA).

 

 

Rentrez donc en vous-mêmes, frères très chers, et recherchez si vous aimez vraiment Dieu; que personne, cependant, n’accepte la réponse de son âme s’il ne peut y joindre le témoignage de ses œuvres.

 

 


Comme la semaine dernière, nous sommes au Cénacle, pour entendre le testament spirituel de Jésus (Jn 14). Jésus retourne vers le Père mais va aussi nous préparer une demeure, la Jérusalem céleste que l’Apocalypse continue de décrire avec émerveillement : « La ville sainte, Jérusalem, qui descendait d’auprès du ciel, d’auprès de Dieu » (Ap 21). Ecouter Jésus qui nous parle de son Père ; contempler la Cité sainte qui descend du Ciel ; méditer sur ce qui est notre vraie demeure ( nous, nous sommes citoyens des cieux, Ph 3,20) ; apprendre des apôtres ce qui est nécessaire pour y entrer. Toutes les lectures de ce dimanche nous invitent à désirer ardemment l’avènement de la Jérusalem céleste, pour y trouver notre place auprès de Dieu.

Comment entrer dans ce séjour bienheureux ? Devons-nous attendre la fin de notre vie terrestre pour y accéder ?
En fait, il ne s’agit pas d’une contrée lointaine, d’une ville à découvrir après un long voyage, mais d’une réalité déjà présente en nous : « Le Royaume de Dieu est parmi vous » (Lc 17,21). Entrer dans la Jérusalem céleste, c’est en fait laisser Dieu entrer dans notre cœur, comme Marie l’a fait : « Marie ,lors de l’Annonciation, avait donné au Seigneur l’espace de son âme et elle était ainsi devenue réellement le véritable Temple où Dieu s’est incarné, où il est devenu présent sur cette terre » (Benoit XVI). En Marie, la déclaration de Jésus dans l’Evangile prend ainsi tout son sens : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera et nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui » (Jn 14,23). Ecoutons Sainte Elisabeth de la Trinité commenter ces paroles : « Voici le Maître qui nous exprime encore son désir d’habiter en nous. « Si quelqu’un m’aime! » L’amour, voilà ce qui attire, ce qui entraîne Dieu jusqu’à sa créature ».

Dès lors, comment laisser la Trinité habiter en nous ?
La première étape du voyage vers la Cité sainte, la première étape pour devenir la demeure de Dieu est celle de la purification, à laquelle nous invite saint Grégoire le Grand : « « Et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, et nous ferons en lui notre demeure. » Mesurez, frères très chers, quelle fête c’est de loger Dieu en son cœur ! Que celui qui prépare à Dieu une demeure en son âme efface les souillures de ses œuvres mauvaises.  Celui-là aime donc vraiment, qui ne se laisse pas dominer par la délectation du péché au point d’y consentir ». C’est pourquoi Jésus nous indique la manière de préparer une habitation digne : l’accomplissement de sa parole, c’est-à-dire de ses commandements. «Celui qui m’aime», dit Jésus ; et il ajoute immédiatement «Celui qui ne m’aime pas»… Pour être dans la première catégorie, le critère est clair : «celui qui garde ma parole». Saint Grégoire le Grand nous offre une piste concrète : «Rentrez donc en vous-mêmes, frères très chers, et recherchez si vous aimez vraiment Dieu; que personne, cependant, n’accepte la réponse de son âme s’il ne peut y joindre le témoignage de ses œuvres. Pour vérifier qu’on aime son Créateur, c’est sa langue, sa pensée et sa vie qu’il faut interroger. L’amour de Dieu n’est jamais oisif. S’il existe, il opère de grandes choses; mais s’il ne veut rien faire, ce n’est pas de l’amour».

Révisons donc ces trois domaines dans notre vie : notre langue (quel usage est-ce que fais de la parole ?), notre pensée (est-elle fixée sur Jésus et son Royaume ?), et notre vie (suis-je vraiment cohérent en tout ?).

Les commandements, nous les connaissons. Pour accueillir en nous la vie trinitaire, Jésus nous demande donc de pas avoir d’autre Dieu que lui dans notre vie, de pas prendre son Nom en vain, de sanctifier les jours de précepte par la participation à la Sainte Messe, d’honorer nos parents, de pas commettre de meurtre et ne pas poser de parole – insulte ou colère – ou d’acte qui détruise l’autre, et de ne pas entretenir de rancune ; de ne pas commettre d’adultère et de ne pas vivre dans la concupiscence de la chair ; d’être fidèles à notre parole et à nos promesses ; de ne pas prendre Dieu à témoin de choses futiles ; d’être franc et sincère ; de ne pas chercher à nous faire justice ou à nous venger ; de donner généreusement à qui nous sollicite ; d’aimer nos ennemis comme nos amis. C’est à l’accomplissement de ces préceptes, et non à de belles paroles ou sentiments, que Dieu mesure que nous l’aimons.

La purification cède ensuite le pas à l’union intime : l’Esprit Saint s’écoule dans ce réceptacle désormais purifié qu’est l’âme.
Sa présence produit la paix et la joie profonde, selon la promesse de Jésus : « Je vous laisse la paix ; c’est ma paix que je vous donne; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble ni ne s’effraie » (Jn 14,27). Le Dieu trinitaire s’est abaissé jusqu’à habiter en sa créature, et celle-ci est élevée jusqu’à sa divinité : c’est le « merveilleux échange », l’admirabile commercium tant admiré par les Pères de l’Eglise. Ecoutons de nouveau la bienheureuse carmélite de Dijon : «A celui qui garde sa parole, n’a-t-Il pas fait cette promesse : « Mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons en lui notre demeure ? » C’est toute la Trinité qui habite dans l’âme qui l’aime en vérité, c’est-à-dire en gardant sa parole ! Et lorsque cette âme a compris sa richesse, toutes les joies naturelles ou surnaturelles qui peuvent lui venir de la part des créatures ou de la part même de Dieu, ne font que l’inviter à rentrer en elle-même pour jouir du Bien substantiel qu’elle possède, et qui n’est autre que Dieu lui-même. Et elle a ainsi, dit saint Jean de la Croix, une certaine ressemblance avec l’ Etre divin».

Que la Très Sainte Vierge Marie nous obtienne la grâce de devenir nous aussi une demeure du Très Haut, un temple de Dieu.

 

Faire défiler vers le haut