Les vraies richesses sont celles que nous ne saurions perdre, une fois que nous les avons acquises. Ainsi tes biens ne deviendront richesses que si tu les places dans le ciel. Ils ne sont pas des richesses tant qu’ils restent sur la terre.
Dans l’Evangile de ce dimanche une phrase de Jésus attire fortement notre attention:
« Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles ».
Mais que veut nous dire Jésus avec ce concept d’ « argent malhonnête » ?
Parmi les interprétations possibles, je voudrais considérer les deux explications de saint Augustin :
Tout d’abord il en est qui comprennent mal ce précepte de Jésus ; ils ravissent, ils volent le bien d’autrui pour en donner quelque partie et s’imaginent ainsi obéir à Jésus-Christ.
Voici leur raisonnement : le bien pris à autrui est un bien d’iniquité ; en donner surtout aux saints dans l’indigence, c’est se faire des amis avec ce bien d’iniquité.
Corrigez une telle interprétation, ou plutôt effacez-la complètement de votre cœur. Gardez-vous, gardez-vous de comprendre ainsi. Faites l’aumône du juste fruit de vos travaux, donnez de ce que vous possédez légitimement. Prétendez-vous corrompre votre juge, corrompre le Christ et obtenir qu’il ne vous cite pas à son tribunal avec les pauvres que vous dépouillez ?
Si pourtant l’iniquité est commise, si vous avez acquis des richesses par ces moyens injustes, si vous en avez rempli vos bourses et vos trésors, votre fortune vient d’une source mauvaise; n’ajoutez pas le mal au mal et faites-vous des amis avec les richesses d’iniquité.
La fortune de Zachée était-elle pure ? Lisez l’Evangile et voyez. C’était un chef de publicains et les publicains percevaient les impôts publics. C’est là qu’il s’était enrichi. En pressurant et en dépouillant un grand nombre de malheureux, il avait acquis beaucoup de biens. Le Christ entra dans sa maison, et le salut avec lui, car le Sauveur, dit expressément : « Aujourd’hui cette maison a reçu le salut ».
Zachée dit alors tout transporté de joie : « Je donne aux pauvres la moitié de mes biens ». Voyez comme il s’empresse de se faire des amis avec les richesses d’iniquité !… Et dans la crainte d’avoir encore autre chose à se reprocher : « Si j’ai fait tort à quelqu’un, je lui rends quatre fois autant ».
Pour résumer donc cette première interprétation, nous pouvons dire que si au moment de nous convertir, d’abandonner la vie de péché, on voit qu’on a acquis des biens injustement, il faut donc qu’on se détache de ces biens en faisant le bien aux autres, en faisant l’aumône. Il faut rendre ce qui ne nous appartient qu’injustement.
On peut également donner un autre sens aux paroles du Sauveur.
Les richesses d’iniquité sont toutes les richesses de ce monde, quel qu’en soit d’ailleurs le principe. D’où qu’elles proviennent effectivement, ce sont des richesses d’iniquité, parce qu’elles appartiennent à ce monde.
Qu’est-ce que veut dire donc « richesses d’iniquité » ? C’est de l’argent décoré par le nom de « richesses ».
Et donc si nous cherchons les richesses véritables, cherchons-les ailleurs. Le juste Job les possédait en abondance, lorsque dépouillé de tout il s’attachait de tout son cœur à Dieu, lorsqu’après avoir tout perdu il comblait Dieu de bénédictions plus précieuses que les plus riches perles.
Son trésor était Dieu lui-même et non pas les richesses de ce monde qui passe.
Tu as de celles-ci, je ne t’en reproche pas. Tu as hérité, ton père était riche et il t’a laissé sa fortune. Tu as fait de légitimes acquisitions, ta maison est remplie du fruit légitime de tes travaux ; je ne t’en fais pas un crime, je ne te condamne pas.
Mais garde-toi d’appeler cela « richesses ». En les appelant ainsi tu t’y affectionneras, tu t’y attacheras et à cause de cet attachement, tu te perdras avec elles.
Sois donc prêt à les perdre pour ne pas te perdre toi-même ; donne pour acquérir; sème pour moissonner. Ne leur donne pas le nom de richesses ; car elles ne sont pas des richesses véritables.
Pourquoi appellerait-on richesses celles qui te font craindre les larrons, les voleurs et trembler que ton serviteur même ne te mette à mort pour les enlever et s’enfuir ? Ah ! Si elles étaient réellement des richesses elles te donneraient la tranquillité.
Les vraies richesses sont donc celles que nous ne saurions perdre, une fois que nous les avons acquises. Tu n’auras pas à redouter pour elles le voleur, car elles seront à l’abri de tout coup de main. Ecoute ton Seigneur : « Amassez-vous des trésors dans le ciel, car le voleur ne saurait en approcher ».
Ainsi tes biens ne deviendront richesses que si tu les places ailleurs (dans le ciel) ; ils ne sont pas des richesses tant qu’ils restent sur la terre. Le monde, il est vrai, l’iniquité les nomme richesses, et c’est pour cela même que Dieu dans l’Evangile d’aujourd’hui les appelle « richesses d’iniquité », mammona iniquitatis.
Saint Ambroise ajoute: « C’est pourquoi Jésus dit : « Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête » (que ce soit l’argent acquis injustement avant notre conversion ou bien tout simplement l’argent bien acquis), pour que, par notre générosité envers les pauvres, nous obtenions la faveur des anges et des saints ».
Seulement de cette manière, si nous sommes dignes de confiance pour l’argent malhonnête, il nous sera confié le bien véritable : la joie du ciel.