Le Saint-Sacrement.
Tout bienfait demande un remerciement, un bienfait sans mesure demande un remerciement proportionné. La négligence si fréquente dans l’action de grâces après la communion provient de ce que nous ne savons pas assez le don de Dieu.
Le Saint Curé d’Ars enseignait : « Lorsque Dieu voulut donner une nourriture à notre âme pour la soutenir dans le pèlerinage de la vie, il se renferma en Lui-même, promenant ses regards sur la terre, mais ne trouva rien de digne d’elle, alors il résolut de se donner lui-même. Ô mon âme, que tu es belle, que tu es grande puisqu’il n’y a rien qu’un Dieu qui puisse devenir ta nourriture ».
Et encore : « Notre Seigneur a dit : » Tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l’accordera « . Jamais nous n’aurions pensé à demander à Dieu son propre Fils. Mais ce que l’homme ne peut pas dire ni concevoir, et qu’il n’eût jamais osé désirer, Dieu, dans son amour, l’a conçu et l’a exécuté. Aurions-nous jamais osé dire à Dieu de faire mourir son Fils, de nous donner sa chair à manger et son sang à boire ? Si tout cela n’était pas vrai, l’homme aurait donc pu imaginer des choses que Dieu ne peut pas faire, il serait allé plus loin que Dieu dans les inventions de l’amour ? Ce n’est pas possible».
Un Don aussi grand et majestueux de la part du bon Dieu réclame de notre côté des dignes actions de grâce.
La Sainte Messe elle-même reçoit le nom d’« Eucharistie », car elle est l’action de grâce par excellence. Mais la Communion, le fait de recevoir le Bon Jésus dans notre cœur nous impose encore le devoir de Lui rendre grâce.
Jésus est réellement présent dans le Saint Sacrement tout le temps que durent les espèces (les apparences) du pain et du vin. De cette manière, du moment de la communion et pour une quinzaine de minutes (plus ou moins) nous devenons nous-mêmes un tabernacle où Jésus est réellement présent avec son Corps, son Sang, son Ame et sa Divinité. Une fois les espèces/les apparences du pain et du vin disparus (une fois que la Sainte Hostie se défait en nous-mêmes), Jésus y reste présent par la grâce.
L’action de grâce s’impose donc car il est nécessaire de bien accueillir chez nous le Bon Jésus. Il nous faut nous entretenir avec Lui.
On rapporte le fait de saint Philippe de Neri qui faisait accompagner par deux enfants de chœur portant des cierges allumés une dame qui quittait l’église aussitôt après la fin de la messe où elle avait communié.
L’action de grâces n’est-elle pas un devoir, après un bienfait reçu, et ne doit-elle pas être proportionnée au prix du bienfait ? Jésus lui-même nous le dit lorsque, après la guérison miraculeuse de dix lépreux, un seul vint le remercier. « Et les neuf autres où sont-ils ?» demanda le Sauveur. Ils avaient été miraculeusement guéris et ne vinrent pas même dire : Merci.
Or, à la communion, nous recevons un bienfait très supérieur à la guérison miraculeuse d’une maladie du corps, nous recevons l’auteur même du salut et un accroissement de la vie de la grâce, qui est le germe de la gloire, ou la vie éternelle commencée ; nous recevons une augmentation de la charité, de la plus haute des vertus, qui vivifie, anime toutes les autres, et qui est le principe même du mérite.
Par l’eucharistie, Jésus se donne à nous, pour nous assimiler à lui. C’est le plus grand don que nous puissions recevoir. Et il ne mériterait pas une action de grâces spéciale ! Combien est blessante l’ingratitude de celui qui ne sait pas dire merci, après la communion, par laquelle Jésus se donne lui-même à nous !
Notre-Seigneur nous appelle, il se donne à nous avec tant d’amour, et nous, nous n’avons rien à lui dire et ne voulons pas l’écouter quelques instants.
Les saints, en particulier sainte Thérèse, nous ont souvent dit que l’action de grâces sacramentelle (action de grâce après la communion) est pour nous le moment le plus précieux de la vie spirituelle.
L’essence du sacrifice de la messe est bien dans la double consécration, mais c’est par la communion que nous participons nous-mêmes à ce sacrifice d’une valeur infinie. Il doit y avoir à ce moment un contact de la sainte âme de Jésus, unie personnellement au Verbe, avec la nôtre, une union intime de son intelligence humaine éclairée par la lumière de gloire avec notre intelligence souvent obscurcie, oublieuse de nos grands devoirs, obtuse en quelque sorte à l’égard des choses divines ; il doit y avoir aussi une union non moins profonde de la volonté humaine du Christ, immuablement fixée dans le bien, avec notre volonté chancelante, faible, et enfin une union de sa sensibilité si pure avec la nôtre parfois si troublée. Dans la sensibilité du Sauveur il y a les deux vertus de force et de virginité qui fortifient et virginisent les âmes qui s’approchent de lui.
Tout bienfait demande un remerciement, un bienfait sans mesure demande un remerciement proportionné. Comme nous ne sommes point capables de l’offrir à Dieu, demandons à Marie médiatrice de venir à notre secours et de nous obtenir de participer à l’action de grâces qu’elle offrit à Dieu après le Sacrifice de la Croix, après le Consommatum est (tout est accompli), à celle qu’elle faisait après la messe de l’apôtre saint Jean, qui vraiment continuait en substance sur l’autel le sacrifice du Calvaire.
La négligence si fréquente dans l’action de grâces après la communion provient de ce que nous ne savons pas assez le don de Dieu : si scires donum Dei ! (si tu savais le Don de Dieu, disait Jésus à la samaritaine).
Demandons à Notre-Seigneur humblement mais ardemment la grâce d’un grand esprit de foi, qui nous permettra de « réaliser » chaque jour un peu mieux le prix de l’eucharistie ; demandons la grâce de la contemplation surnaturelle de ce mystère de foi, c’est-à-dire la connaissance vécue qui procède des dons d’intelligence et de sagesse et qui est le principe d’une action de grâces fervente dans la mesure où l’on a plus conscience de la grandeur du don reçu.