Demandons-lui de nous laisser revêtir comme elle des seules vertus qui feront de nous des hommes et des femmes conformes à leur vocation, les vertus qui nous font en vérité ressembler à Dieu, vivre comme Dieu, avec Dieu: la foi, l’espérance et la charité, la confiance, l’humilité et la miséricorde.
Notre Dame de Bonheur à Ollioules, Notre Dame de la Sed à Toulon, Notre Dame des grâces à Cotignac, Notre Dame de Paris, Notre Dame de Lourdes, qu’elle est longue et belle la liste des sanctuaires de France, immenses ou modestes, que nos ancêtres ont consacrés à Marie! Quasiment chaque village possède un lieu de culte ou une chapelle où les habitants venaient prier la sainte Vierge avec un cœur d’enfant et revenaient chez eux avec sa bénédiction.
Et si cela est vrai dans tous les pays d’Europe autrefois chrétiens, le Pape Pie XI, en proclamant Notre Dame de l’Assomption comme patronne de la France, rappelait qu’on pouvait appeler particulièrement ce pays le royaume de Marie !
En effet d’abord parce qu’il lui fut consacré par le roi Louis XIII en 1638, mais aussi parce que 35 de ses magnifiques cathédrales lui sont consacrées et enfin parce que la sainte Vierge y fit d’importantes apparitions pour porter ses messages au cours de l’histoire.
Alors même si aujourd’hui on peine à entretenir ce patrimoine (je ne parle pas encore de le remplir de croyants), même si la France est devenue bien infidèle de nos jours, l’Eglise nous invite, comme un acte d’espérance, à croire que toute la foi et la piété des temps passés ne sera pas simplement perdue et à mettre à profit la solennité de l’Assomption de Marie pour mobiliser, raviver notre prière.
Nous voulons croire que bien des fils de France et d’ailleurs continuent aujourd’hui de prier Marie avec ferveur et récitent leur chapelet aussi pour tous ceux qui ne le disent plus. Le jour de l’Assomption est un jour de joie immense. Nous voyons Marie qui est au Ciel, toute lumineuse et pleine de grâces, et nous savons alors que sa victoire est certaine : «Mon Cœur Immaculé triomphera ».
Et comme le Seigneur veut que nous ne soyons pas des pantins entre ses mains, mais, tous et chacun, des acteurs libres et responsables de l’histoire, notre prière de ce jour, comme toute prière, vise d’abord et essentiellement la conversion des cœurs, de nos cœurs, de tous les cœurs, leur ajustement à la volonté de Dieu, afin que ce soit cette divine volonté d’amour qui s’accomplisse et non le dessein du Diable.
Pourquoi alors ce recours si particulier à la Vierge Marie au jour de son Assomption? Nous ne pouvons nous contenter d’en appeler à la tradition française initiée par le roi Louis XIII en 1637, quand il voulut rendre au grâce à Marie pour la défaite des ennemis de la France et obtenir par son intercession la naissance d’un fils et successeur sur le trône. Il faut aller plus profond.
Où se trouve le secret de la toute puissance d’intercession de Marie? D’où provient qu’elle soit pour tous ceux qui l’invoquent une mère aimante, pleine de prévenance pour toutes les demandes de ses enfants?
Ce que nous célébrons aujourd’hui est un triomphe, une récompense privilégiée: Marie, après sa mort, a été directement élevée au Ciel, non seulement en son âme, comme tous les autres saints, mais en son âme et en son corps, de sorte que elle siège en plénitude dans la gloire aux côtés de son Fils. En elle, l’œuvre de Dieu est parfaitement et définitivement achevée. Elle est en tout son être pleinement associée à la vie de Dieu et donc aussi à l’accomplissement du salut que Dieu veut pour les autres, pour l’humanité entière.
D’où lui vient cette prérogative ? « Aujourd’hui la sainte Mère de Dieu a goûté la mort temporelle mais elle ne pouvait rester captive des liens de la mort, elle qui enfanta ton Fils, notre Seigneur, lorsqu’il se fût incarné».
C’est parce qu’elle est la mère du Sauveur que Marie est introduite, dès le moment de sa mort, dans la plénitude de la vie divine, en son corps et en son âme.
Et pourquoi le fait d’avoir été la mère du Sauveur lui vaut-il cette grâce unique? Toute maternité implique de soi un lien d’union intime tout particulier avec son enfant, union physique, psychologique et affective sans pareille. Mais il y a beaucoup plus pour Marie. Elle n’a pas seulement mis au monde, aimé et éduqué son fils comme toutes les mères. Elle s’est rendue totalement disponible à son œuvre de salut, dès le « Fiat »de l’Annonciation, et elle n’a ensuite jamais cessé de collaborer de tout son être, de tout son cœur, à son œuvre divine de Salut.
Comment a-t-elle collaboré si parfaitement, comme mère et comme compagne remplie d’amour? Non pas en prêchant, guérissant, accomplissant des miracles, comme son Fils, mais en le suivant silencieusement jusqu’au bout, en acquiesçant totalement à son œuvre, en l’accueillant comme le dessein mystérieux du Seigneur. Elle seule, au pied de la Croix, restait auprès de Jésus, non pas seulement physiquement, mais spirituellement, par l’union de son cœur à celui de son Fils. Alors que Jésus menait jusqu’où bout le combat de l’amour, elle et elle seule coopérait à ce combat par l’union amoureuse totale de son cœur; elle s’y est unie au moment même où Jésus le menait. Elle a comme mené avec Jésus ce combat de l’amour. Marie a donc été associée comme aucune autre créature à ce combat total et définitif. Elle qui fut unie à Dieu de tout son être durant le combat radical du salut de l’humanité jusqu’à la croix, comment la mort aurait pu l’engloutir? C’est cette totale union de cœur et d’esprit avec son Fils durant sa vie terrestre qui lui a valu, dès l’instant de sa mort, de lui rester totalement unie, au Ciel, en son corps et en son âme.
Aujourd’hui demandons-lui ce qu’elle a elle-même su recevoir en plénitude, dès sa conception, la grâce de la vie nouvelle, la grâce de l’amour miséricordieux de Dieu répandu en nos cœurs. Demandons-lui de nous enfanter toujours plus à l’image du Fils aîné, à l’image de celui qui a mené jusqu’au bout le combat de la seule vraie vie, celle qui coule de son côté transpercé et nous rend imitateurs de Dieu, amis de Dieu. Demandons-lui de nous laisser revêtir comme elle des seules vertus qui feront de nous des hommes et des femmes conformes à leur vocation, les vertus qui nous font en vérité ressembler à Dieu, vivre comme Dieu, avec Dieu: la foi, l’espérance et la charité, la confiance, l’humilité et la miséricorde.
Et, plus profond encore, demandons-lui d’aviver en nous le désir de ces biens divins, le désir de cette vie avec Dieu et en Dieu, désir sans lequel nous resterons comme des étrangers, sans yeux, sans oreilles sans cœur pour attendre, pour chercher et pour accueillir ce que le Seigneur a préparé pour nous, rien moins que devenir ses amis, pour l’éternité.