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Année 2021- Homélie pour le 5ème dimanche de Carême (JA).

Il y a plusieurs moyens d’être sauvé de la mort. Le premier consiste à être préservé du danger mortel. Le second à être libéré de la mort et donc retourner à la vie : mourir et ressusciter ensuite par un miracle. Le troisième moyen, le plus radical, c’est une victoire complète et définitive sur la mort, c’est ressusciter à une vie nouvelle et triomphante qui n’est plus soumise au pouvoir de la mort.

Source : Cardinal Albert Vanhoye.


Nous commençons aujourd’hui le temps de la Passion, un temps particulier à l’intérieur du Carême qui fait concentrer toute notre attention sur notre Sauveur et sa Passion. Le mot Passion vient du mot latin « passio » qui veut dire souffrance.

L’Evangile rapporte un événement survenu au cours de la dernière période de la vie publique de Jésus. Alors qu’il se trouve à Jérusalem pour la fête de la Pâque, fête qui sera sa Pâque de mort et de résurrection, un certain nombre de Grecs se sont joints aux Hébreux et sont montés pour participer au culte durant cette fête. Ces hommes sont certainement des hommes religieux intéressés et attirés par la foi des hébreux au Dieu unique et qui ont entendu parler de Jésus et qui désirent le voir.

Ils se rapprochent de Philippe, un des douze qui porte un nom grec et demandent : « Nous voudrions voir Jésus ». Belle demande… qu’elle soit aussi la nôtre. Philippe rapporte cette requête à André, un autre apôtre qui porte aussi un nom grec et qui est très proche de Jésus car il a été un des premiers appelés. Tous deux vont le dire à Jésus.

La réponse de Jésus est surprenante. Il ne dit ni oui ni non ; mais il déclare : « L’heure est venue pour le Fils de l’homme d’être glorifié ». Et ensuite il fait comme une description de sa Passion : le grain de blé qui doit mourir ; le détachement de ce monde… Comme s’il disait voilà les signes par lesquels vous reconnaitrez Jésus.

L’heure de Jésus, l’heure de sa glorification est aussi celle de sa Passion. Sa glorification intervient d’ailleurs à travers de sa Passion. Il doit donc pour cela être « élevé de terre ». Et l’évangéliste commente : « Il signifiait par-là de quel genre de mort il allait mourir ». Un homme condamné au supplice de la croix est élevé de terre et Jésus doit être élevé de terre. Cependant cette élévation du supplice est pour lui le commencement d’une élévation bien plus grande : sa glorification dans les cieux, à la droite du Père.

Jésus s’exprime au travers d’une image : « Je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il donne beaucoup de fruit ». Il se compare à un grain de blé. Par son incarnation, il est venu sur la terre. Cependant ceci ne suffit pas : il doit aussi mourir afin que sa fécondité soit universelle.

Ceci est une loi qui vaut d’ailleurs aussi pour les disciples. Jésus dit, en effet, immédiatement : « Celui qui aime sa vie la perd ; celui qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle ». Il nous faut donc imiter notre Maître.

La pensée de sa Passion qui arrive ébranle Jésus intérieurement puisqu’il confesse : « Maintenant je suis bouleversé ». Comment ne pas être bouleversé lorsque l’on pense à toutes les humiliations, à toutes les souffrances et à la mort de Jésus !

Nous avons ici un moment bref mais intense d’agonie de Jésus. Il se demande : « Que puis-je dire ? ». Devant de telles humiliations et de telles souffrances, le cœur humain ne peut spontanément que demander d’être sauvé. Jésus dit donc : « Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? ». Mais est-ce bien là ce qu’il lui faut demander ?

Jésus dépasse cette première réaction humaine et affirme : « Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! ». Plutôt que demander son propre salut, il appelle la glorification du Nom du Père. Ce changement, cette transformation correspond bien à ce que l’on trouve dans les Evangiles synoptiques. Saint Mathieu dit qu’au départ, Jésus a demandé au Père au Jardin des oliviers que cette heure passe loin de lui : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! » (Mt 26,39), mais il termine en disant : « Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux ». Et dans le « Notre Père », Jésus nous a enseigné à demander : « Que ton nom soit sanctifié. Que ton règne vienne. Que ta volonté soit faite » (Mt 6,9-10). Confronté à sa Passion, Jésus ne pense pas à sauver sa propre vie mais bien à la gloire du Père et au salut du monde.

Un signe du ciel répond à ces paroles de Jésus. Une voix dit : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ». Jésus explique : « Ce n’est pas pour moi que cette voix s’est fait entendre, c’est pour vous. Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ».  C’est pour nous que cette voix se fit entendre : la Passion, la souffrance n’échappe pas au plan de Dieu, au contraire elle est le plan de Dieu.

La seconde lecture, extraite de la Lettre aux Hébreux, nous révèle la manière selon laquelle Jésus affronte sa Passion ; nous trouvons là l’esprit de Jésus. Il se trouve dans une situation de grande angoisse à cause de la mort qui le menace et offre à Dieu des prières et des supplications. Nous devons, nous aussi, lorsque nous nous trouvons en difficulté, confrontés à la souffrance, offrir à Dieu des prières et des supplications.

Jésus ne se contente pas de prier : il crie et il pleure. Il offre ses prières à Dieu « avec un grand cri et dans les larmes ». Ceci n’est pas seulement vrai de l’agonie mais survient aussi sur la croix lorsqu’il lance un grand cri avant de mourir (Mc 15,37). Jésus prie celui qui peut le libérer de la mort. La Lettre aux Hébreux ne dit pas qu’il demande à être libéré de la mort, elle se contente de le suggérer mais laisse aussi place à cette transformation de la demande qui, comme nous l’avons vu précédemment, est présente dans les Evangiles et que saint Matthieu exprime d’une manière particulièrement claire (cf. Mt 26,39.42.44). Jésus n’impose pas à son Père un moyen spécifique de sauver le monde.

Il y a plusieurs moyens d’être sauvé de la mort. Le premier consiste à être préservé du danger mortel. Le second à être libéré de la mort et donc retourner à la vie : mourir et ressusciter ensuite par un miracle. C’est ce qui est arrivé à Lazare, par ex. Le troisième moyen, le plus radical, c’est une victoire complète et définitive sur la mort, c’est ressusciter à une vie nouvelle et triomphante qui n’est plus soumise au pouvoir de la mort. C’est cette victoire pleine et définitive que Jésus a obtenue pour lui et pour nous. La Lettre aux Hébreux affirme : « Parce qu’il s’est soumis en tout, il a été exaucé ». Ce qui est essentiel ici c’est de constater que Jésus a laissé à Dieu le choix de la solution à sa situation angoissante.

Lorsque nous prions, nous devons, comme nous l’a enseigné Jésus, laisser Dieu choisir la solution la plus adaptée à nos difficultés. La solution retenue par Dieu sera toujours meilleure que celles que nous pourrons imaginer dans nos intelligences limitées.

Jésus, bien qu’étant le Fils de Dieu, apprend l’obéissance par la souffrance. Son âme est éprouvée car elle est passée à travers des difficultés et des souffrances. C’est ainsi qu’il apprend l’obéissance. Jésus a accepté de se soumettre à cette loi de la nature humaine.

Prenons donc le temps en ces jours de contempler le Christ qui entre dans sa Passion. Suivons-le en méditant le chemin de croix ou en relisant les récits de la Passion dans les Evangiles. Et que notre Dame des sept Douleurs nous guide et accompagne.

Ainsi soit-il.

 

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