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Année 2021-Homélie pour le 2ème dimanche de l’Avent (JGA).

Jean-Baptiste, interpellation et effacement.
Reconnaissons tout d’abord l’urgence de la conversion, pour nous préparer comme Jean. La nécessité d’une « voix qui crie dans le désert » est d’une actualité brûlante dans les déserts de notre monde, mais où le Seigneur pourra-t-il trouver des voix dignes de lui ?


Quelle figure contradictoire que Jean-Baptiste ! Il est radical dans l’appel à la conversion et il emploie une dureté de ton qui dérange nos habitudes. Pourtant, Jean est aussi celui qui retrouve toute douceur et humilité lorsqu’il parle du Messie, vers lequel toute sa vie est tendue : « Il vient, Celui qui est plus fort que moi ; je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. » (Lc 3, 16). Ou encore : « L’ami de l’époux est ravi de joie à la voix de l’époux… Il faut qu’il grandisse et que je diminue. » (Jn 3, 30). Jean s’efface devant la personne du Christ. Il n’est qu’une « voix qui crie dans le désert ».
Dans un sermon célèbre (Sermon 193, 3), saint Augustin mettait en relation le Christ avec le Précurseur, comme la parole avec la voix: « Jean était la voix, mais le Seigneur au commencement était la Parole. Jean, une voix pour un temps ; le Christ, la Parole au commencement, la Parole éternelle. Enlève la parole, qu’est-ce que la voix ? Là où il n’y a rien à comprendre, c’est une sonorité vide. La voix sans la parole frappe l’oreille, elle n’édifie pas le cœur. ».

Notre homélie suivra ce parcours : d’abord l’Avent nous invite à la conversion, pour que nous devenions une voix qui transmette la parole de Dieu et non sa propre vacuité ; puis nous sommes invités à l’annonce : être une voix qui crie dans le désert de ce monde.

Conversion : sortir au désert.
Appelé à une annonce sublime, Jean a appris par le jeûne et la prière à ne pas se mettre en avant : « Il demeurait dans les déserts jusqu’au jour de sa manifestation à Israël. » (Lc 1, 80).
Romano Guardini (dans son ouvrage « Le Seigneur ») nous présente cette période de sa vie : « Ce garçon est appelé à une vie grande et lourde. La main du Seigneur s’est posée sur lui, l’éloignant de tout ce qui remplit d’ordinaire une existence humaine, lui assignant le désert comme demeure. Il y vit séparé de tous, dans l’austérité, croissant spirituellement, toute son âme tendue vers la volonté sainte qui se tourne vers lui. ».
Sa mission de précurseur achevée, Jean reste humblement dans les entrailles de la prison d’Hérode en attendant sa décapitation. Une dernière fois, il précède humblement son Maître : d’abord par la naissance, puis par l’annonce, enfin par le martyre.
Reconnaissons tout d’abord l’urgence de la conversion, pour nous préparer comme Jean. La nécessité d’une « voix qui crie dans le désert » est d’une actualité brûlante dans les déserts de notre monde, mais où le Seigneur pourra-t-il trouver des voix dignes de lui ?
Pendant l’Avent, nous ressentons ce désir de sortir du brouillard spirituel où nous errons comme des aveugles, le aussi bruit nous fatigue. L’appel à la conversion personnelle est donc pressant. Portons nos oreilles internes sur l’essentiel, cette présence du Seigneur au seuil de notre âme, qui frappe doucement et voudrait qu’on lui ouvre la porte. Le langage du prédécesseur du Christ est métaphorique. Il parle des voies, des sentiers qu’il faut “aplanir”, des montagnes qu’il faut abaisser, des ravins qu’il faut “combler”; il parle enfin des chemins raboteux qu’il faut “niveler”.
N’ayons pas peur d’affronter ces misères et pauvretés internes. Quel désert aride se cache en nous, qui a besoin d’être irrigué par la grâce ? Quel sentier tortueux de comportements ambivalents, quels ravins de péché et quelles montagnes d’orgueil et de vanité déforment encore notre cœur ?
Pour prendre une résolution concrète, il me suffit d’imaginer que ma rencontre définitive avec Jésus aura lieu dans une heure. Que voudrais-je alors avoir changé dans ma vie ?

Annonce : être une voix.
Vient ensuite l’appel à témoigner, à devenir une voix qui interpelle autrui pour qu’il entre dans ce mouvement de conversion.
« Voix de celui qui crie dans le désert… » Nous pouvons avoir la tentation de rechercher le compromis, de ne vouloir froisser personne, de ne pas choquer. Or, ce que nous annonçons ne vient pas de nous, mais de Dieu. Etant les instruments du Seigneur, nous n’avons pas à mitiger et à adapter ce que nous avons nous-mêmes reçu, sous prétexte d’être à la mode ou à nous conformer à une science de mauvais aloi. Ce serait céder à l’orgueil et se fourvoyer. Rappelons-nous l’exemple de tant de saints qui ont annoncé l’Evangile avec audace. Ce n’est pas à une mission humaine que nous sommes appelés et la popularité ne doit pas nous servir de mètre-étalon. Nous sommes envoyés pour annoncer le Christ et l’Evangile. Il convient certes de le faire charitablement et avec respect, mais nous n’avons ni à édulcorer le message, ni à prendre des précautions exagérées. N’ayons pas peur. La vérité qui nous est confiée est non seulement bonne pour tout homme, mais elle lui est indispensable, car elle lui ouvre la porte vers l’éternité bienheureuse, pour laquelle il est fait. Celui qui évangélise avec cette conviction est très souvent étonné de l’écho rencontré auprès de personnes qui auraient pu s’offusquer, se désintéresser ou exprimer un profond rejet, et qui finalement sont touchées.
Le pape Jean-Paul II écrivait en ce sens dans son encyclique sur la mission : « Aujourd’hui, l’appel à la conversion que les missionnaires adressent aux non-chrétiens est mis en question ou passé sous silence. On y voit un acte de “prosélytisme” ; on dit qu’il suffit d’aider les hommes à être davantage hommes ou plus fidèles à leur religion, qu’il suffit d’édifier des communautés capables d’œuvrer pour la justice, la liberté, la paix, la solidarité. Mais on oublie que toute personne a le droit d’entendre la Bonne Nouvelle de Dieu, qui se fait connaître et qui se donne dans le Christ, afin de réaliser pleinement sa vocation. La grandeur de cet événement est mise en relief par les paroles de Jésus à la Samaritaine : “Si tu savais le don de Dieu”, comme aussi par le désir inconscient mais ardent de la femme : “Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n’aie plus soif” (Jn 4, 10.15). ».

Nous sommes souvent une voix qui crie dans le désert. En dépit des apparences, nos familles, nos groupes d’amis, nos lieux de vie et ce monde en général sont autant de déserts où la vie spirituelle peine à fleurir. Déserts assoiffés d’une parole qui apporte la vie, la joie ; assoiffés surtout d’un visage, celui du Christ.

N’ayons donc pas peur d’être une voix qui crie sous le souffle de l’Esprit.
Ainsi soit-il.

 

 

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