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Année 2021- Homélie pour le 11ème dimanche du temps ordinaire (JGA).

Porter du fruit avec patience.
Il nous est simplement demandé de collaborer humblement avec le Maître intérieur : la croissance spirituelle est un mystère comparable à la vie de la nature, autour de nous, qui ne laisse pas de fasciner les esprits un peu observateurs.

Sources:
Cardinal Ratzinger, conférence du 10 décembre 2000 sur la Nouvelle Evangélisation.
Saint Bernard, Sermons de carême XVII, nº 3.


Deux types de semences apparaissent dans les paraboles de ce jour : la semence du grain de blé, à laquelle Jésus s’assimile lui-même à une autre occasion (Jn 12,24) ; et la graine de moutarde que les anciennes traductions présentaient comme le grain de sénevé. Nous avons vu que leur sens littéral est assez clair : il s’agit de la Parole de Dieu, tout à la fois personne et message, semé dans les âmes. Comme toujours, ces paraboles peuvent recouvrir divers sens car tout le mystère du Christ s’y cache.

Nous proposons, pour aujourd’hui, deux axes de méditation : celui de l’évangélisation, mystère de la parole qui se propage dans le monde ; celui de la sanctification, mystère de la parole qui croît dans notre propre vie.

Evangélisation

La première parabole nous rappelle qu’il y a des étapes mystérieuses dans la croissance de la foi. La semence est jetée dans l’âme de l’enfant : baptême, catéchisme, première communion, éducation chrétienne… Il faut parfois beaucoup de temps pour que cette semence arrive à maturation ; ceux d’entre nous qui sommes catéchistes ou pasteurs, savons que les fruits sont rarement palpables. Il nous faut semer inlassablement en ayant confiance en l’amour de Dieu pour chaque âme : « la semence germe et grandit, il ne sait comment… »

Arrive ensuite un moment décisif où la semence va porter du fruit. C’est ce que symbolise la faucille : choix de vie fondamental, comme une vocation ; maladie subite qui porte des fruits spirituels ; mort et rencontre avec le Seigneur de la moisson… Alors se dévoile la vérité de la seconde parabole, le grain de moutarde : la disproportion totale entre ce que nous avons semé et le fruit qu’obtient le Christ. Grâce à la parole d’une catéchiste, un adolescent prend conscience de sa vocation sacerdotale ; grâce à une parole glissée en confession, un homme change totalement de vie ; grâce à l’Eucharistie reçue distraitement, une conscience s’éveille ; grâce à l’exemple d’une religieuse, l’espoir revient chez un homme désespéré. Les moyens humains dont dispose l’Eglise sont toujours disproportionnés par rapport à la grandeur de sa mission !

Une tentation : penser que nos moyens humains vont produire les fruits attendus. Régulièrement, les succès de nouvelles méthodes d’évangélisation nous poussent à surestimer notre rôle, à penser que le moment du succès final pour l’Eglise est arrivé, que nous avons enfin « la solution » qui va sauver le monde. Le cardinal Ratzinger nous mettait en garde contre ces illusions dans une conférence sur la Nouvelle Evangélisation : « Pour l’évangélisation, est toujours valable la parabole du grain de sénevé. La nouvelle évangélisation ne peut pas signifier : attirer tout de suite par de nouvelles méthodes plus raffinées les grandes masses qui se sont éloignées de l’Eglise. Non, ce n’est pas cela la promesse de la nouvelle évangélisation. La nouvelle évangélisation signifie : ne pas se contenter du fait que du grain de sénevé a poussé le grand arbre de l’Eglise universelle, ne pas penser que le fait que dans ses branches toutes sortes d’oiseaux peuvent y trouver place suffit, mais oser de nouveau avec l’humilité du petit grain, en laissant Dieu choisir quand et comment il grandira (Mc 4, 26-29). Toutes les grandes choses commencent toujours par un petit grain et les mouvements de masse sont toujours éphémères. La nouvelle évangélisation doit se soumettre au mystère du grain de sénevé, et ne doit pas prétendre produire tout de suite un grand arbre ». L’Evangile de ce jour nous invite donc à deux attitudes fondamentales : l’humilité et la confiance.

Sanctification

Deuxième aspect pour la croissance de la Parole : nos propres vies chrétiennes. La Parole semée en nos âmes est la vie de grâce qui nous est donnée au baptême ; elle grandit par la lecture de la Parole, l’écoute de la prédication et la réception des sacrements ; l’eau qui la nourrit est la prière, tandis que la terre est la disposition du cœur ; mais c’est Dieu qui donne la croissance à travers le soleil de sa grâce. Il nous est simplement demandé de collaborer humblement avec le Maître intérieur : la croissance spirituelle est un mystère comparable à la vie de la nature, autour de nous, qui ne laisse pas de fasciner les esprits un peu observateurs. Chacun de nous est un homme saisi par le mystère du Règne : « qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment… ».

Enfin, la semence que le Seigneur veut faire grandir dans notre cœur prend parfois des formes surprenantes. Il y a les charismes spirituels, les dons naturels, des grâces particulières à certains moments de la vie… Mais une forme de semence nous concerne tous, la Croix. Cette souffrance qui accompagne le chemin de tout homme, nous sommes invités à la considérer comme une occasion de faire grandir le règne de Dieu en nous : «tout sarment qui porte du fruit, mon Père l’émonde afin qu’il en porte davantage» (Jn 15, 2). Car c’est sur la Croix que le Christ accomplit pleinement son œuvre. C’est à cela qu’invitait saint Bernard :

« Il est bon d’être dans la peine, puisque c’est par elle que nous devons accueillir la couronne de la gloire. Ne méprisons pas les souffrances, mes frères, c’est une semence bien modeste, mais il doit en sortir beaucoup de fruit. C’est une semence peut-être peu agréable au goût, à cause de son amertume, c’est peut-être le grain de sénevé ; mais ne considérons pas le dehors et l’apparence ; voyons en les vertus cachées».

 

 

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