Ainsi la Vierge rendit sans peine et sans violence sa sainte et bienheureuse âme entre les mains de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Bossuet disait que « Marie fut laissée au monde après l’Ascension de Jésus-Christ pour consoler l’Eglise ».
La vie terrestre de Notre Dame devait pourtant bien un jour s’achever et c’est aujourd’hui que nous célébrons son triomphe; jour où elle finit une si pure et si belle vie; jour où elle commence une autre vie si heureuse et si pleine de gloire; jour où le Ciel, pour lequel elle était faite, enlève à la terre le plus précieux dépôt que le Fils de Dieu y eût laissé: la Très Sainte Vierge Marie.
Mais comment fût la mort de Notre-Dame ? Est-elle vraiment morte? De quoi est-elle morte?
Autant de questions qui jaillissent en ce jour des âmes chrétiennes qui cherchent toujours à mieux connaître la vie de la Mère de Dieu pour mieux l’aimer, la vénérer et l’imiter. La pensée des saints est que la Très Sainte Vierge Marie mourut d’amour pour son divin Fils. Marie est morte, mais pas en raison du péché, ni non plus en raison d’une maladie: Marie est morte d’amour, sa mort fut causée par la force de son amour pour son divin Fils. Il n’est pas pensable qu’elle soit morte d’une autre sorte de mort que celle d’amour : « Mort la plus noble de toutes, remarque saint François de Sales, et due par conséquent à la plus noble vie ».
Attention ! Il ne s’agit pas ici d’une image romantico-sirupeuse, d’une façon de parler exaltée ou à l’eau de rose, mais d’une réalité, il s’agit d’un acte réel, unique et extraordinaire qui est de l’ordre de la vertu théologale de charité. La force de l’amour a fait quitter, a séparé, l’âme de la Très Sainte Vierge Marie de son corps, comme un papillon à maturité déchire le cocon qui l’enfermait.
Notre-Dame est morte d’amour.
Les théologiens les plus sérieux affirment que la sanctification, donc en fait la croissance de la charité dans une âme, est un mouvement accéléré : comme la chute d’une pierre (plus elle tombe, plus elle va vite) ou l’attirance d’une pièce en fer par un aimant (plus elle s’en rapproche, plus elle va vite). Ainsi en est-il des saints, plus ils se rapprochent du terme de leur vie, plus leur sainteté croît.
Cela se fit en Marie : l’amour qu’elle portait à Dieu et son divin Fils ne fit que croître depuis sa Conception immaculée jusqu’à la fin de sa vie terrestre. Pourtant imaginez l’intensité de l’amour de la Très Sainte Vierge Marie pour son Fils dans l’étable de Bethléem. Imaginez surtout la force de son amour pour Notre-Seigneur Jésus-Christ lors de la Passion et au pied de la Croix : amour immense d’une mère qui souffre avec son Fils unique et qui offre son sacrifice pour le salut des âmes.
On a peine à croire que cet amour maternel au pied de la Croix ait pu encore s’accroître et, en plus, de manière accélérée. Pourtant cela se fit. L’amour de Notre-Dame pour son Fils a connu une croissance de plus en plus rapide. Chaque jour cet amour qui régnait dans son cœur sans aucun obstacle, augmentait, se perfectionnait, de sorte que la terre ne fut plus capable de le contenir.
Alors que se passa-t-il ? Notre-Dame a déchiré le voile qui la séparait de son Fils, la sainte impatience qu’elle avait d’être à nouveau unie à lui fut trop forte.
Ainsi la Vierge rendit sans peine et sans violence sa sainte et bienheureuse âme entre les mains de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Sainte dormition.
« Comme la plus légère secousse détache de l’arbre un fruit déjà mur, disait Bossuet, ainsi fut cueillie cette âme bénite pour être tout d’un coup transportée au ciel ; ainsi mourut la divine Vierge par un élan de l’amour divin et son âme fut portée au ciel par une nuée de désirs sacrés».
Puis Notre-Dame passa par le même chemin que son Fils en ressuscitant et en montant au Ciel, par la puissance divine, portée par les anges, avec son corps glorifié.
Le Saint Esprit dit dans le Cantique des cantiques : « L’amour est fort comme la mort ».
Cette fête de l’Assomption nous le montre.
La vie des saints également manifeste la force, la puissance, de l’amour de Dieu.
Saint Paul disait dans l’épître aux Philippiens : « Pour moi vivre c’est le Christ et mourir m’est un gain ». Le grand Apôtre souhaitait de tout son cœur que sa vie terrestre s’achève pour rejoindre le Christ: «Mourir m’est un bénéfice»!
Les saints soupiraient tous après le Ciel et, à la suite de Notre-Dame, plusieurs saints sont aussi morts d’amour : comme sainte Imelda, cette toute jeune fille, mourut d’amour pour Jésus après avoir communié pour la première fois. Et combien de saints sont morts ayant des paroles d’amour pour Notre Seigneur et son saint nom sur leurs lèvres : « O Jésus, Dieu de mon cœur » dit saint François Xavier avant de rendre son âme à Dieu. « Je vais à la Lumière, à l’Amour, à la Vie » souffla sainte Elisabeth de la Trinité dans un dernier soupir.
Puisqu’il s’agit d’amour, nous pouvons penser que la mort d’un chrétien, c’est un peu comme le mariage : l’épouse quitte son père et sa mère pour se joindre à son bien-aimé, ainsi l’âme sainte quitte la terre pour rejoindre son Bien-aimé : Jésus pour les noces éternelles. Ainsi douce est la fin de la vie terrestre d’une âme en état de grâce, terrible est la mort du pécheur qui s’accroche à ce qui passe. Car nous sommes faits pour le bonheur éternel du Ciel : enfants de Dieu par notre baptême, nous acquérons un droit réel à l’héritage du Christ, le bonheur éternel du Ciel. Tel est l’objet de notre espérance chrétienne.
Alors aujourd’hui prions Notre-Dame en son Assomption glorieuse pour qu’à l’heure de notre mort nous quittions cette vie, cette terre, comme elle, avec un amour et un grand désir de voir Dieu, désir détachant notre cœur de tous les biens et plaisirs passagers pour l’attacher de plus en plus intimement à Dieu seul.
Oui, bon Jésus, nous sommes à vous. En mourant, nous serons à vous pour toujours, et vous serez aussi tout à nous, pourvu que le dernier soupir de notre vie soit un soupir d’amour pour vous.
Ainsi soit-il.