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Année 2021-Homélie pour la fête de la Sainte Famille (JGA).

Qu’est ce que la famille ?

A Noël, nous contemplons Jésus, Marie et Joseph vivant l’ambiance familiale, leurs exemple a inspiré et continue d’inspirer tant de familles à travers le monde. La Sainte Famille est l’école où l’on commence à comprendre la vie de Jésus : l’école de l’Evangile.


 

Qu’est ce que la famille?
La famille est la communauté de vie et d’amour formée par un homme et une femme, unis de manière indissoluble par le lien du mariage pour s’aimer et se soutenir et avoir et éduquer des enfants en vue de l’éternité.

Remarquons que le mot famille vient de famulus (serviteur) et famulari (servir). La famille est soumise à la grande loi de l’échange : honore tes père et mère (qui t’ont donné la vie) afin que toi-même à ton tour, tu puisses vivre et donner la vie : comment donner ce que l’on n’a pas ? Tel est l’admirable échange, telle est la loi divine.
La famille n’est pas née d’une idée humaine, elle est une institution naturelle, divinement constituée, inscrite dans la pensée de Dieu, qui s’identifie avec l’essence même de l’homme, non seulement parce que l’homme est le fruit d’une alliance parentale, qui implique communauté, mais parce que cet homme ne peut se développer et s’achever que dans et par la famille.
Le grand péché moderne (divorce, couples homosexuels, contrôle des naissances et manipulations génétiques) est une action suicidaire, non pas seulement parce qu’elle affaiblit le taux des naissances, mais parce qu’elle se heurte à la pensée divine. Elle brise le plan de Dieu, ou plutôt, elle se brise elle-même à la Toute-Puissance divine et porte en elle sa déchéance et son propre châtiment. L’inverse se vérifie également, vous l’avez sans doute remarqué : quand un jeune homme dévoyé se marie et qu’il fonde un foyer, il est fréquent qu’il se redresse. Même moralement. Que s’est-il passé ? Tout simplement, il s’est remis en règle avec la grande, l’immuable loi divine. Il s’est réconcilié avec lui-même, avec la société, avec la grande loi de la création. Une famille heureuse est un hymne à la louange de la loi naturelle, à la louange de Dieu.

La structure interne de la famille.
Disons-le tout de suite, c’est l’autorité paternelle qui est le fondement et la clé de voûte de la structure familiale. Quoi qu’il en soit des excès de l’autorité parentale, cette puissance est nécessaire, elle est bonne, elle découle de la loi naturelle ; c’est l’absence du père qui est dramatique. C’est la structure même de la Sainte Famille. Tel est l’ordre voulu de Dieu. C’est à saint Joseph que l’ange apparaît en songe : « Ne crains pas de prendre Marie pour épouse… ». « Prends l’enfant et sa mère, et va en Egypte ». On touche là du doigt la différence essentielle entre les grandeurs de hiérarchie et les grandeurs de sainteté : Jésus et Marie sont plus élevés en sainteté que Joseph, mais c’est au charpentier Joseph qu’ils obéissent.
Avec l’autorité paternelle, le second pilier de l’ordre familial, c’est la règle. Toute communauté implique un ordre de hiérarchie et de dépendance établi par une règle. Dans la ligne de la loi naturelle (rappelons que la loi naturelle, c’est la loi divine inscrite dans les cœurs et stipulée au-dehors par le décalogue), il y a place dans la famille pour les règles internes de la prière, de la politesse, du respect, de la bienséance, de l’obéissance aux parents, aux coutumes, aux devoirs d’état. Le mot règle ne semble guère apprécié aujourd’hui. Mais écoutons Gustave Thibon : « Tu méprises les règles, les traditions et les dogmes. Tu ne veux imposer aucun cadre doctrinal à ton enfant, à ton disciple. Fort bien. Tu leur verses à boire un vin précieux, tu oublies seulement de les munir d’une coupe. Qu’est-ce que le vin sans la coupe ? Il ruisselle en vain sur le sol, et voilà, à terre, il produit la pire boue» (L’Echelle de Jacob).
Troisième pilier : le respect. On a tendance à ne voir, dans l’obligation du respect d’autrui, qu’une convention sociale. On nous dit que le respect est contraire à l’amour, ou, du moins qu’il gêne, qu’il entrave l’amour. Mais respect vient de respicere : regarder. Si je ne regarde pas mon prochain, si je ne le considère pas, si je ne lui reconnais pas une place, un statut, c’est alors qu’il va devenir pour moi comme un objet. N’est-ce pas là le contraire même de l’amour? Reprenons ces trois éléments qui structurent la famille de l’intérieur : l’autorité paternelle, le sens de la règle, le respect mutuel. Ces trois éléments en appellent un quatrième, situé au zénith des vertus domestiques, c’est la piété filiale.

Qu’il me soit permis maintenant de souligner trois vertus communautaires qui doivent fleurir dans nos foyers.
D’abord, la charité. La famille forme une communauté. L’union et la paix sont des fruits de la charité. Cette charité repose sur une trilogie à laquelle on reviendra sans cesse : se dévouer, se supporter, se pardonner.
Deuxièmement, la patience. C’est la vertu des maîtres et des éducateurs. Il y a un ars educandi : l’art d’éduquer. Voyez comment est formé ce mot éduquer : e-ducere, faire sortir. Educere gladium signifiait : tirer l’épée du fourreau. Il s’agit de tirer d’un enfant les virtualités qui s’y cachent : intelligence, volonté et sens religieux. Cela demande beaucoup d’amour et de patience. Saint François de Sales disait : « Pour travailler à la sanctification des âmes, il faut une tasse de science, un baril de prudence, un océan de patience ».
Enfin, la famille doit être protégée par les remparts d‘une attentive vigilance afin d’en interdire l’entrée aux fumées de Satan, et ouverte à la germination des valeurs humaines. On a très peur aujourd’hui de constituer des ghettos. Il ne faut pas, nous dit-on, que la famille enferme les enfants dans un monde clos. Sans doute, mais un nid d’hirondelles comporte bien une petite clôture pour prévenir les chutes hors du nid : tandis qu’il reste ouvert en direction du ciel pour protéger et favoriser la croissance des ailes, nous dirait Thibon. La meilleure famille sera celle qui protège l’oisillon fragile de l’enfance, sans omettre de lui apprendre à déployer ses ailes.

La famille et son destin surnaturel.
La famille est appelé à la sainteté. Sous l’influence de la grâce, la famille devient non seulement une institution sacrée, mais une école de sanctification. Sa vocation est une vocation à la prière. Elle est faite pour la prière, comme l’Eglise dont elle est l’image. Elle est une Eglise en réduction, une portion d’Eglise destinée à refléter l’amour du Christ, à le chanter, à le propager. C’est pourquoi la prière en famille est de toute nécessité, non seulement pour que la famille et ses membres soient protégés contre les chutes et contre les effondrements si fréquents aujourd’hui, mais bien par vocation et par essence. Comme l’Eglise qui est « société de la louange divine » (Dom Guéranger), la famille, elle aussi, doit tendre à la sainteté et à la louange de Dieu : « Quoi que vous fassiez, soit que vous mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu »…  « Époux, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Église » (saint Paul), c’est-à-dire d’un amour de charité surnaturelle qui provoque les enfants à l’admiration et à l’action de grâces. C’est dans cette perspective que le père présidera la prière du soir comme représentant du Christ. C’est dans cette perspective vraiment chrétienne que les vocations pourront fleurir, devinées bien souvent par la mère de famille. Ne dit-on pas que la vocation des enfants passe par le cœur de leur mère ?

 Dom Gérard disait : « Familles chrétiennes, restez vigilantes ! Le naturalisme vous guette. N’y a-t-il pas une peur lancinante du sacrifice, une peur de la pauvreté, une tentation de déserter la voie royale de la Croix ? Eh, me direz-vous, peut-on faire grief à des parents de chercher le bonheur de leurs enfants ? C’est si bon, le bonheur ! Oui, nous aimons l’évocation du bonheur. Mais dès que l’on a posé un pied dans le surnaturel, on rencontre le sacrifice . Il y a grande différence entre le religieux et le surnaturel. La frontière, c’est le sacrifice. L’ordre surnaturel, c’est la vie même de Dieu qui descend dans les âmes. C’est l’invitation à imiter Jésus-Christ, à vivre de sa vie, à porter la croix. Quand saint Louis change sa couronne de roi par la couronne d’épines, quand le monarque, heureux époux de Marguerite de Provence, à laquelle il donne treize enfants, décide de partir à la croisade, répondant à un appel secret qui a retenti dans son âme, alors on se trouve devant un ordre qui nous dépasse, on entre dans une joie austère qui est tissée de souffrance, la joie de ceux qui prennent au sérieux la voie royale de la croix.

Il faut accepter de tourner le dos à l’égoïsme et à la cupidité du monde, au prestige de l’argent, au feu des passions. Il faut renoncer aux étourdissements et aux plaisirs du monde, à son faux optimisme, à son avidité pour les jouissances terrestres. Les familles doivent aimer la pauvreté alors que le monde dit : enrichissez-vous. Elles doivent aimer le sacrifice alors que le monde ne pense qu’à la jouissance. Elles doivent aimer l’effort alors que le monde cherche la facilité. Elles doivent chercher le recueillement de la prière alors que le monde leur propose l’évasion. Bref, être dans le monde sans être du monde. Vous me direz : mais comment faire ? Est-ce possible dans ce monde en folie, livré à tous les poisons, à tous les mensonges qui frappent nos yeux et nos oreilles ? Est-il possible d’imiter les saints ? Je répondrai par une adresse aux communautés chrétiennes que j’emprunte à un saint religieux, le Père Roger-Thomas Calmel, et ce sera notre conclusion :
« Sous l’égide de la Vierge qui écrase le dragon, les chrétiens qui prient véritablement et qui s’aiment dans le Christ se donneront la main, comme des frères, par-dessus les flots déchaînés d’un monde qui a renié Dieu et qui est en train de détruire l’homme. Unis par la prière et l’amitié, aussi contrecarrés soient-ils par la pression générale, ils arriveront à maintenir ou à reconstituer une sorte de milieu temporel vraiment civilisé, suffisant pour permettre aux âmes de bonne volonté de ne pas aller à la dérive et se perdre sans retour, mais de rester fermes et vivantes, de poursuivre leur chant intérieur, de célébrer sans cesse l’amour et la beauté de Dieu à travers les épreuves de l’exil».

Source : Dom Gérard CALVET, Conférence du 8 décembre 1994.

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