Mères du Christ: l’imitation de la Mère de Dieu.
Conçoit Jésus sans l’enfanter celui qui accueille la Parole sans la mettre en pratique. Enfante le Christ sans l’avoir conçu celui qui a les œuvres mais qui n’a pas la foi. Nous sommes les mères du Christ quand nous le portons dans notre cœur et notre corps par l’amour, par la loyauté et la pureté de notre conscience et que nous l’enfantons par nos bonnes actions qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple.
Source : Cardinal Raniero Cantalamessa.
Mère de Dieu. En parlant de Marie, l’Ecriture met constamment en relief deux éléments ou moments fondamentaux, qui correspondent d’ailleurs à ceux que l’expérience humaine commune considère aussi comme essentiels pour une vraie et pleine maternité. Ce sont la conception et l’enfantement. « Voici – dit l’ange à Marie – que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils » (Le 1, 31). En ce sens nous pouvons dire que c’est à Noël, lorsqu’elle donne le jour à Jésus, que Marie devient, au sens plein, Mère de Dieu.
De ces deux moments, le titre en usage dans l’Eglise latine « Mère de Dieu » (Dei Genitrix) met davantage en relief le premier, celui relatif à la conception. Le titre Theotôkos, en usage dans l’Eglise grecque, met davantage en relief le second, l’enfantement (tikto signifie, en grec, j’enfante). Le premier moment, l’engendrement, relève à la fois du père et de la mère ; le second, l’enfantement, n’appartient qu’à la mère.
Mère de Dieu : titre qui exprime un des mystères et, pour la raison, un des paradoxes les plus profonds du christianisme. Mère de Dieu est le plus ancien et le plus important titre dogmatique donné à la Vierge Marie. Il a été défini par l’Eglise au Concile d’Ephèse en 431, comme vérité de foi à croire par tous les chrétiens. Il est le fondement de toute la grandeur de Marie. Mais la maternité de Marie apparaît aussi comme une maternité dans la foi, une maternité spirituelle: «Certainement sainte Marie fit la volonté du Père et c’est pourquoi il est plus grand pour Marie d’avoir été disciple du Christ, que d’avoir été mère du Christ». La maternité physique de Marie est désormais couronnées par la reconnaissance d’une maternité spirituelle, ou maternité de foi, qui fait de Marie la première et la plus sainte fille de Dieu, la première et la plus docile disciple du Christ.
En raison du rapport exceptionnel et unique qu’elle crée entre Marie et Jésus, la maternité physique, réelle, de la Vierge est le plus grand, le plus inégalable des privilèges. Saint Ignace d’Antioche reconnaît en toute simplicité que Jésus est «de Dieu et de Marie ». Dante Alighieri a résumé le double paradoxe de Marie, qui est à la fois « vierge et mère » et « mère et fille », en un seul vers: « Vierge Mère, fille de ton Fils ! ».
Dans ce temps de l’Avent, dans ce cheminement sur les pas de Marie, nous contemplons chacun des pas qu’elle a accomplis pour ensuite les imiter dans notre vie. Mais, comment imiter cette réalité de la Vierge Marie: être mère de Dieu ? C’est non seulement possible, mais certains, comme Origène, saint Augustin, saint Bernard, en sont arrivés à dire que sans cette imitation le titre de Marie leur restait sans utilité : « A quoi me sert-il, disait Origène, que le Christ soit né une fois de Marie à Bethléem, s’il ne naît pas aussi par la foi dans mon âme? ». Nous devons nous rappeler que la maternité divine de Marie se réalise sur les deux plans physique et spirituel. Marie est Mère de Dieu non seulement parce qu’elle l’a porté physiquement dans son sein, mais aussi parce qu’elle l’a d’abord conçu dans son cœur par la foi. Bien évidemment, il ne nous est pas possible d’imiter Marie dans le premier sens en engendrant à nouveau le Christ, mais nous pouvons l’imiter dans le deuxième sens, qui est celui de la foi. Dans la tradition, l’application personnelle à chaque âme est encore plus claire: « Toute âme qui croit – écrit saint Ambroise – conçoit et engendre le Verbe de Dieu… Si selon la chair une seule est la Mère du Christ, selon la foi toutes les âmes engendrent le Christ quand elles accueillent la parole de Dieu ». En Orient un autre Père lui fait écho : « Le Christ naît toujours mystiquement dans l’âme, en prenant chair de ceux qui sont sauvés et en faisant de l’âme qui l’engendre une mère vierge ».
Essayons de voir comment nous pouvons devenir, dans le concret, mère de Jésus. Comment Jésus nous enseigne-t-il à devenir sa mère? A travers une double opération : en écoutant la Parole et en la mettant en pratique.
Pour comprendre, rappelons-nous comment Marie devint mère : en concevant Jésus et en l’enfantant. Il existe deux maternités incomplètes ou deux sortes d’interruptions de maternité. L’une est celle, ancienne et connue, de l’avortement. Elle se produit lorsqu’on conçoit une vie mais sans enfanter, parce que, entre-temps, pour des causes naturelles ou à cause du péché des hommes, l’enfant est mort. Jusqu’à une époque récente, c’était l’unique cas connu de maternité incomplète. Aujourd’hui on en connaît une autre à l’inverse qui consiste à enfanter un enfant sans l’avoir conçu. C’est le cas d’enfants conçus en éprouvette et introduits ensuite dans le sein d’une femme, ou encore le cas infiniment triste et misérable d’un utérus donné en prêt pour héberger, avec paiement s’il le faut, une vie humaine conçue ailleurs. Dans ce cas, ce que la femme enfante ne vient pas d’elle et n’est pas conçu « d’abord dans son cœur avant que dans son corps ».
Malheureusement ces deux tristes possibilités se retrouvent aussi sur le plan spirituel. Conçoit Jésus sans l’enfanter celui qui accueille la Parole sans la mettre en pratique, celui qui continue d’ajouter avortement sur avortement, en formant des projets de conversion ensuite systématiquement oubliés et abandonnés à mi-chemin ; celui encore qui se comporte envers la Parole comme un observateur pressé : il regarde son visage dans un miroir et puis s’en va en oubliant aussitôt de quoi il avait l’air (cf. Je 1, 23-24). En somme, celui qui a la foi, mais qui n’a pas les œuvres.
Par contre, enfante le Christ sans l’avoir conçu celui qui réalise beaucoup d’œuvres, même bonnes, mais qui ne viennent pas du cœur, de l’amour pour Dieu et d’une intention droite, mais plutôt de l’habitude, de l’hypocrisie, de la recherche de sa propre gloire ou de son intérêt, ou simplement de la satisfaction que procurent l’action. En somme, celui qui a les œuvres mais qui n’a pas la foi.
Nous avons considéré le cas négatif de la maternité incomplète par manque de foi ou par manque des œuvres. Voyons à présent le cas positif d’une maternité vraie et complète qui nous fait ressembler à Marie. Saint François d’Assise a une phrase qui résume bien ce que je veux mettre en lumière : «Nous sommes les mères du Christ, dit-il, quand nous le portons dans notre cœur et notre corps par l’amour, par la loyauté et la pureté de notre conscience, et que nous l’enfantons par nos bonnes actions qui doivent être pour autrui une lumière et un exemple… Oh ! que c’est chose sainte et chère, plaisante et humble, apaisante et douce, aimable et désirable plus que tout d’avoir un tel frère et un tel fils : notre Seigneur Jésus Christ!».
Il est nécessaire d’insister sur un point : ce propos de vie nouvelle doit se traduire, sans retard et par un geste concret, par un changement, autant que possible extérieur et visible, dans notre vie et dans nos habitudes. Si la résolution ne passe pas à l’acte, Jésus est conçu mais il n’est pas enfanté, et nous reconnaissons un de ces nombreux avortements spirituels. Jamais on ne célébrera « la seconde fête » de l’Enfant Jésus qui est la naissance, Noël! Ce sera un de ces multiples renvois à plus tard dont notre vie est peut-être marquée. Voilà une des raisons principales pour laquelle si peu atteignent la sainteté.
Chacune des créatures façonnées par vos mains vous offre quelque chose à vous remercier: les anges vous offrent leur chant, le ciel l’étoile, les mages leurs cadeaux, les bergers leur merveille, la terre une grotte, le désert une mangeoire. Que pouvons-nous vous offrir en cadeau, ô Christ notre Dieu, pour être apparu sur terre en prenant notre propre humanité?