Aller au contenu

Année 2020-Homélie pour le 27ème dimanche du temps ordinaire (JGA).

Les vignerons homicides.
Nous sommes invités à nous demander : quel sort ai-je réservé, moi, au Christ dans ma vie? Comment est-ce que je réponds à l’amour incompréhensible de Dieu pour moi ? Ne l’ai-je pas par hasard moi aussi jeté hors des murs de ma maison, de ma vie… c’est-à-dire oublié, ignoré ?
Sources :
P. Cantalamessa, Le royaume de Dieu vous sera enlevé , 2008.
Mgr. Schneider, Croisade Eucharistique, 2020.

Accueil


Saint François d’Assise, Lettre aux clercs.


Replaçons la parabole des « vignerons homicides » dans son contexte historique : dans le Temple de Jérusalem, alors qu’il ne lui reste que quelques jours à vivre, Jésus s’adresse directement à ceux qui veulent le tuer. Il ne craint pas le conflit, ne cherche pas à l’éviter : bien au contraire, il en parle ouvertement, comme pour regarder en face la violence qui rôde autour de lui, et la dénoncer aux assistants. Il montre ainsi à ses disciples qu’il va volontairement au-devant de sa Passion. Il voudrait cependant une dernière fois la désarmer, cette violence qui va se déchaîner comme une bête féroce : il la force à venir en plein jour et la décrit sans détour. « Ils se saisirent du fils, le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. » François Mauriac a bien saisi la force de cette parole pour l’auditoire de Jésus :

« Une prophétie à si brève échéance aurait dû toucher leurs cœurs : c’est le Fils bien-aimé qui, en ce moment même, s’adresse aux vignerons homicides ; la croix existe déjà quelque part, dans quelque magasin où les gibets sont en réserve. Judas fixe le chiffre de trente deniers ; Pilate lit un rapport sur le tumulte que cause parmi le peuple un guérisseur nazaréen. Et cependant cet aventurier fourbu, sur qui la Synagogue a l’œil, et qui n’ira plus loin maintenant, interpelle les renards spécialisés dans les Ecritures et leur met de force le museau dans le texte : “Jetant les regards sur eux, Jésus dit : Qu’est-ce donc que cette parole de l’Ecriture : la pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient est devenue le sommet de l’angle ? Quiconque tombera sur cette pierre sera brisé ; et celui sur qui elle tombera sera écrasé  » ».

Mais comme toutes les paraboles de Jésus, cette parabole est une « histoire ouverte ». Dans la relation entre Dieu et Israël est tracée l’histoire de la relation entre Dieu et l’humanité tout entière.

Cette parabole de Jésus est terriblement actuelle si on l’applique à notre Europe et au monde chrétien en général. Dans ce cas aussi il faut dire que Jésus a été « jeté hors de la vigne », expulsé par une culture qui se proclame post-chrétienne, ou même anti-chrétienne. Les paroles des vignerons résonnent, peut-être pas à travers des paroles mais à travers les faits, dans notre société sécularisée : « Voici l’héritier : allons-y ! tuons-le, nous aurons l’héritage ».  On ne veut plus entendre parler de racines chrétiennes de l’Europe, de patrimoine chrétien. L’homme sécularisé veut être lui-même l’héritier, le patron. Sartre met ces terribles déclarations dans la bouche d’un de ses personnages : « Il n’y a plus rien eu au ciel, ni Bien, ni Mal, ni personne pour me donner des ordres…Je suis un homme et chaque homme doit inventer son chemin ».

L’exemple que je viens de donner est un peu une application « à grande échelle » de la parabole. Mais les paraboles du Christ ont presque tout le temps aussi une application à une échelle plus réduite ou au niveau individuel : elles s’appliquent à toute personne individuelle et pas seulement à l’humanité ou à la chrétienté en général. Nous sommes invités à nous demander : quel sort ai-je réservé, moi, au Christ dans ma vie? Comment est-ce que je réponds à l’amour incompréhensible de Dieu pour moi ? Ne l’ai-je pas par hasard moi aussi jeté hors des murs de ma maison, de ma vie… c’est-à-dire oublié, ignoré ?

Je me souviens qu’un jour j’écoutais, assez distraitement, cette parabole au cours d’une messe. Au moment où le patron de la vigne se dit : « Ils respecteront mon fils », je sursautais. Je compris que ces paroles s’adressaient directement à moi, à ce moment-là. Le Père céleste était sur le point de m’envoyer son Fils dans le sacrement de son corps et de son sang ; avais-je conscience de la grandeur de ce moment ? Etais-je prêt à l’accueillir avec respect, comme le Père s’y attendait ? Ces paroles m’arrachèrent brusquement à mes pensées…

Ce mystère de la vigne, nous en célébrons le sommet à la Messe. L’Eucharistie est comme une nouvelle floraison de cette vigne. L’un des plus grands apôtres de l’Eucharistie des temps modernes, saint Pierre Julien Eymard, nous a laissé ces profondes réflexions sur les affections de l’amour sacrificiel du Christ dans l’Eucharistie : « En instituant son Sacrement, Jésus a perpétué les sacrifices de sa Passion… Il connaissait tous les nouveaux Judas ; Il les comptait parmi les siens, parmi ses enfants bien-aimés. Mais rien de tout cela ne pouvait l’arrêter ; Il voulait que Son amour aille plus loin que l’ingratitude et la malice de l’homme ; Il voulait dépasser la malice sacrilège de l’homme. Il connaissait d’avance la tiédeur de Ses disciples : Il connaissait la mienne ; Il savait le peu de fruits que nous tirerions de la sainte communion. Mais Il voulait aimer tout de même, aimer plus qu’Il n’était aimé, plus que l’homme ne pouvait rendre… »

Saint François d’Assise écrivait dans une lettre adressée aux prêtres : « Et toutes ces profanations ne nous émeuvent pas de pitié, alors que le Seigneur pousse la bonté jusqu’à s’abandonner à nos mains, alors que chaque jour nous le tenons, et que nos lèvres le reçoivent ? Aurions-nous oublié que nous devons un jour tomber entre ses mains ?

Terminons avec une invitation de Saint Pierre Julien Eymard : « Non ! Jamais, même aux jours de sa Passion, Jésus n’a reçu autant d’humiliations que dans son Sacrement! Pour Lui, la terre est un calvaire d’ignominie. Dans son agonie, il a cherché un consolateur ; sur la Croix, il a demandé quelqu’un pour compatir à ses afflictions. Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons faire amende honorable au Cœur adorable de Jésus. Répandons en abondance nos adorations et notre amour sur l’Eucharistie. Au Cœur de Jésus vivant dans le Très Saint Sacrement, l’honneur, la louange, l’adoration et la puissance royale pour les siècles des siècles ! » (d’après La présence réelle, 43. Le Sacré-Cœur de Jésus, III).

Faire défiler vers le haut