J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; il faut que je les amène aussi, afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur.
Source: saint Augustin-Sermon 77 sur l’Ecriture.
Cette femme Cananéenne dont l’Evangile vient de nous faire l’éloge, est pour nous un exemple d’humilité et un modèle de piété.
Elle était, comme on le voit, non pas du peuple d’Israël, dont faisaient partie les patriarches, les prophètes, les ancêtres de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont faisait partie la Vierge Marie elle-même, la mère du Christ. Cette femme n’appartenait donc pas à ce peuple choisi mais aux Gentils appelés aussi païens. En effet, comme nous venons de l’entendre, le Seigneur s’étant retiré du côté de Tyr et de Sidon, une femme sortit de ces territoires et lui demandait avec les plus vives suppliques une grâce : la guérison de sa fille cruellement tourmentée par le démon. Cette femme criait donc avec un ardent désir d’obtenir la grâce qu’elle demandait.
«Le Seigneur faisait semblant de ne pas l’entendre, mais ce n’était point pour lui refuser sa miséricorde, c’était –dit saint Augustin– pour enflammer encore son désir et non seulement pour enflammer son désir, mais encore, pour mettre en relief son humilité, sa grande humilité» . Elle criait donc comme si le Seigneur ne l’eût pas entendue ; mais le Seigneur préparait en silence ce qu’il allait faire.
Les disciples mêmes s’approchent de lui et l’invitent à faire quelque chose en faveur de cette femme. Ils disent : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! ». Les disciples, encore imparfaits, n’interviennent pas par compassion pour une mère mais en raison du dérangement causé par ses cris. Comme s’ils voulaient tout juste se débarrasser d’elle.
Mais Jésus répond : « Je ne suis envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël ».
Ici, à propos de ces paroles, se pose une question : Si le Christ n’a été envoyé que vers les brebis perdues de la maison d’Israël, comment sommes-nous entrés de la gentilité (du monde païen) dans sa bergerie ? Jésus venait afin d’offrir le salut à tous les hommes et il dit n’être envoyé que pour les brebis perdues de la maison d’Israël ! Ceci nous fait comprendre qu’il devait montrer à ce peuple sa présence corporelle, sa naissance, ses miracles et la puissance qu’il fit éclater à sa résurrection ; ainsi le voulaient les dispositions antérieures, le plan éternel, les anciennes prophéties.
Le Christ donc se montra visiblement aux Juifs, et en disant : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » il faisait entendre qu’il leur devait sa présence corporelle, mais sans mépriser toutefois et sans abandonner les brebis qu’il possédait parmi les Gentils. En effet lui-même avait aussi affirmé : « J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; il faut que je les amène aussi, afin qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et qu’un seul pasteur ».
De ce nombre était cette femme Cananéenne ; aussi Jésus ne la dédaignait pas, mais il différait la satisfaction de son désir. Et elle insistait par ses cris, elle continuait et elle frappait, suivant les paroles mêmes de Jésus : «demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et il vous sera ouvert». Elle insista donc et elle frappa.
Et comme elle insistait, le Seigneur lui répondit : « Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens ». Jésus met à l’épreuve encore une fois la foi et l’humilité de cette femme, de cette mère angoissée par le tourment de sa fille.
« Si elle s’était éloignée après ces paroles, –commente saint Augustin– elle se serait retirée chienne comme elle était venue ; mais en frappant elle cessa d’être un chien pour devenir un homme. Car elle redoubla ses demandes et l’humiliation même qu’elle endura fit éclater son humilité et lui obtint miséricorde. Elle ne se fâcha point d’avoir été traitée de chienne quand elle demandait une grâce, quand elle implorait la miséricorde. Au contraire, « c’est vrai, Seigneur », répondit-elle ; vous m’avez traitée de chienne ; je le suis réellement, je reconnais mon indignité, car c’est Jésus, la Vérité-même, qui parle ; mais je ne dois pas pour cela être exclue de vos faveurs. Oui, je suis une chienne, « mais les chiens eux-mêmes mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maitres ». Je ne désire qu’une faveur bien petite et bien mince, je ne me jette pas sur la table, je cherche seulement des miettes ».
Quelle humilité ! Qui mérite tout de suite la louange du Seigneur en plus de la grâce demandée. « Femme, grande est ta foi, –lui dit Jésus– que tout se passe pour toi comme tu le veux ! ». Et, à l’heure même, sa fille fut guérie.
C’est encore cette même humilité qui fit le mérite du Centurion qui demandait la guérison de son serviteur. Et quand le Seigneur lui a dit : «J’irai et je le guérirai », il répliqua : « Seigneur, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma demeure, mais dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri ». Je ne suis pas digne de vous recevoir dans ma demeure, mais déjà il l’avait reçu dans son cœur par la foi. Plus il était humble, plus aussi il en avait la capacité et plus il en était rempli. «L’eau tombe des collines et remplit les vallées » dit encore saint Augustin.
« En vérité je vous le déclare, –termine Jésus– je n’ai pas trouvé tant de foi dans Israël ». « Tant de foi », c’est-à-dire une foi si grande. Et qui la rendait si grande ? La petitesse, c’est-à-dire l’humilité.
Demandons pour nous la grâce de l’humilité. Que nous sachions nous reconnaitre esclaves du Seigneur, comme la Vierge Marie, afin qu’Il puisse nous remplir de ses grâces.
Ainsi soit-il.