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Année 2020-Homélie pour le 1er dimanche de Carême (EA).

Le jeûne et les tentations de Jésus.
Jésus nous apprend que notre règle de vie ne doit pas être le bien-être ou le plaisir, mais la volonté de Dieu, sa Parole de vie et que seulement ainsi nous pourrons vaincre le démon et suivre le Christ.

 

 

 


Aujourd’hui nous célébrons le premier dimanche du Carême.
Le Carême, un temps de combat spirituel et un temps pour accompagner Jésus pendant son séjour au désert, dans la prière, la solitude et la pénitence.
Ce temps est une icône de toute notre vie sur terre: un combat continuel contre l`ennemi de notre salut éternel; un pèlerinage, le passage par le désert de ce monde pour arriver à la Terre Promise. Il ne nous faut pas chercher  ici-bas notre demeure finale.
But donc du Carême: Imiter Jésus, conformer notre vie à la Volonté de Dieu et nous détacher de notre égoïsme.

En ce dimanche, une grande confrontation nous illumine : d’une part le récit de la chute de nos premiers parents (Gn 2-3,) en première lecture ; d’autre part la victoire de Jésus sur la tentation au désert (Mt 4).
Ce nouvel Adam, nous le contemplons dans l’Evangile de Matthieu (Mt 4) face au tentateur. Nous le voyons opérer le chemin inverse du premier Adam en acceptant d’être parfaitement obéissant au Père, de s’en remettre en toute chose à lui, d’être pleinement fils. Il a voulu partager notre condition humaine jusqu’à la souffrance, la tentation et la mort. C’est pourquoi, avant sa vie publique, l’Esprit le mène au désert pour vaincre le démon.
Notons simplement que Jésus, dans son combat, s’appuie systématiquement sur la Parole de Dieu : l’expression « il est écrit » revient trois fois comme réponse définitive et victorieuse. A celui qui cherche à le faire douter de la bonté de Dieu – « si tu es le fils de Dieu » – il répond par l’acte filial par excellence : la soumission à la parole du Père. Le démon aussi cite l’Ecriture, mais pour la déformer, ce qui est une tentation très subtile. La leçon que nous offre Jésus pour vaincre les tentations est claire : il faut s’appuyer sur la volonté du Père et non sur ses propres forces humaines. Il nous montre comment l’obéissance filiale triomphe de toute forme de mal. Son exemple nous accompagne pour notre chemin de Carême.

De cette manière, nous rentrons dans la contemplation de ce passage de la vie de Notre Seigneur, pour mieux le comprendre, pour en tirer des fruits pour notre vie.
Nous allons faire quelques considérations en général et essayer, aujourd’hui, d’expliquer en particulier le sens profond de la première des tentations .

Première considération. Quel est le sens de ces tentations du démon? S’agit-il juste d’une tentation comme les autres que subissent tous les hommes ou il y a-t-il quelque chose de plus, de spécial?
Il est évident que le démon se rendrait compte que Jésus n’était pas un homme quelconque. Même s’il ne connaissait pas le mystère de l’Incarnation, il voyait en Jésus des choses pas ordinaires. Sa vie dans le désert en était une très manifeste. Il avait, donc, de vrais motifs pour croire que Jésus était le Messie, il voulait confirmer cette crainte, et surtout, essayer de l’empêcher d’accomplir sa mission rédemptrice, le faire dévier de la Volonté de Dieu. Ceci est le sens profond et premier de ces tentations et c’est la clef pour les comprendre.

Deuxièmement il n’est pas inutile de considérer le lieu, le désert. L’évangéliste dit : Jésus fut conduit au désert par l’Esprit.
C’est l’Esprit de Dieu, lui-même, qui conduit Jésus au désert. Sans aucun doute l’Esprit Saint voulait que Jésus nous apprenne comment il fallait se préparer pour les grandes œuvres de Dieu : la retraite avec Dieu dans la solitude. De la même manière saint Jean Baptiste s’était préparé pour sa mission. Et tous les saints ont bien appris cette leçon, et c’est pour cela que tous se sont préparé pour leur mission providentielle par la solitude, le désert, le silence. Pensons par exemple aux saint Antoine, saint Benoît, saint Bruno, saint François, saint Ignace… c’est presque une règle, le désert et la solitude pour être prêt au ministère public, à accomplir la Volonté de Dieu en toute fidélité.

Cependant, dans le cas de Notre Seigneur, il y a quelque chose de plus. Le texte de saint Matthieu nous le dit: Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Dieu voulait offrir cette occasion au diable de le tenter et le rencontrer personnellement, pour manifester au début du ministère de Jésus, quelle était sa finalité ultime ; comme le dit saint Jean dans sa première lettre : pour détruire les œuvres du diable (1 Jn 3, 8). Ainsi Jésus a pu lutter contre lui et le vaincre, et devenir pour nous un exemple et un secours (Hebr. 2, 18).
Cet épisode au désert est le meilleur prologue à la mission messianique de Jésus : délivrer l’homme du pouvoir du péché et du démon.

Après ces considérations générales, arrêtons-nous plus en détail sur la première des tentations.

Saint Matthieu nous dit: Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains ».
Habituellement on dit que la première tentation est une tentation de gourmandise. Ainsi Saint Grégoire le Grand : «Mais, de la même manière dont il [Satan] avait terrassé le premier homme, de la même manière, face au second Adam, il eut le dessous. Il le tente par la gourmandise, lorsqu’il lui dit : Dis que ces pierres deviennent des pains » .
Même si cela est vrai, il nous faut des précisions. On peut pécher par gourmandise de différentes manières, comme nous l’enseigne saint Thomas : Praepropere, laute, nimis, ardenter, studiose. C’est à dire, qu’un excès de raffinement, d’avidité, de quantité, de luxe exquis ou de hâte impatiente pour manger peuvent nous amener à pécher gravement.
En quoi consistait la faute de gourmandise dans la tentation du diable à Jésus ? Il s’agissait de manger avant le temps fixé par la volonté de Dieu et d’utiliser pour cela un miracle non nécessaire.
Mais c’est encore plus grave et pervers que ce que l’on pense. Cette tentation de gourmandise cache derrière elle la terrible intention, très diabolique, d’être infidèle à Dieu, de perdre de vue le sens salvifique de la souffrance et de vouloir abuser des dons et pouvoirs que Dieu nous a donné en les utilisant, non pas selon sa volonté et pour son service, mais juste pour nous faire plaisir.
Remarquons bien  deux éléments.
Le premier est que le diable veut que Jésus s’arrête dans sa très sévère pénitence, voulue par la volonté Dieu (l’Esprit Saint l’avait poussé au désert), pour le seul motif d’avoir faim. C’est la tentation, très fréquente, de se passer de la volonté de Dieu pour des critères trop humains ou sensuels. Si cela me dérange ou me fatigue ou m’incommode, je change, je ne le fais plus. C’est croire que la pénitence et l’austérité ne sont pas un exercice saint et bon, mais seulement quelque chose d’embêtant et d’odieux.
Le deuxième: utiliser un miracle pour se procurer d’une manière plus facile et confortable ce soulagement ou plaisir sensible. C’est la tentation à laquelle succombent tous ceux qui n’ont pas de respect et de révérence pour le pouvoir de Dieu de faire miracles et ils demandent des miracles pour tout et n’importe quoi, pour les choses les plus banales de la vie (comme de gagner au loto par exemple), en ne recherchant que leur propre confort et un bénéfice matériel.
En définitive, cette tentation est une tendance très répandue parmi nous aujourd’hui d’avoir le bien-être, le plaisir sensible, la vie confortable, comme règle suprême de nos actes, de toute notre vie… en subordonnant tout le reste à cela, parfois sous prétexte de besoin ou d’apparence de bien. Il est clair que tous ceux qui suivraient ces insinuations du diable seraient aux antipodes de cette Parole de Jésus dans l’Evangile :« cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela (la nourriture, les vêtements) vous sera donné par surcroît »(Mat 6, 33).
Oui, c’est une tentation de gourmandise, mais qui cache des conséquences insoupçonnées pour notre vie de foi et d’union avec Dieu. Le démon se déguise en ange de lumière pour faire descendre les âmes saintes, pour qu’elles se relâchent peu à peu dans leur travail pour la vertu et la perfection. L’amour de Dieu se fait moins pur, car on cherche plus la consolation dans la relation de Dieu, que Dieu lui-même. On devient le centre de notre vie, et Dieu n’est plus là que pour me servir moi et mes intérêts.
Comme vous pouvez l’ imaginer, si Jésus avait consenti à cette tentation (qui ne semblait pas très grave au début), toute la mission et l’œuvre rédemptrice du Messie serait tombée  par terre. Il serait devenu le Messie riche et puissant, matériellement parlant, qu’ attendaient les juifs pervertis, qui n’aimaient que les richesses et les plaisirs charnels. Plus de rédemption, plus de véritable amour à Dieu, plus de récompense éternelle après cette vie terrestre.

La réponse du Christ. Maintenant il nous faut voir la réponse du Christ. Il l’a faite pour vaincre le démon à cette occasion, mais surtout pour nous enseigner.
Jésus répondit : «Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu».
La réponse de Jésus nous éclaire sur la façon d’agir dans notre vie. D’abord, comme nous l’avons déjà dit au début de cette homélie, Jésus vainc le démon par la force de la Parole de Dieu. Il fait une citation du livre du Deutéronome, où Moïse rappelle au peuple juif cette double vérité : Dieu peut nous rassasier par son pouvoir infini, sa Parole Toute-puissante (il nous faut la confiance totale… il y eu la manne, les cailles, l’eau du rocher… le peuple n’a manqué de rien au désert) ; mais aussi, Moïse, et Jésus à son tour, nous rappellent que nous n’avons pas que la vie du corps, il y a en nous une vie supérieure, celle de l’esprit, et c’est pour cela que l’homme ne vit pas seulement du pain matériel mais de la parole divine, qui est la nourriture de la vie supérieure.
La réponse de Jésus humilia totalement le démon en découvrant son piège et ses mauvaises intentions. Jésus lui montra que s’il voulait manger il n’avait pas besoin de faire un miracle, le bon Dieu nous avait déjà laissé pas mal de choses très bonnes que l’on pouvait manger, même au désert. Mais surtout, il lui fait voir que ce qui est le plus important dans notre vie, auquel il faut tout subordonner, c’est l’obéissance et la fidélité à la Parole de Dieu, à sa Volonté, même si pour cela il nous faut souffrir les plus grands supplices, voire le martyre.
Jésus nous apprend que notre règle de vie ne doit pas être le bien-être ou le plaisir, mais la volonté de Dieu, sa Parole de vie et que seulement ainsi nous pourrons vaincre le démon et suivre le Christ.

Nous pouvons longuement méditer ces tentations de Jésus afin d’être intérieurement renforcés, pour conduire la lutte du Carême de manière généreuse et efficace, pour vaincre le péché et vivre toujours dans l’amitié de Dieu, en accomplissant sa volonté d’amour pour nous.
Il faut se rappeler que nous n’avons pas seulement l’exemple de Jésus, mais aussi sa grâce.
Elle nous donne la force pour résister aux tentations et vaincre le péché.

Que Marie nous accompagne pendant ce temps fort du Carême et nous accorde la victoire finale pour régner avec elle et son Fils, pour les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.

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