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Année 2020-Homélie pour la solennité de tous les saints (JGA).

 

C’est dans la Communion des saints qu’il faut chercher l’âme de la chrétienté, par quoi elle continue de respirer l’air du ciel, malgré sa marche pesante et le poids de la glèbe de plus en plus lourde qui s’attache à ses pas.

Sources:
Dom Gérard, Demain la Chrétienté, ed. Sainte Madeleine, Barroux 2005.
Père Emmanuel André, Méditations, ed. Sainte Madeleine, Barroux 2004.


L’Eglise de la terre élève aujourd’hui ses regards et ses pensées vers l’Eglise du ciel. Les fidèles de la terre veulent s’édifier, se consoler, se fortifier par la vue, la société, la charité des saints du ciel. Les saints, le ciel; le Dieu du ciel, le Dieu des saints; que tout cela est grand, que tout cela est consolant, fortifiant!

Il est temps de nous tourner vers vous, ô grands saints de l’Eglise de jadis, saints évêques, saints moines, vierges courageuses au dévouement infatigable, en qui Dieu versa comme en secret quelque chose de sa tendresse pour le petit peuple rassemblé sous vos ailes. Vous voilà désormais dans votre éternité, vous êtes vivants dans la gloire du Paradis vous restez penchés sur nous, protecteurs invisibles avec lesquels les villes, les nations, les métiers ont noué de secrètes attaches nous ne formons avec vous qu’une seule et même famille. Ô douceur d’une religion fondée sur les communications avec le ciel !

La sainteté garde sur l’homme son pouvoir de fascination : « Il n’y a qu’une tristesse, disait Léon Bloy, c’est de ne pas être des saints. »
Et Bernanos, dans « Jeanne relapse et sainte » : « Pour être un saint, quel évêque ne donnerait son anneau, sa mitre et sa crosse, quel cardinal sa pourpre, quel pontife sa robe blanche, ses suisses et tout son temporel ? La sainteté est une aventure, elle est même la seule aventure. Qui l’a compris est entré au cœur de la foi catholique, a senti tressaillir dans sa chair mortelle une autre terreur que celle de la mort, une espérance surhumaine… Dieu n’a pas fait l’Eglise pour la prospérité des saints mais pour qu’elle transmît leur mémoire, pour que ne fût pas perdu, avec le divin miracle, un torrent d’honneur et de poésie. »

Les saints aiment Dieu et ils nous aiment. Dieu qu’ils aiment leur commande de nous aimer. Doux commandement, sainte obéissance ! Nous sommes en communion avec les saints. Quelle vérité qui nous remplisse de consolation ! Rappelons nous de ce que les Apôtres ont expérimenté lors de l’Ascension de Jésus : « Puis il les emmena jusque vers Béthanie et élevant les mains il les bénit ; or comme il les bénissait il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Pour eux, après l’avoir adoré, ils retournèrent à Jérusalem avec une grande joie et ils étaient constamment dans le temple à louer Dieu. » La grâce sanctifiante reçue au baptême entraîne une conséquence dont la portée réelle nous échappera toujours : l’âme baigne dans la lumière divine ; devenu membre du Christ, le baptisé fait désormais partie de la famille de Dieu, il entre dans la Communion des saints.

Il y a là un dogme immense qui depuis les premiers âges du christianisme enchante les cœurs catholiques. Par la Communion des saints, les chrétiens ne sont pas seulement protégés du haut du ciel par les bienheureux, ils ne profitent pas seulement de leurs exemples et de leurs enseignements, ils sont littéralement pénétrés et réjouis de l’intérieur par toute la gamme des sentiments les plus affectueux et les plus tendres qui firent jamais sur la terre battre le cœur de leurs amis du ciel.

De là ce caractère d’allégresse, tout nous parle de cette communion, avec le sentiment vainqueur d’une réelle proximité du Royaume qu’aucune tristesse, sauf celle du péché, n’est capable d’amoindrir. Après sa conversion Claudel s’écrie avec transport : «Tous les saints, tous les anges sont à nous. Nous pouvons nous servir de l’intelligence de saint Thomas, du bras de saint Michel, du cœur de Jeanne d’Arc et de Catherine de Sienne !».

Les saints plus encore que les poètes sont remplis et comme enivrés de cette communion : «Miens sont les cieux, mienne est la terre, mienne est la mère de Dieu» chante saint Jean de la Croix. Qu’y a-t-il de plus doux, je le demande, après la Présence réelle et la dévotion à Marie, que d’éprouver au milieu de nos durs combats le réconfort et la présence des saints ? Pensons aux croisés tant de fois secourus par saint Michel ; à Jeanne de Domrémy formée à sa mission par un archange et deux vierges martyres ; à Jeanne qui, dans sa prison, se plaint avec douceur : «mes frères du paradis ne m’ont pas encore visitée aujourd’hui». Au procès elle avoue avoir reçu la visite de saint Louis et de saint Charlemagne.

Cela forme une grande famille sans séparation et sans frontière où les anges circulent et prennent part à nos drames terrestres. «Souvent je les ai vus entre les chrétiens, disait Jeanne pendant son procès, il y avait là trois cents chevaliers et cinquante torches, sans compter la lumière spirituelle». Comme on lui demandait si elle voyait les anges corporellement, elle répondit : «Je les ai vus des yeux de mon corps aussi bien que je vous vois ; et quand ils me quittaient, je pleurais et j’aurais bien voulu qu’ils m’emportassent avec eux». Cette libre communication des anges et des saints au milieu de leurs frères de la terre apparaît, au regard de l’histoire, moins comme une croyance imposée par le magistère de l’Eglise que comme la consolation et l’âme sensible de la chrétienté. «Tout ce qui paraît vide, dit saint Hilaire de Poitiers, est empli des anges de Dieu et il n’est rien qui ne soit habité par la circulation de leur ministère». Quel élargissement de nos perspectives ! Il semble que l’Eglise triomphante se déverse sur les humains dans un débordement de joie et de tendresse. C’est dans la Communion des saints qu’il faut chercher l’âme de la chrétienté, par quoi elle continue de respirer l’air du ciel, malgré sa marche pesante et le poids de la glèbe de plus en plus lourde qui s’attache à ses pas.

Nous sommes aimés de Dieu, aimés des amis de Dieu. Aimons-les donc, et de tout cœur souhaitons de leur être réunis. Ils nous appellent, ils nous attendent. Appelons-les à notre secours : Tous les saints et saintes de Dieu, intercédez pour nous !

Ainsi soit-il.

 

 

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