Les 2 étendards.
Il nous faut bien connaître la manière de régner du Christ et militer sous son drapeau. La méditation des deux étendards de saint Ignace relève précisément de ce discernement : il s’agit d’éclairer nos intelligences pour discerner, dans les combats du monde, les influences et les manières d’agir de l’Esprit de Dieu et celles du démon, qui sait très bien se déguiser en ange de lumière.
En ce dimanche, le dernier de cette année liturgique, où nous célébrons le Christ Roi de l’Univers, l’Evangile nous fait lever les yeux vers la Croix sur laquelle le Christ agonise au Calvaire. Là, nous voyons le Bon Berger qui donne sa vie pour ses brebis. Placée au-dessus de sa tête, une inscription dit: « Celui-ci est le roi des Juifs » (Lc 23,38). Celui-ci, qui souffre atrocement et dont le visage est si défiguré, qui est totalement nu et qui ne peut même pas bouger les bras, peut-t-il vraiment être le Roi? Comment est-ce possible? Le bon larron, un des deux malfaiteurs suspendu à la croix à sa droite, l’a parfaitement compris. Il lui dit, d’une voix suppliante: « Jésus, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume » (Lc 23,42). La réponse de Jésus est réconfortante et assurée: « Amen, je te le déclare: aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » (Lc 23,43).
Jésus est Roi, il est le Roi de l’univers. C’est-à-dire que son Règne est total sur le ciel et la terre, les êtres visibles et invisibles. Saint Paul l’affirme dans sa lettre aux Colossiens : «Dieu nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui».
Mais Jésus nous a dit aussi que son Règne n’est pas de ce monde. Il n’y a pas de contradiction avec l’affirmation de saint Paul. Jésus veut vous dire que son Règne n’est pas à la manière des royaumes de ce monde, qui obtiennent l’obéissance des sujets par la force, la violence et la peur. Jésus est le Roi de l’Amour. Tout en ayant tous les droits de régner sur toute chose, car Il est Dieu, Créateur et Rédempteur, Il ne veut obliger personne, Il nous invite à entrer dans son Règne. Et nous ne pouvons y entrer que par le chemin que Lui-même a parcouru pendant sa vie sur la terre : pauvreté, souffrance et humilité. Le chemin de l’amour, du don de soi. Son Règne est un Règne de vérité et de vie, Règne de sainteté et de grâce, Règne de justice, d’amour et de paix. Un Règne qui est né du sang et de l’eau qui jaillirent de son côté transpercé pour notre amour.
Saint Ignace de Loyola, dans ses « Exercices spirituels », nous offre une belle méditation, une des plus importantes et typiques de sa méthode : les deux étendards. Il nous présente justement le Christ, Roi de l’univers, face à Satan et ses sujets, comme les deux seuls étendards qui existent dans le monde, sous lesquels tous les hommes de tous les temps choisissent de se ranger et de combattre. C’est une méditation sur le discernement, pour nous apprendre à découvrir le Règne du Christ et comment agir pour y prendre part, et également pour reconnaître les tromperies de Satan et son règne, afin de les fuir et de nous en délivrer.
Tout cela est nécessaire puisque le Règne de Dieu est surtout intérieur, et que le Christ est d’abord le Roi de nos cœurs. Un fait historique nous le montre très clairement : c’est pendant les époques de persécution de l’Eglise que le Christ a manifesté mieux que jamais son pouvoir et son Règne, et cela, contrairement aux rois de ce monde, par la mort corporelle de ses sujets, la disparition visible de ses disciples. De nombreux récits de leurs contemporains se terminent en disant :« ces martyrs ont été suppliciés sous le consulat de untel alors que régnait Jésus-Christ, notre Seigneur » . Le pouvoir romain était bien visible et s’exerçait dans la violence mais les chrétiens étaient convaincus que malgré cette résistance de l’Empire à l’Evangile, le règne du Christ ne cessait de progresser.
Comment pouvons-nous régner avec le Christ et travailler efficacement pour qu’Il règne sur tous les hommes?
Il nous faut bien connaître la manière de régner du Christ et militer sous son drapeau. La méditation des deux étendards de saint Ignace relève précisément de ce discernement : il s’agit d’éclairer nos intelligences pour discerner, dans les combats du monde, les influences et les manières d’agir de l’Esprit de Dieu et celles du démon, qui sait très bien se déguiser en ange de lumière. Dans la mêlée du siècle, il faut sans cesse repérer où se trouve l’étendard de Jésus-Christ pour le suivre et où se trouve celui de Satan pour le fuir. A quels signes vais-je donc reconnaître l’un et l’autre ?
En deux phases évidemment antithétiques, saint Ignace nous fait découvrir la manière d’agir de Satan, puis celle de Notre Seigneur Jésus-Christ, ou encore, si l’on préfère, les signes de la présence de Satan et de celle de Jésus. C’est à cette manière d’agir, à ces signes auxquels le « bon combat de la Foi » se doit d’être toujours attentif.
Les signes de Satan.
« Le chef de bande » : c’est ainsi que saint Ignace désigne Satan, et c’est bien vu, car un chef de bande s’impose par la force brutale et veut exercer une domination sans partage : quand il rencontre une opposition quelconque, il élimine son adversaire moralement, voire même physiquement!
L’enseignement de Satan excite les passions et l’amour de ce monde : c’est le « feu » que saint Ignace va détailler dans le programme de Satan: «exciter la passion des richesses et des vains honneurs du monde, qui débouchent sur un orgueil sans bornes conduisant à tous les autres vices», tous ces moyens que la Franc Maçonnerie sait fort bien utiliser, et qui sont bien à l’opposé de l’Evangile.
Saint Ignace nous révèle la méthode de Satan pour nous arracher au règne de Dieu et pour dominer nos cœurs. C’est clair et logique et il ne fait que puiser dans l’enseignement de Jésus et dans sa propre expérience de directeur d’âmes : «De sorte que le premier degré de la tentation ce sont les richesses, le second les honneurs, le troisième l’orgueil ; et à partir de ces trois degrés il emmène les hommes vers tous les autres vices». Alors, si notre cœur est attaché aux richesses et aux vains honneurs de ce monde, nous voyons bien sous quel étendard nous sommes.
Saint Ignace souligne enfin l’omniprésence de Satan : personne n’échappe à la surveillance des démons, car ils sont légions. Tous les hommes de tous les temps et de tous lieux sont tentés. Nous participons tous à ce combat, que nous le voulions ou pas. Pour le succès de notre combat, pour faire progresser le règne du Christ, il nous faut impérativement demeurer sous l’étendard de Jésus-Christ, c’est-à-dire adopter la manière d’agir de Jésus, conformer nos pensées, nos paroles et nos actes à l’exemple de Jésus.
L’exemple de Jésus.
Alors, en opposition à Satan, saint Ignace nous présente Jésus, comme roi de paix et de lumière. Il ne cherche pas à dominer par la violence ou à s’imposer, car sa Personne toute entière rayonne de bonté, de beauté et de vérité, «Il est doux et humble de cœur, plein de grâce et de vérité».
Il faut que notre intelligence médite profondément le programme que Jésus confie à ses apôtres et à nous tous. En lisant l’Evangile, en voyant la vie et la mort de Jésus et en 
écoutant sa prédication, tout particulièrement « le Sermon sur la montagne » ou « les Béatitudes » nous pouvons bien comprendre que la tactique de Notre Seigneur est bien autre que celle de Satan. Saint Ignace pour nous éclairer la résume ainsi :« Il nous recommande d’aider tous les hommes, en les attirant premièrement à une entière pauvreté spirituelle, et non moins à la pauvreté réelle, si la divine majesté l’a pour agréable et veut l’appeler à cet état ; secondement, au désir des humiliations et des mépris, parce que de ces deux choses naît l’humilité. De sorte qu’il y a, comme pour le programme de Satan, trois degrés : le premier, la pauvreté opposée aux richesses ; le second, les humiliations et le mépris opposés à l’amour du vain honneur du monde, et l’humilité à l’orgueil ; et de ces trois degrés nous porteront les hommes à toutes les autres vertus».
C’est cela le Règne de Jésus. C’est la Croix : pauvreté, humiliation et humilité parfaite, en se faisant le serviteur de tous pour sauver tous les hommes.
Que la Très Sainte Vierge Marie, Reine de l’univers lorsqu’elle était debout au pied de la Croix de son Fils, nous accorde la grâce d’être admis à combattre sous le très glorieux étendard de Jésus : d’aimer la pauvreté, les humiliations pour le Nom du Christ et l’humilité par le don total de notre vie. La grâce de vivre notre foi jusqu’au martyre, en méprisant ce monde mauvais, ses richesses et ses vanités, pour que le Christ soit vraiment notre Roi, maintenant et pour les siècles des siècles.
Ainsi soit-il.