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Année 2019-Homélie pour la fête de la Sainte Famille-Honore ton père et ta mère (JGA).

 

Honore ton père et ta mère.
Fêtons donc la Sainte Famille en retrouvant ce que veut dire donner honneur et gloire à nos parents aujourd’hui, qu’ils soient vivants ou décédés. Puissions-nous leur donner soutien et réconfort, parce qu’un jour nous serons à leur place, ou simplement parce que nous voulons les aimer tels qu’ils sont, gratuitement.

 


Au sein du temps de Noël nous célébrons ce dimanche la fête de la Sainte Famille de Nazareth. Jésus occupe le centre de cette famille qu’il a sanctifiée par sa présence. Autour de lui, sa mère Marie et son père nourricier, Joseph. Une famille heureuse, à travers laquelle Dieu le Père a accompli son plan de rédemption. La famille est l’institution la plus appréciée de notre société. Dans une famille nous venons au monde, dans une famille nous grandissons, dans une famille nous sommes aimés tels que nous sommes, dans une famille nous trouvons l’amour qui nous aide à grandir. La famille est constituée par l’union stable de vie et d’amour d’un homme et d’une femme, bénis par Dieu dans le sacrement du mariage. Cette fête de la Sainte Famille est une occasion propice pour remercier Dieu pour le don de notre famille.

La liturgie de ce dimanche nous fait lire les conseils de Ben Sirac le Sage sur les relations parents-enfants : «Le Seigneur glorifie le père dans ses enfants, il renforce l’autorité de la mère sur ses fils. Celui qui honore son père obtient le pardon de ses péchés, celui qui glorifie sa mère est comme celui qui amasse un trésor. Celui qui honore son père aura de la joie dans ses enfants, au jour de sa prière il sera exaucé. Celui qui glorifie son père verra de longs jours, celui qui obéit au Seigneur donne du réconfort à sa mère. Mon fils, soutiens ton père dans sa vieillesse, ne le chagrine pas pendant sa vie. Même si son esprit l’abandonne, sois indulgent, ne le méprise pas, toi qui es en pleine force. Car ta miséricorde envers ton père ne sera pas oubliée, et elle relèvera ta maison si elle est ruinée par le péché» (Si 3, 2-6.12-14).
On voit dans ce texte que chacun des parents doit recevoir au moins trois présents, dont la gloire en commun. A noter que c’est à la mère qu’est conférée l’autorité envers les enfants par le Seigneur, et le soutien au vieux père par l’enfant. Nos comportements envers nos parents relèvent à la fois de la justice, la gratuité et de l’intérêt bien compris, car « la mesure dont vous vous servez pour les autres servira aussi pour vous » dira Jésus plus tard (Lc 6, 36-38). C’est comme s’il y avait une loi de réciprocité entre générations. Pour la sagesse biblique, glorifier ses parents augmente l’espérance de vie et construit un «trésor» pour sa propre vieillesse. De même honorer ses parents ou les soutenir alors qu’ils sont faibles procure le pardon de ses péchés, mieux qu’une liturgie au Temple de Jérusalem.

« Honore ton père et ta mère » c’est le quatrième commandement du décalogue, il nous indique l’ordre de la charité. Dieu a voulu qu’après Lui, nous honorions nos parents à qui nous devons la vie et qui nous ont appris à connaitre et aimer Dieu. Le respect de ce commandement procure avec les fruits spirituels, des fruits temporels de paix et de prospérité. Au contraire, l’inobservance de ce commandement entraîne de grands dommages pour les communautés et pour les personnes humaines. La sagesse biblique nous rappel que mépriser ses parents est suicidaire, et que l’on devient meilleur en étant sensible à leur détresse lorsqu’ils vieillissent.
Le respect pour les parents (piété filiale) est fait de reconnaissance à l’égard de ceux qui, par le don de la vie, leur amour et leur travail, ont mis leurs enfants au monde et leur ont permis de grandir en taille, en sagesse et en grâce. Il y a, nous dit le Catéchisme, trois étapes dans la relation avec nos parents:
1.Aussi longtemps que l’enfant vit au domicile de ses parents, l’enfant doit obéir à toute demande des parents motivée par son bien ou par celui de la famille.  Mais si l’enfant est persuadé en conscience qu’il est moralement mauvais d’obéir à tel ordre, qu’il ne le suive pas. 2. En grandissant, les enfants continueront à respecter leurs parents. Ils préviendront leurs désirs, solliciteront volontiers leurs conseils et accepteront leurs admonestations justifiées. L’obéissance envers les parents cesse avec l’émancipation des enfants, mais non point le respect qui reste dû à jamais. Celui-ci trouve, en effet, sa racine dans la crainte de Dieu, un des dons du Saint-Esprit.
3. Le quatrième commandement rappelle aux enfants devenus grands, leurs responsabilités envers les parents. Autant qu’ils le peuvent, ils doivent leur donner l’aide matérielle et morale, dans les années de vieillesse, et durant le temps de maladie, de solitude ou de détresse. Jésus rappelle ce devoir de reconnaissance (cf. Mc 7, 10-12). 4. Nous pouvons  ajouter encore un quatrième moment dans la relation avec nos parents : une fois décédés nous devons vénérer leur mémoire, avoir soins de leur restes mortels (aller au cimetière, conserver propre leur tombe…) et prier pour le repos éternel de leur âme.

Tout cela est tout à fait évident et logique lorsque les parents ont rempli leurs devoirs envers leurs enfants (dont parle également le Catéchisme) et la gratitude est la réponse naturelle à cet admirable travail. Mais que se passe-t-il lorsque le père ou la mère biologique a eu une influence négative sur la vie de l’enfant? Ou a été absent? C’est une situation malheureuse et de plus en plus courante. Le Catéchisme parle de gratitude, mais il n’est pas facile de voir des raisons d’être reconnaissant, lorsqu’un père ou une mère a décidé d’abandonner son jeune fils, ou pire, les a abusés psychologiquement ou physiquement… Quelle reconnaissance, quel devoir d’honneur pourrait-on exiger de l’enfant dans cette situation? Je crois que dans ces circonstances, le quatrième commandement est toujours valable, mais c’est à ce moment que nous devons approfondir notre relation avec Dieu pour parvenir à une compréhension nouvelle et plus profonde de ce qu’il nous demande. Nous pourrions donc répondre que « autant ils se sont occupés de nous quand nous étions petits, autant nous devons nous occuper d’eux quand ils deviennent vieux ». Si bien que lorsque des parents se sont montrés totalement indignes, abandonnant complètement un enfant après lui avoir donner la vie par hasard, il perdent le bénéfice de justice de ce devoir filial. Le Christ, par contre, par sa loi d’amour qui dépasse la justice des dix commandements, invite dans ce cas à rendre l’amour, à être miséricordieux envers celui qui s’est comporté indignement et à aimer ses ennemis. Si Notre Seigneur Jésus nous a demandé d’aimer nos ennemis et de prier pour nos persécuteurs, avec plus de raison, le devoir d’honorer nos parents reste en vigueur, même lorsqu’ils sont devenus nos ennemis et nos persécuteurs.
Si nous n’avons pas une autre chose pour laquelle sentir de la gratitude, nous devons au moins les remercier de nous avoir donné la vie et dans cette culture de la mort où nous vivons, ce n’est pas une petit don.

«Honorer» est une forme d’amour que Dieu peut exiger de nous, car il nous aime malgré tout. Cela ne signifie pas que ce père ou cette mère est la personne préférée de son enfant, cela ne vous oblige même pas à avoir une relation étroite ou à parler régulièrement, car forcer un lien corrompu par des récriminations et de la méfiance peut entraîner plus de mal que de bien, conduisant même à la violence. Cependant, le quatrième commandement nous empêche de traiter cette personne comme un étranger, de l’ignorer complètement ou de la traiter comme si elle était morte. «Honorer» nous oblige à savoir où se trouve ce père ou cette mère qui s’est mal comporté avec nous, à savoir dans quelles conditions il vit et à vouloir l’aider, surtout lorsque sa situation économique est indigne; ou sa santé, critique. Ceux qui ont fait la paix avec leur passé familial peuvent être en paix avec eux-mêmes, et accueillir sereinement les différences familiales des nouvelles générations, sans violence. Honorer ses parents, c’est reconnaître que nous ne sommes pas  nous-mêmes à notre propre origine, et assumer joyeusement le meilleur et le pire de ce qu’ils nous ont transmis0.

Fêtons donc la Sainte Famille en retrouvant ce que veut dire donner honneur et gloire à nos parents aujourd’hui, qu’ils soient vivants ou décédés. Puissions-nous leur donner soutien et réconfort, parce qu’un jour nous serons à leur place, ou simplement parce que nous voulons les aimer tels qu’ils sont, gratuitement.

Ainsi soit-il.

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