Le purgatoire.
La seule chose qui empêche l’âme de s’unir à Dieu, c’est le péché : il la salit, et il l’oblige à réparation. Purifier l’âme de sa souillure, la libérer de sa dette de peine et la guérir de ses mauvaises inclinations, tel est l’objet du purgatoire.
Source : sainte Catherine de Gênes : Traité du purgatoire.
Hier, solennité de tous les saints, nous avons fêté et glorifié Dieu pour tous nos frères qui sont déjà dans la gloire du Ciel, qui ont obtenu la béatitude promise par Dieu à ceux qui ont combattu dignement à la suite du Christ pour le royaume des cieux et qui sont mort dans son amour.
Aujourd’hui, 2 novembre, nous pensons à tous nos frères défunts qui ne sont pas encore au Ciel, car ils ont des peines à accomplir ou des fautes à purifier ;c’est à dire, nos frères qui sont dans le purgatoire. Nous ne le fêtons pas, mais nous devons prier et faire des sacrifices pour eux. Ils ont besoin de nous.
Je voudrais bien, en ce jour, que l’on se rappelle ce que notre foi nous apprends sur le purgatoire et comment nous pouvons aider nos frères qui y sont.
Qu’est-ce que le purgatoire ? Le Catéchisme de l’Eglise Catholique affirme : « Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du Ciel ».
Pourquoi le purgatoire ? Beaucoup d’âmes, au sortir de cette vie, tout en étant dans la charité, peut-être grâce à une conversion in extremis, ont si peu désiré Dieu au cours de leur vie terrestre et sont si peu prêtes à entrer dans son intimité, qu’une préparation s’impose. Le but du Purgatoire est précisément d’écarter les obstacles qui s’opposent à leur admission dans la très pure lumière de Dieu. « En ce qui concerne Dieu » , dit sainte Catherine de Gênes, « je vois que le Ciel n’a pas de portes et peut y entrer qui veut, car Dieu est toute bonté ; mais la divine essence est si pure, que l’âme ayant en soi un empêchement, se précipite elle-même dans le purgatoire et y trouve cette grande miséricorde : la destruction de cet empêchement. Si elle pouvait trouver un purgatoire plus pénible, dans lequel elle puisse être plus vite purifiée, elle s’y plongerait aussitôt ».
Or la seule chose qui empêche l’âme de s’unir à Dieu, c’est le péché : il la salit, il l’oblige à réparation, et il la blesse dans ses facultés. Purifier l’âme de sa souillure, la libérer de sa dette de peine et la guérir de ses mauvaises inclinations, tel sera donc l’objet du purgatoire.
Purification de la souillure d’abord. Il ne peut s’agir de celle du péché mortel, qui mérite l’Enfer. Mais l’âme en état de grâce peut, au moment de la mort, se trouver encore chargée de péchés véniels non regrettés et non pardonnés. L’acte mauvais est passé, mais il est demeuré inscrit dans l’être spirituel, comme un point d’ombre, aussi longtemps qu’il n’a pas été rétracté volontairement par un acte contraire, inspiré par une fervente charité : le regret, le repentir, les larmes de la pénitence. Au purgatoire, l’âme se détourne entièrement de tous ses péchés dans un acte de pur amour de Dieu qui suffit à les effacer.
Mais le regret n’est pas suffisant, il est nécessaire aussi d’accomplir une réparation. Il y a eu un ordre cassé, il est alors normal qu’au repentir et à la demande de pardon, on ajoute une bonne œuvre afin de réparer. Pour rétablir l’ordre rompu, la réparation devra comporter une œuvre pénale, une “peine temporelle” proportionnée à la faute. Tel est aussi l’objet de la pénitence demandée en confession.
Notons ici que la douleur même du repentir, la “contrition” du cœur, si elle est intense, pourra suffire à réparer le désordre causé et à briser toute attache mauvaise. On le voit dans le cas de la pécheresse de l’Evangile, notre sainte Marie Madeleine, dont le Seigneur a déclaré : ses nombreux péchés lui sont remis parce qu’elle a montré beaucoup d’amour.
Habituellement, il n’en est pas ainsi et l’âme doit ajouter à sa contrition une œuvre satisfactoire par laquelle elle corrige activement ses désordres, se détache laborieusement de ce à quoi elle n’a pas suffisamment renoncé. Au purgatoire, l’âme souffre amoureusement pour l’expiation de ses fautes. Cependant, cette souffrance n’est pas méritoire, comme elle le serait ici-bas. Elle est aussi plus passive ; l’âme expie alors ce qu’elle n’a pas voulu expier sur terre, par négligence ; de ce fait, la peine subie au purgatoire est plus lourde qu’une satisfaction terrestre correspondante.
En quoi consistent les peines du purgatoire ? La souffrance du purgatoire est analogue à un feu qui nous brûle. C’est d’abord le regret de nos fautes et non pas le remords sans espoir de l’enfer. C’est un regret éclairé au contraire par l’espérance : nous sommes certains de voir Dieu un jour. Mais nous voyons en nous ce qui lui déplaît et qui nous empêche de nous approcher de Lui : au cours de notre vie, nous avons offensé volontairement sa divine Bonté. Rien ne saurait davantage tourmenter l’âme éprise de Dieu.
C’est ensuite la peine de plus en plus terrible de se voir encore éloigné de Dieu. Les âmes souffrent extrêmement de ce retard, mais l’espérance certaine de parvenir à la vision de Dieu pacifie cette souffrance. Membres de cette partie du Corps Mystique du Christ que l’on appelle l’Eglise souffrante, les âmes du purgatoire sont conformées au Christ souffrant et à son agonie sur la Croix. Comme le Christ sur la Croix, ces âmes sont dans la charité. Elles sont certaines de leur salut et heureuses de se préparer à la grande rencontre. Elles sont consolées par la Mère de Dieu et par les anges. Elles jouissent d’une paix incomparable. Leur souffrance même leur est cause de joie, puisque par elle, elles satisfont à la justice divine. Elles goûtent la joie dans la souffrance de l’amour.
Leur amertume très amère, dit saint François de Sales, est dans une paix très profonde. Si c’est une espèce d’enfer quant à la douleur, c’est un paradis quant à la douceur que répand la charité dans leur cœur, charité plus forte que la mort. Heureux état, plus désirable que redoutable, puisque ces flammes sont des flammes d’amour et de charité.
Le purgatoire est donc une attente à la fois paisible, douloureuse et bienfaisante, parce que l’on sait que l’on va vers Dieu.
La prière pour les âmes du purgatoire, notre secours. A certains de ses serviteurs, le Seigneur entrouvre parfois la porte du purgatoire, afin de leur demander des prières et des sacrifices pour le soulagement et la délivrance des saintes âmes qui y souffrent. Citons entre autres les saintes Gertrude, Catherine de Gênes, Thérèse de Jésus, Marguerite-Marie, Gemma Galgani. De tels témoins méritent notre confiance. On voit dans leurs révélations que les jugements de Dieu ne sont pas les nôtres et que des âmes qu’on croit depuis longtemps au Ciel attendent encore nos suffrages.
Interrogée à Fatima sur le salut de deux jeunes filles récemment décédées, Notre-Dame répondit que l’une d’elles était déjà au Ciel, mais que la seconde, une certaine Amélie, serait en Purgatoire jusqu’à la fin du monde (Apparition du 13 mai 1917).
Pratiquement, que pouvons-nous faire pour elles ? D’abord et avant tout, nous convertir nous-mêmes. Cette condition préalable peut sembler évidente. Mais nous avons vite fait de pratiquer des dévotions et des sacrifices pour une juste cause sans veiller à mettre notre cœur en paix avec la grâce de Dieu. Seuls les membres vivants de l’Église, qui sont en grâce de Dieu, peuvent faire circuler la vie dans l’ensemble du corps.
En vertu de la valeur infinie du sacrifice du Calvaire, aucune œuvre ne peut mieux secourir les défunts que l’offrande de la sainte messe à leur intention. Lorsque saint Thomas d’Aquin était lecteur en théologie à l’Université de Paris, il vit un jour paraître devant lui l’âme de sa sœur, qui venait de mourir au couvent de Capoue, dont elle était abbesse. Elle souffrait cruellement pour divers manquements à la vie religieuse et se recommandait à ses prières. Le saint le lui promit, et tint parole. A quelque temps de là, ayant été envoyé à Rome par ses supérieurs, il vit cette chère âme lui apparaître de nouveau, mais cette fois, dans l’extérieur de la gloire. Elle venait le remercier de ses suffrages qui avaient hâté sa délivrance. Familiarisé depuis longtemps avec les choses surnaturelles, le saint ne craignit pas d’entrer en conversation avec l’apparition et de lui demander ce qu’étaient devenus deux de ses frères morts auparavant : « Arnould est au Ciel, répondit l’âme, et il jouit d’un haut degré de gloire, pour avoir défendu l’Église et le Souverain Pontife contre les impies agressions de l’empereur Frédéric. Quant à Ludolphe, il est encore dans le purgatoire où il souffre beaucoup, parce que personne ne pense à prier pour lui. Pour vous, cher frère, une place magnifique vous attend dans le Paradis, en récompense de tout ce que vous avez fait pour l’Église. Hâtez-vous donc de mettre la dernière main aux divers travaux que vous avez entrepris, car certainement vous viendrez bientôt nous rejoindre ». L’histoire rapporte qu’en effet le grand docteur mourut peu de temps après.
« Un autre témoin de la valeur de la messe pour les défunts fut le bienheureux Père José Anchieta, de la Compagnie de Jésus, que l’on avait surnommé, à cause de son grand zèle, l’apôtre du Brésil. Le jour de la fête de saint Jean l’évangéliste, pendant l’octave de Noël, il célébra en noir, au grand étonnement de ses frères, qui connaissaient son obéissance scrupuleuse aux moindres règles de la liturgie. C’est pourquoi le supérieur de la maison lui en fit la une remarque publique, à quoi le bon père répondit humblement qu’il s’était senti inspiré d’agir ainsi parce que Dieu lui avait fait connaître qu’un prêtre de la Compagnie, qui avait été son condisciple à l’université de Coïmbra, venait de mourir à la résidence de Lorette en Italie. Eh bien ! mon père, ajouta le supérieur, savez-vous au moins si ce sacrifice a profité à son âme ? Oui, reprit avec sa modestie ordinaire le père Anchieta, immédiatement après le mémento des morts, Notre Seigneur ma fait voir cette chère âme délivrée de toutes ses peines et montant au ciel où l’attendait sa couronne ». (voir Jacques Hautin. Patricinium defuncti).
Saint Augustin confie dans ses “Confessions” que sa mère sainte Monique demande seulement d’offrir des messes pour son âme.
« Aux approches du jour de sa mort (dissolution) elle ne songea pas à faire somptueusement ensevelir, embaumer son corps ; elle ne souhaita point un monument choisi ; elle se soucia peu de reposer au pays de ses pères ; non, ce n’est pas là ce qu’elle nous recommanda ; elle exprima ce seul vœu que l’on fit mémoire d’elle à votre autel : elle n’avait laissé passer aucun jour de sa vie sans assister à ses mystères. Elle savait bien que là se dispensait la sainte Victime par qui a été effacée la cédule qui nous était contraire. Qui lui rendra son sang innocent ? Qui lui rendra le prix dont il a payé notre délivrance ? C’est au sacrement de cette Rédemption (l’Eucharistie) que votre servante a attaché son âme ( Coloss. II, 14) par le lien de la foi.
Inspirez aussi, Seigneur mon Dieu, inspirez à vos serviteurs, mes frères (les prêtres), à vos enfants, mes maîtres, que je veux servir de mon cœur, de ma voix et de ma plume ; tous tant qu’ils soient qui liront ces pages, inspirez-leur de se souvenir, à votre autel, de Monique, votre servante : qu’ils se souviennent, avec une affection pieuse, de ceux qui ont été mes parents à cette lumière défaillante ; et que sollicitées par ces confessions, les prières de plusieurs lui obtiennent plus abondamment que mes seules prières, cette grâce qu’elle me demandait à son heure suprême » .
Au delà de la messe, que pouvons-nous offrir d’autre pour ces âmes ?
Le Saint Rosaire, le Chemin de Croix et la visite au cimetière, le jeûne, l’aumône, la charité sous toutes ses formes et l’exercice même de notre devoir d’état, spécialement lorsqu’il s’accompagne de circonstances pénibles : toutes ces œuvres que l’Eglise a enrichies d’indulgences, peuvent être offertes à Dieu avec l’intention habituelle d’en faire bénéficier les âmes du purgatoire.
Si nous voulons bien confier nos petits efforts à la Très Sainte Vierge Marie, médiatrice de toutes grâces. Elle nous aidera à les rendre agréables à Dieu et en multipliera les effets. Quand vous voudrez offrir quelque chose, ayez soin de l’offrir par les mains très pures de Marie, et très dignes d’être agréées, à moins que vous ne vouliez essuyer un refus, disait saint Bernard. Quant aux âmes auxquelles nous aurons pu apporter du soulagement, soyons certains qu’elles ne nous oublieront pas. Dans la gloire du Ciel que nous aurons contribué à leur obtenir, il est impossible qu’elles ne s’occupent pas de nous et de notre salut.
Que la Très Sainte Vierge Marie allume en nos cœurs une charité ardente envers nos frères souffrants du purgatoire.
Ainsi soit-il