La lutte contre le démon.
La lutte que nous avons à soutenir contre le démon, aussi bien que contre le monde et la concupiscence, nous affermit dans la vie surnaturelle et nous permet même d’y progresser.
La vie chrétienne est une lutte qui, avec des péripéties diverses, ne se termine qu’à la mort, lutte d’une importance capitale, puisque l’enjeu en est la vie éternelle.
Nous devons, comme saint Paul, lutter jusqu’au bout pour mériter notre couronne.
Source: Adolphe-Alfred Tanquerey: Précis de théologie ascétique et mystique.
Le démon s’efforce d’exercer sa tyrannie sur les hommes. Tantôt il assiège l’âme par le dehors en lui suscitant d’horribles tentations; tantôt il s’installe dans le corps et le meut à son gré comme s’il en était le maître, afin de jeter le trouble dans l’âme. Dans le premier cas c’est la tentation et l’obsession, dans le second c’est la possession.
Le livre de La Sagesse déclare que «c’est par l’envie du démon que la mort est entrée dans le monde» (Sg 2:24). Nous avons alors à lutter non pas seulement contre la chair et le monde, mais encore contre les puissances des ténèbres et les esprits méchants. C’est saint Paul qui l’affirme: «Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les esprits du mal» (Ep 6:12). Saint Pierre compare le démon à un lion rugissant qui rôde autour de nous et cherche à nous dévorer (Cf. 1P 5:8).
Autour de notre âme, et dans notre âme elle-même, se livrent entre les puissances célestes et infernales de rudes combats dont la vie éternelle est l’enjeu. Pour être victorieux, voyons comment procède le démon.
La tactique du démon.
La tentation et l’obsession.
Incitation, invitation au mal, au péché. Le démon ne peut agir directement sur nos facultés supérieures, l’intelligence et la volonté, Dieu s’étant réservé ce sanctuaire pour lui-même. Mais il peut agir directement sur le corps, les sens extérieurs et sur les sens intérieurs, en particulier l’imagination et la mémoire, comme aussi sur les passions qui résident dans l’appétit sensitif; et par là il agit indirectement sur la volonté, qui, par les divers mouvements de la sensibilité, est sollicitée à donner son consentement. Toutefois, comme le remarque saint Thomas, «elle demeure toujours libre de consentir ou de résister à ces mouvements passionnels».
L’obsession est une série de tentations plus violentes et plus durables que les tentations ordinaires. Elle est externe, lorsqu’elle agit sur les sens extérieurs, par des apparitions; elle est interne, lorsqu’elle provoque des impressions intimes. Le pouvoir du démon est limité par Dieu: «Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de vos forces. Mais avec l’épreuve il donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter» (1Co 10:13). Celui donc qui s’appuie sur Dieu avec humilité et confiance est sûr d’être victorieux.
La possession.
Deux éléments constituent la possession: la présence du démon dans le corps du possédé et l’empire qu’il exerce sur ce corps et, par son intermédiaire, sur son âme. Par la possession le démon peut agir directement sur les membres du corps, et leur faire exécuter toutes sortes de mouvements. On peut distinguer dans les possédés deux états distincts: l’état de crise et l’état de calme. La crise est comme une sorte d’accès violent, où le démon manifeste son empire tyrannique en imprimant au corps une agitation fébrile qui se traduit par des contorsions, des éclats de rage, des paroles impies et blasphématoires. Les patients perdent alors, ce semble, tout sentiment de ce qui se passe en eux, et, revenus à eux-mêmes, ne conservent aucun souvenir de ce qu’ils ont dit ou fait, ou plutôt de ce que le démon a fait par eux. Ce n’est qu’au début qu’ils sentent l’irruption du démon, après cela, ils semblent perdre conscience. Dans les intervalles de calme, rien ne vient déceler la présence du malin esprit. Parfois cependant cette présence se manifeste par une sorte d’infirmité chronique qui déroute toutes les ressources de l’art médical. Souvent il y a plusieurs démons à posséder une seule personne: ce qui montre leur faiblesse. Généralement la possession ne s’attaque qu’aux pécheurs.
D’après le Rituel Romain il y a trois signes principaux qui peuvent faire reconnaître la possession: «parler une langue inconnue en faisant usage de plusieurs mots de cette langue, ou comprendre celui qui la parle; découvrir les choses éloignées et occultes; faire montre de forces qui dépassent les forces naturelles de l’âge ou de la condition. Ces signes et autres semblables, lorsqu’ils se trouvent réunis en grand nombre, sont les plus forts indices de la possession».
Remèdes contre la tentation diabolique.
Ces remèdes nous sont indiqués par les saints.
Le premier est une prière humble et confiante, pour mettre de notre côté Dieu et ses anges. Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous? Qui donc en effet peut être comparé à Dieu: «Quis ut Deus?». Cette prière doit être humble; car il n’est rien qui mette plus rapidement en fuite Satan qui, s’étant révolté par orgueil, n’a jamais su pratiquer cette vertu. Elle doit être confiante: car Dieu étant intéressé à notre triomphe, nous pouvons avoir pleine confiance en l’efficacité de sa grâce. Il est bon aussi d’invoquer saint Michel, qui, ayant infligé au démon une éclatante défaite, sera heureux de compléter sa victoire en nous et par nous. Notre Ange gardien le secondera volontiers, si nous nous confions en lui. Mais surtout nous n’oublierons pas de prier la Vierge Immaculée qui de son pied virginal ne cesse d’écraser la tête du serpent, et est plus terrible au démon qu’une armée rangée en bataille.
Le second moyen, c’est l’usage confiant des sacrements et des sacramentaux. L’un des plus efficaces est la purification de l’âme par une bonne confession, surtout une confession générale. Le Rituel conseille d’y ajouter le jeûne, la prière et la sainte communion. Plus on est pur et mortifié et moins le démon a de prise sur nous; et la Sainte Communion met en nous Celui qui a triomphé de Satan. Les sacramentaux eux-mêmes, le signe de la croix, ou les prières liturgiques faites avec esprit de foi, en union avec l’Eglise, sont aussi d’un précieux secours. Sainte Thérèse recommande particulièrement l’eau bénite. Le crucifix, le signe de la croix et surtout les reliques authentiques de la vraie croix sont redoutables au démon qui a été vaincu par la croix: «et qui in ligno vincebat, in ligno quoque vinceretur» . Pour la même raison l’esprit malin craint beaucoup l’invocation du Saint Nom de Jésus, qui, d’après la promesse même du Maître, a un pouvoir merveilleux pour mettre le démon en fuite.
Aussi le troisième moyen est un mépris souverain du démon. C’est encore Sainte Thérèse qui nous le dit: «C’est très fréquemment que ces maudits me tourmentent; mais ils m’inspirent fort peu de crainte; car, je le vois très bien, ils ne peuvent bouger sans la permission de Dieu… Qu’on le sache bien, toutes les fois que nous les méprisons, ils perdent de leurs forces, et l’âme acquiert sur eux d’autant plus d’empire». Appuyés humblement sur Dieu, nous avons le droit et le devoir de les mépriser: «Si Deus pro nobis, quis contra nos?» Ils peuvent aboyer, ils ne peuvent nous mordre que si par imprudence ou par orgueil nous nous mettons en leur pouvoir. Ainsi donc, la lutte que nous avons à soutenir contre le démon, aussi bien que contre le monde et la concupiscence, nous affermit dans la vie surnaturelle et nous permet même d’y progresser.
Pour les cas d’obsession et possession les exorcismes. Jésus-Christ ayant laissé à son Eglise le pouvoir de chasser les démons, elle institua de bonne heure l’ordre des Exorcistes, auxquels elle conféra le pouvoir d’imposer les mains sur les possédés, catéchumènes ou baptisés; et plus tard elle composa des formules de prières dont ils devaient se servir.
La vie chrétienne est une lutte, lutte pénible qui, avec des péripéties diverses, ne se termine qu’à la mort, lutte d’une importance capitale, puisque l’enjeu en est la vie éternelle. Le chrétien est donc un soldat, un athlète qui combat pour une couronne immortelle, et cela jusqu’à la mort. Nous devons, comme saint Paul, lutter jusqu’au bout pour mériter notre couronne: «J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé ma course, j’ai gardé la foi. Il ne me reste plus qu’à recevoir la couronne de justice que me donnera le Seigneur» (2Tm 4:7-8).
Il y a donc sur terre les deux cités si bien décrites par saint Augustin, les deux camps et les deux étendards dont parle saint Ignace. Les vrais chrétiens ne peuvent hésiter; plus ils se donnent à Dieu, plus ils échappent à l’empire du démon: si Dieu permet qu’ils soient éprouvés, ce n’est que pour leur bien, et, au milieu même de leurs angoisses, ils peuvent redire en toute confiance: «Si Deus pro nobis, quis contra nos? [Rm 8:31]… Quis ut Deus?».