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Année 2023- Homélie pour le 32ème dimanche du temps ordinaire (EA).

La studiosité.

Appliquons nous, avec notre effort et la grâce de Dieu, à pratiquer cette vertu si importante de la “studiosité”, évitant toute mauvaise curiosité, vainquant notre paresse naturelle . Créons dans nos familles, à nouveau, les lieux et les temps pour la lecture et la bonne formation.

 


Poursuivant la série d’homélies sur certaines vertus oubliées ou sous-estimées, nous nous penchons aujourd’hui sur la vertu de  “studiosité”.
Il est intéressant de constater que saint Thomas, dans sa Somme de Théologie, développe la vertu de  « studiosité » juste après avoir expliqué le péché des premiers parents dans le jardin de l’Eden. Eve est tombée dans la curiosité. C’est pourquoi le saint docteur décrit la vertu opposée, afin que nous puissions éviter ce grave péché qui peut nous apporter de grands maux pendant notre vie.

On commence par se poser trois questions vraiment essentielles, en donnant la parole, pour nous répondre, à des hommes sages et saints.
D’où vient la faiblesse actuelle des âmes?
Réponse de saint Pie X: « nous croyons qu’il faut adhérer au jugement de ceux qui attribuent le relâchement actuel des âmes et leur faiblesse, aux maux qui en résultent, principalement à l’ignorance des choses divines».
Quel est le grand obstacle à l’avancement spirituel des âmes?
Réponse de ce saint prêtre du début du XX siècle, le père Emmanuel de Mesnil-Saint-Loup: « la pratique sans la connaissance de Dieu, voilà le grand obstacle à l’avancement des âmes. On les éclaire peu, d’abord parce que l’on a soi-même peu de lumières et ensuite parce qu’on taxe facilement de vaine curiosité une science que l’on n’apprécie pas. Les âmes sont donc peu éclairées».
Pourquoi il y a tant de chrétiens damnés?
Réponse du saint curé d’Ars: « mes enfants, qu’est-ce qui nous a fait connaître notre religion? Ce sont les instructions que nous avons entendues. Qu’est-ce qui nous donne l’horreur du péché, nous fait apercevoir la beauté de la vertu, nous inspire le désir du ciel? Les instructions. Qu’est-ce qui fait connaître aux pères et aux mères les devoirs qu’ils ont à remplir envers leurs enfants ? Les instructions. Je crois, mes enfants, qu’une personne qui n’entend pas la parole de Dieu comme il faut, ne se sauvera pas; elle ne saura pas ce qu’il faut faire pour cela. Mais avec une personne instruite, il y a toujours de la ressource. Elle a beau s’égarer dans toutes sortes de voies mauvaises, on peut toujours espérer qu’elle reviendra au bon Dieu, tôt ou tard, quand ce ne serait qu’à l’heure de la mort. Au lieu qu’une personne qui n’est pas instruite est là comme une personne languissante, comme un malade à l’agoniequi n’a plus connaissance : elle ne connaît ni la grandeur du péché ni la beauté de son âme, ni le prix de la vertu ; elle se traîne de péché en péché comme une guenille qu’on traîne dans la boue. Mes enfants, je pense souvent que le plus grand nombre des chrétiens qui se damnent, se damnent faute d’instruction. On entend mal la religion».
Saint Pie X affirme de son côté, citant Benoît XIV (1740-1758) : «Nous affirmons qu’une grande partie de ceux qui sont condamnés aux supplices éternels doivent cet irréparable malheur à l’ignorance des mystères de la foi qu’on doit nécessairement savoir et croire pour être admis au nombre des élus».

Une revue dominicaine de formation scientifique, publiait, il y a à peu près 20 ans
des constatations assez alarmantes, par rapport à la baisse d’intérêt des lecteurs
catholiques pour les livres sérieux, de formation doctrinal:
« Des constats convergents: Les catholiques fidèles sombrent peu à peu dans la paresse. La paresse intellectuelle. Une gentille paresse, qui passe d’autant plus inaperçue qu’elle peut être accompagnée de piété, de générosité et même de zèle pour les œuvres. Mais une paresse bien réelle et mortelle à long terme. Le succès d’internet a les mêmes causes que celui de l’audiovisuel: il permet de satisfaire à la fois la curiosité et la paresse. On évite l’ennui que procure la totale oisiveté, on peut même se donner bonne conscience en s’intéressant à des sujets religieux, mais on reste à la surface des choses. On s’informe de tout sans rien étudier. On gave l’imagination, on amuse l’intelligence, tout en échappant à la réflexion méthodique, à l’approfondissement des principes, en un mot, à la sagesse. Dans la crise actuelle, qui est avant tout une crise de la foi, une telle paresse risque d’être mortelle».

Un véritable cri d’alarme lancé par les responsables du centre de librairie par correspondance de Chiré : « Depuis 37 ans que nous exerçons nos activités, nous avons remarqué peu à peu une modification de la vente des ouvrages en fonction de leur contenu. Il est exact que les livres de doctrine se vendent de moins en moins et qu’il y a une désaffection du public à leur égard. Pourquoi? Très certainement parce que nous vivons tous dans une ambiance de facilité et de loisirs: l’audiovisuel est en train de porter des coups très durs au livre. Pratiquement toutes les familles possèdent un écran de télévision et un magnétoscope pour regarder des cassettes vidéos. Or il est élémentaire de constater que tout l’argent et le temps investi dans ce domaine l’est au
détriment de l’achat de livres et de la lecture. Et lorsque l’on se dit qu’il faut quand même que nos enfants lisent un peu, on leur propose, soit des bandes dessinées, soit de petits romans faciles d’accès. Ainsi, les enfants perdent peu à peu l’habitude de l’effort intellectuel et tombent dans la facilité. Et ce phénomène se développe depuis une vingtaine d’années: les enfants de l’époque sont devenus adultes aujourd’hui et il n’est pas étonnant qu’ils renâclent pour lire des livres «sérieux ». Alors nous lançons ici un cri d’alarme pour demander une réaction vive et radicale contre ces penchants faciles. Il est devenu vital sur le plan de la survie intellectuelle que les familles prennent conscience de ce phénomène et soient attentives aux lectures de leurs enfants
et à l’occupation de leurs loisirs. Magnétoscope et lecteur de DVD, console de jeux informatiques et accès à internet sont sans doute, en notre XXIe siècle, les armes les plus puissantes au service de la barbarie montante ».

Pour combattre et faire face à ce très grand mal de notre temps actuel, nous allons redécouvrir ensembles la belle et très importante vertu de le “studiosité”.
Quelle est la vertu studieuse? De quoi s’agit-il ?
Saint Thomas répond :« L’application studieuse comporte principalement une vive application de l’esprit à une chose. Or l’esprit ne s’applique à une chose qu’en la connaissant. L’esprit s’applique donc en premier lieu à la connaissance, et secondairement au but vers lequel la connaissance le dirige. C’est pourquoi l’application studieuse regarde en premier lieu la connaissance, et en second lieu toutes les autres choses pour l’exécution desquelles nous avons besoin d’être dirigés par la connaissance ».
La véritable vertu de studiosité s’oppose à la fois à la paresse et à la curiosité. Elle discipline l’activité de l’intelligence pour la rendre forte et efficace. Elle est, comme toute vertu, austère au début, douce si l’on persévère, délectable dans ses fruits.
Saint Augustin expliquait que cette vertu, en tant qu’elle modère et dirige l’appétit de savoir et de connaissance vers le bien de notre âme, est une partie de la vertu morale de la tempérance, il disait : « On nous interdit d’être curieux, et c’est la grande tâche de la tempérance». Or, on empêche la curiosité par une studiosité modérée.
Et saint Thomas complétait l’explication: « Nous l’avons dit il appartient à la tempérance de modérer le mouvement de l’appétit, pour éviter qu’il ne tende de façon excessive vers ce qui est naturellement désiré. Or, de même que, selon sa nature corporelle, l’homme désire naturellement les plaisirs de la nourriture et du sexe, de même, selon sa nature spirituelle, il désire naturellement connaître. C’est pourquoi Aristote a pu dire que « tous les hommes désirent naturellement savoir ». Or la modération de cet appétit de connaissance appartient à la vertu de studiosité.
Cette vertu sera essentielle pour diriger et ordonner nos forces spirituelles en vue de connaître les vérités qui nous sont nécessaires pour notre salut. Il nous faudrait éviter tout excès, d’un coté ou de l’autre une curiosité malsaine qui nous pousse à savoir soit de choses inutiles soit des choses pernicieuses; et l’autre excès, de la paresse intellectuelle, restant dans une vie toute animalisée, matérialiste.
La curiosité est le désir désordonné de connaître ou savoir ce qui n’est pas de sa compétence, ou qu’il peut y avoir du danger à savoir et à connaître, en raison de sa faiblesse».

Il peut y avoir vice en raison précisément du désordre dans le désir et l’application à apprendre la vérité de quatre manières. Par opposition, nous voyons aussi les caractéristiques de la véritable vertu studieuse.
– Lorsqu’une étude moins utile nous arrache à l’étude que la nécessité nous impose. C’est pourquoi saint Jérôme écrit: « Nous voyons des prêtres, ayant abandonné les Evangiles et les Prophètes, lire des comédies et chanter les poèmes d’amour des bucoliques ». Alors la studiosité nous apprends à nous appliquer responsablement à tout ce qui fait notre devoir d’état.
– Lorsqu’on cherche à être instruit par celui à qui il n’est pas permis de s’adresser: c’est le cas de ceux qui interrogent les démons sur l’avenir, ce qui est une curiosité superstitieuse. C’est pourquoi saint Augustin dit:« Je ne sais pas si les philosophes n’ont pas été détournés de la foi par leur curiosité vicieuse à consulter les démons».
Alors la studiosité nous apprends à utiliser seulement les moyens bons et convenables, en évitant ce qui pourrait être mauvais ou dangereux.
– Lorsque l’homme désire connaître la vérité concernant les créatures sans se référer à la vraie fin, c’est-à-dire à la connaissance de Dieu. C’est pourquoi saint Augustin dit : «Dans la considération des créatures il ne faut pas exercer une vaine et périssable curiosité, mais en faire un désir pour arriver à ce qui est immortel et durable». Alors la studiosité nous enseigne à chercher Dieu en tout, et à ne jamais séparer la raison de la foi, puisque toute vérité doit nous conduire à Dieu, Vérité Supreme.
– Lorsqu’on cherche à connaître la vérité en dépassant les possibilités de notre propre talent, car alors on tombe facilement dans l’erreur. C’est pourquoi on lit dans l’Ecclésiastique (3, 21): «Ne cherche pas ce qui est trop difficile pour toi, ne scrute pas ce qui est au-dessus de tes forces». Et on lit ensuite : «Car beaucoup se sont fourvoyés dans leur présomption, une prétention coupable a égaré leurs pensées».
Alors, connaître ses propres limites et forces et savoir demander du conseil avec
humilité, ce sont les fruits de la véritable studiosité.

Appliquons nous, avec notre effort et la grâce de Dieu, à pratiquer cette vertu si importante de la “studiosité”, évitant toute mauvaise curiosité, vainquant notre paresse naturelle . Créons dans nos familles, à nouveau, les lieux et les temps pour la lecture et la bonne formation. Profitons bien de toutes les opportunités qu’on trouve autour de nous pour notre formation, notamment ici à la paroisse: le cercle de lecture, la bibliothèque paroissiale, le café saint Paul, la disponibilité des prêtres, le patronage, le catéchisme, etc… pour connaître plus parfaitement la Volonté de Dieu, pour vivre dignement en tant qu’hommes rationnels, enfin, pour que notre piété et notre religion
trouvent leur solide fondement, puissent grandir et nous mener aux Joies parfaites, notre bonheur, la connaissance et l’amour de Dieu pour toute l’éternité.
Ainsi soit-il.

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