Les sept Vertus oubliées.
Magnanimité et magnificence.
Le désintéressement est le caractère distinctif de la magnanimité: elle veut rendre service aux autres.
La magnificence nous porte à faire de grandes œuvres et par là même les grandes dépenses que ces œuvres entraînent.
Nous allons vous proposer ces prochains dimanches une série d’homélies sur «les 7 vertus oubliées». Nous les avons appelés ainsi parce que ce sont des vertus très importantes pour notre vie spirituelle mais soit elles sont inconnues, soit nous les avons oubliées.
Aujourd’hui j’aimerais vous présenter deux vertus qui sont comme des sœurs, elles sont très similaires même si chacune a ses spécificités. Je fais référence aux vertus de magnanimité et de magnificence. Nous suivons dans notre exposé l’excellent ouvrage du Père Tanquerey «Précis de théologie ascétique et mystique».
Commençons par la magnanimité.
Venant de magna anima, la magnanimité, qu’on appelle encore grandeur d’âme ou noblesse de caractère, est une disposition noble et généreuse à entreprendre de grandes choses pour Dieu et le prochain. Consiste à rechercher la grandeur en toute chose, même dans celles qui sont petites en apparence comme la charité envers un pauvre, ou dans des actions éclatantes, avec courage, avec discernement et sans prétention. Pour Saint Thomas d’Aquin elle procède de la vertu de la force qui affermit l’âme dans la poursuite difficile du bien, sans se laisser ébranler par la peur, pas même par la crainte de la mort; la magnanimité doit se confronter souvent à de l’ardu, du difficile. La magnanimité est la couronne de toutes les autres vertus car, selon Aristote, elle rend grandes toutes les autres vertus. Elle diffère de l’ambition, qui est au contraire essentiellement égoïste et cherche à s’élever au-dessus des autres par l’autorité ou les honneurs. Le désintéressement est le caractère distinctif de la magnanimité: elle veut rendre service aux autres.
Elle suppose donc une âme noble, ayant un idéal élevé, des idées généreuses; une âme courageuse qui sait mettre sa vie en harmonie avec ses convictions.
Elle se manifeste, non seulement par de nobles sentiments, mais par de nobles actions, et cela dans tous les ordres : dans l’ordre militaire, par des actions d’éclat; dans l’ordre civique, par de grandes réformes ou de grandes entreprises industrielles, commerciales ou autres; dans l’ordre surnaturel, par un idéal élevé de perfection sans cesse poursuivi, par des efforts généreux pour se vaincre et se surpasser, pour acquérir des vertus solides, pratiquer l’apostolat sous toutes ses formes, fonder et diriger des œuvres. Tout cela sans craindre de compromettre sa fortune, sa santé, sa réputation et même sa vie.
Le défaut opposé est la pusillanimité qui, par crainte excessive d’un échec, hésite et demeure dans l’inaction. Pour éviter des bévues, on commet en réalité la plus grande des maladresses: on ne fait rien ou presque rien et ainsi on gaspille sa vie. Il est évident qu’il vaut mieux s’exposer à quelques méprises que de rester dans l’inaction.
Parlons maintenant de la magnificence.
Quand on a une âme noble et un grand cœur, on pratique la magnificence ou la munificence, qui nous porte à faire de grandes œuvres et par là même les grandes dépenses que ces œuvres entraînent.
Parfois c’est l’orgueil ou l’ambition qui inspire ces œuvres; ce n’est pas alors une vertu. Mais quand on a en vue la gloire de Dieu ou le bien de ses semblables, on surnaturalise ce désir naturel des grandeurs et, au lieu de capitaliser constamment ses ressources, on dépense noblement son argent en de grandes et nobles entreprises, œuvres d’art, monuments publics, constructions d’églises, d’hôpitaux, d’écoles et d’universités, en un mot de tout ce qui favorise le bien public: c’est alors une vertu, qui nous fait triompher de l’attache naturelle qu’on a pour l’argent et du désir d’augmenter ses revenus.
C’est une vertu excellente qu’il faut recommander aux riches, en leur montrant que le meilleur emploi des richesses que la Providence leur à confiées est d’imiter la libéralité et la magnificence de Dieu dans ses œuvres. Que d’institutions catholiques végètent aujourd’hui faute de ressources! N’y a-t-il pas là un noble emploi pour les fonds qu’on a pu accumuler et n’est-ce pas le meilleur moyen de se bâtir une riche demeure dans le ciel? Et que d’autres institutions sont à créer? Chaque génération apporte son contingent de besoins nouveaux: tantôt ce sont des églises et des écoles à bâtir; parfois ce sont des misères publiques à soulager; d’autrefois des œuvres nouvelles à fonder. Il y à là un vaste champ ouvert à toutes les activités et à toutes les bourses.
Il n’est même pas besoin d’être riche pour pratiquer cette vertu. Saint Vincent de Paul ne l’était pas; et cependant est-il un seul homme qui ait pratiqué autant et aussi sagement que lui une munificence vraiment royale à l’égard de toutes les misères de son siècle et fondé des œuvres qui ont eu autant de succès durable? Quand on a l’âme noble, on trouve des ressources dans la charité publique et il semble que la Providence se mette au service des grands dévouements, quand on sait se confier en elle et observer les lois de la prudence ou suivre les mouvements du Saint Esprit. De même le saint Curé d’Ars qui faisait de grandes dépenses pour orner son église, quand il mangeait lui-même des patates pourries.
Les défauts opposés sont la lésinerie et la profusion.
La lésinerie ou mesquinerie arrête les élans du cœur, ne sait pas proportionner les dépenses à l’importance de l’œuvre à entreprendre et ne fait rien que de petit ou d’étroit.
La profusion au contraire nous pousse à faire des dépenses excessives, à prodiguer son argent sans compter, sans proportion avec l’œuvre entreprise et parfois même en allant au delà de ses ressources. On l’appelle encore prodigalité.
C’est à la prudence qu’il appartient de tenir le juste milieu entre ces deux excès.
Demandons au Bon Jésus la grandeur d’âme, la noblesse de caractère, à lui qui a « bien fait toutes choses » (Mc 7, 37), prenons la résolution de faire de notre vie un chef-d’œuvre, de tout faire de manière magnanime, de faire des grandes œuvres pour la Gloire de Dieu et le salut des hommes:
«Oh Christ, vous êtes mon Roi. Donnez moi un noble cœur chevaleresque.
Grand dans ma vie: pour choisir ce qui élève et non ce qui traîne.
Grand dans mon travail: ne voyant pas le fardeau qui m’est imposé, mais la mission que vous me confiez.
Grand dans ma souffrance: vrai soldat devant ma croix et Cyrénéen pour les autres.
Grand avec le monde: méprisant sa pusillanimité, ne cédant rien à ses tromperies et lâchetés.
Grand avec les hommes: toujours fidèle, serviable envers ceux qui sont dans le besoin, conduisant vers Vous ceux qui m’aiment.
Grand avec moi-même: jamais replié sur moi-même, toujours appuyé sur Vous.
Grand avec Vous, ô Christ: heureux de vivre pour vous servir, heureux de mourir pour Vous voir».( Tirso Arellano, S.J.)
Ainsi soit-il.