Le Saint Rosaire.
De toutes les manières de réciter le saint Rosaire, la plus glorieuse à Dieu, la plus salutaire à l’âme et la plus terrible au diable, c’est de le psalmodier ou de le réciter publiquement.
D’après « Le secret du Saint Rosaire » de saint Louis Marie Grignon de Monfort.
Aujourd’hui, courant le mois d’octobre, mois du Saint Rosaire, je voudrais vous proposer quelques considérations sur cette sainte prière tirées des enseignements de saint Louis Marie Grignon de Montfort.
Voici d’abord les paroles de la Vierge Marie elle-même à sainte Gertrude: «Jamais homme n’a fait quelque chose de plus beau que l’Ave Maria. On ne peut me saluer d’une façon plus douce à mon cœur que par ces paroles pleines de respect par lesquelles Dieu le Père m’a saluée lui-même».
Le Saint Rosaire consiste, comme vous le savez, à réciter la prière préférée de la Vierge Marie: le «Je vous salue Marie» et la prière que Jésus lui-même nous a enseignée: le « Notre Père ». Il faut se disposer le mieux possible pour le réciter.
Il faut ainsi réciter le saint Rosaire avec modestie, c’est-à-dire, autant qu’on peut, à genoux, les mains jointes, le rosaire en mains. Si cependant on est malade, on peut le dire en son lit; si on est en voyage, on peut le dire en marchant (en voiture ou en vélo); si pour quelques infirmités on ne peut être à genoux, on peut le dire debout ou assis. On peut même le réciter en travaillant, lors qu’on ne peut pas quitter son travail, pour satisfaire aux devoirs de sa profession; car le travail manuel n’est pas toujours contraire à la prière vocale. J’avoue que notre âme étant limitée dans son opération, quand elle est attentive au travail des mains, elle l’est moins aux opérations de l’esprit, telle qu’est la prière; cependant, dans la nécessité, cette prière a son prix devant la sainte Vierge, qui récompense plus la bonne volonté du cœur que l’action extérieure.
Je vous conseille de partager votre Rosaire en trois chapelets ou trois différents temps de la journée: il vaut mieux le partager ainsi, que de le dire tout à la fois. Si vous ne pouvez pas trouver assez de temps pour en dire le tiers de suite, dites-en une dizaine ici, une dizaine là; vous pourrez faire en sorte, malgré toutes vos occupations et affaires, que vous ayez dit votre Rosaire tout entier, avant de vous mettre au lit.
Imitez en cela la fidélité de saint François de Sales. Etant une fois fort fatigué des visites qu’il avait faites pendant la journée, et minuit étant près de sonner, il se rappela qu’il lui restait quelques dizaines de son Rosaire à dire. Il se mit à genoux et les récita avant de se coucher, malgré tout ce que son aumônier, qui le voyait fatigué, lui pût dire pour l’engager à remettre au lendemain ce qui lui restait de prières.
De toutes les manières de réciter le saint Rosaire, la plus glorieuse à Dieu, la plus salutaire à l’âme et la plus terrible au diable, c’est de le psalmodier ou de le réciter publiquement à deux chœurs. Dieu aime les assemblées. Tous les anges et les bienheureux assemblés dans le ciel y chantent incessamment ses louanges. Les justes assemblés en plusieurs communautés sur la terre y prient en commun jour et nuit.
Notre Seigneur a expressément conseillé cette pratique à ses apôtres et à ses disciples, et leur a promis que toutes les fois qu’ils seraient au moins assemblés deux ou trois en son nom, il se trouverait au milieu d’eux. Quel bonheur d’avoir Jésus-Christ en sa compagnie! Pour le posséder, il ne faut que s’assembler pour dire le chapelet. C’est pourquoi les premiers chrétiens s’assemblaient si souvent pour prier ensemble, malgré les persécutions des empereurs, qui le leur défendaient. Ils aimaient mieux s’exposer à la mort, que manquer de s’assembler pour avoir la compagnie de Jésus-Christ.
Cette manière de prier est plus salutaire à l’âme:
parce que l’esprit est ordinairement plus attentif dans une prière publique que dans une prière particulière;
quand on prie en commun, les prières de chacun deviennent communes à toute l’assemblée et ne font toutes ensemble qu’une même prière; en sorte que, si l’un ne prie pas si bien, un autre dans l’assemblée qui prie mieux supplée à son défaut: le fort supporte le faible, le fervent embrase le tiède, le riche enrichit le pauvre, le mauvais passe parmi les bons. Comment vendre une mesure d’ivraie? Il ne faut pour cela que la mêler avec quatre ou cinq boisseaux de bon blé, et le tout est vendu.
Une personne qui récite son chapelet toute seule n’a que le mérite d’un chapelet; mais si elle le dit avec trente personnes, elle a le mérite de trente chapelets. Ce sont les lois de la prière publique. Quel gain! Quel avantage!
Une indulgence plénière est accordée au fidèle qui récite pieusement le Chapelet dans une église, un oratoire ou en famille (conc. 17, 1).
C’est que cette prière publique est plus puissante, pour apaiser la colère de Dieu et attirer sa miséricorde, que la prière particulière; et l’Eglise, conduite par le Saint-Esprit, s’en est servie dans tous les temps de calamités et de misères publiques. Le pape Grégoire XIII déclare, par sa bulle, qu’il faut pieusement croire, que les prières publiques et processions des confrères du saint Rosaire avaient beaucoup contribué à obtenir de Dieu la grande victoire que les chrétiens gagnèrent au golfe de Lépante sur l’armée navale des Turcs, le 1er dimanche d’octobre 1571. On voit par-là quelle est la force de la prière publique.
Enfin, le Rosaire récité en commun est bien plus terrible au démon, puisqu’on fait, par ce moyen, un corps d’armée pour l’attaquer. Le démon triomphe quelquefois fort facilement de la prière d’un particulier, mais si elle est unie à celle des autres, il n’en peut venir à bout que difficilement.
« Vis unita fit fortior » : L’union fait la force. Les soldats s’assemblent en corps d’armée pour battre leurs ennemis; les méchants s’assemblent souvent pour faire leurs débauches et leurs danses; les démons même s’assemblent pour nous perdre. Pourquoi donc les chrétiens ne s’assembleraient-ils pas pour avoir la compagnie de Jésus-Christ, pour apaiser la colère de Dieu, pour attirer sa grâce et sa miséricorde, et pour vaincre et terrasser plus puissamment les démons ?
C’est une sainte pratique que Dieu, par sa miséricorde a établie pour conserver et augmenter la sainteté de vie et pour empêcher le péché.
Profitons donc de ce moyen si saint et puissant pour obtenir les grâces du Ciel.