Le sel de la terre.
Vous êtes le sel de la terre! Voilà la forte et redoutable parole que nous dit Jésus aujourd’hui, voilà la grande responsabilité qu’il nous donne, voilà la belle mission qu’il nous confie dans ce monde si dur.
Jésus disait à ses disciples : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur? Il ne vaut plus rien: on le jette dehors et il est piétiné par les gens ».
Cet Evangile contient deux paraboles, deux images: le sel et la lumière. Aujourd’hui, je choisis le sel. Commençons par un petit rappel.
Le premier usage du sel, c’est de le mettre dans les aliments, afin de les rendre savoureux. Ce plat est fade? Ajoute une pincée de sel, il sera mangeable! C’est pourquoi le sel est devenu le symbole de la sagesse: un homme est sage quand il a le talent de rendre la vérité appétissante.
Le deuxième usage du sel, c’est d’y plonger les aliments: on sale les viandes et les poissons pour les conserver, puisque le sel détruit les microbes. C’est pourquoi le sel est aussi le symbole de la purification. Ainsi avant d’offrir des sacrifices à leur dieu, les Anciens les salaient pour purifier leur demande.
Or pendant des millénaires, jusqu’au XVIIIe siècle, le sel était rare donc cher. Il fallait travailler dur pour se l’offrir (c’est l’origine du mot «salaire»). Le sel était le symbole d’une chose aussi indispensable que précieuse. Aussi la Bible l’utilise-t-elle à toutes les sauces. Par exemple : «partager le sel» avec quelqu’un signifie : entrer en amitié avec lui; «manger le sel» de quelqu’un, c’est carrément vivre chez lui; quant à «un pacte de sel», c’est une alliance indissoluble.
Les auditeurs de Jésus savaient tout cela. Pourtant grand fut leur étonnement d’entendre Jésus utiliser cette image du sel pour décrire la mission de ses disciples. En effet, nulle part dans l’Ancien Testament, le sel n’est associé au peuple d’Israël. C’est à ses disciples — à eux seuls — que Jésus annonce: « Vous êtes le sel de la terre ». Et cette image du sel dans la terre est encore plus forte que celle du levain dans la pâte, car la terre, c’est l’univers entier, d’une extrémité à l’autre. Ainsi, moi, je serais le sel de la terre? Si je comprends bien, le sel étant ce qui donne du goût, je serais à même de donner à la vie son sens, ce goût sans lequel elle serait bien fade!
Moi, dit Jésus, je vous envoie en ce monde pour y agir comme le sel avec les aliments. Mêlez-vous à lui, intimement, afin de le purifier et l’empêcher de se putréfier; afin de le bonifier, et lui révéler le sens de l’existence; afin de le sauver de sa fadeur et le relever comme je me suis relevé d’entre les morts!
Seigneur, quel programme, comment cela se fera-t-il?
Cela se fera simplement par votre façon de vivre: votre foi, votre fidélité, votre pureté, votre courage, votre charité. A vrai dire, ce que Jésus souligne en nous, ce sont des trésors qu’il y a lui-même déposés.
Jésus nous exhorte à ne pas en douter, à ne pas étouffer ce que nous avons reçu de lui. Il nous encourage à considérer que notre vie, notre prière, notre témoignage portent un message de lumière qu’il serait coupable de taire et de laisser perdre.
En ces années où nous sentons notre foi et notre Eglise menacées, en ces années où nous voyons, non sans une certaine angoisse, monter en force des régimes qui nous haïssent et qui n’hésitent pas à employer la pire violence pour étouffer l’Esprit, nous recevons cette parole de Jésus comme un extraordinaire stimulant.
Je voudrais partager avec vous un exemple qui vient du plus grand pays d’Afrique, le Nigeria.
Une jeune fille, qui aura d’ailleurs 19 ans ces jours-ci, si toutefois elle est encore en vie. Elle s’appelle Léah Sharibu. En février 2018, il y a 4 ans, elle a été kidnappée avec 110 collégiennes, par Boko Haram. Les familles ayant payé une rançon, les filles leur ont été rendues; toutes sauf Léah. Elles ont expliqué : « Pour être libérées, outre la rançon, il y avait une condition: nous devions rejeter le Christ et embrasser l’islam. On a toutes accepté mais Léah a refusé: elle a déclaré que jamais elle ne renierait le Christ». Comment ? Elle pourrait rentrer à la maison avec ses amies, et elle déclare : « Jamais je ne quitterai Jésus »… une fille de 14 ans? Oui, 14 ans mais quelle fidélité à la foi de son baptême; 14 ans et quelle pureté, alors qu’elle sait le sort horrible qui l’attend; 14 ans et quel courage merveilleux! Les médias ont alors reçu une vidéo où les ravisseurs déclarent: « Puisque Léah Sharibu a rejeté l’islam, elle est notre esclave et nous ferons d’elle tout ce que nous voulons ». Depuis, aucune nouvelle de Léah. Si, une seule nouvelle: Léah Sharibu… elle est le sel de la terre.
Est-ce que nous continuons à nous former, à approfondir la connaissance que nous avons de notre foi? Est-ce que nous parlons de notre foi au travail, en famille, avec les amis? Quand était la dernière fois où nous avons invité quelqu’un à venir à la sainte messe ou à recevoir le baptême? Est ce que nous défendons la foi quand elle est objet de moqueries ou de déformations ?
Vous êtes le sel de la terre! Voilà la forte et redoutable parole que nous dit Jésus aujourd’hui, voilà la grande responsabilité qu’il nous donne, voilà la belle mission qu’il nous confie dans ce monde si dur.
Tout passera. Nous passerons. Mais cette parole ne passera pas. Elle est notre force. Elle est notre gloire. Elle est éternelle.