« Dix lépreux vinrent au-devant de Notre-Seigneur, et, se tenant à distance de lui, ils lui criaient : Maître, ou Rabbi, Jésus, ayez pitié de nous ».
Les lépreux sont l’image des pécheurs ; c’est-à-dire qu’ils sont notre image. Ils viennent à Notre-Seigneur. Lui seul pouvait les guérir ; comme lui seul peut nous guérir après le péché.
Ils se tiennent à distance de lui, c’était une loi chez les Juifs ; les lépreux ne pouvaient pas approcher des autres hommes, tant on craignait qu’ils ne donnent leur mal. Ceci nous enseigne avec quelle humilité il faut approcher de Notre-Seigneur, quand on veut lui demander le pardon de ses péchés. Humilité parce qu’on ne mérite rien.
Ce qu’ils demandent à Notre-Seigneur est aussi pour nous un beau modèle de prière : « Jésus, lui disent-ils, ayez pitié de nous ». Nous n’avons pas besoin de vous rien dire de plus. Vous voyez notre mal, maintenant ayez pitié de nous, et cela nous suffira. Vous ferez ensuite pour nous, selon votre pitié, selon votre cœur ; nous ne vous demandons rien de plus.
Notre-Seigneur entend cette façon de prier. Mettons-nous donc en sa sainte présence, et, avec une humble confession de notre lèpre, c’est-à-dire de nos péchés, disons lui : «Jésus, ayez pitié de nous».
Notre-Seigneur dit aux lépreux : « Allez vous montrer aux prêtres », car c’était à eux de vérifier si la guérison de la lèpre était véritable ou non. La loi ordonnait aussi à ceux qui étaient purifiés de la lèpre d’offrir un sacrifice en reconnaissance de leur guérison (S. Cyrille. (Ch. des Pères grecs.)).
Ainsi en leur commandant d’aller se montrer aux prêtres, le Bon Jésus leur donnait à entendre qu’ils seraient guéris. « Et, chemin faisant, ils furent guéris ».
Notre-Seigneur, qui seul peut guérir les lépreux et justifier les pécheurs, ordonne cependant à ceux-ci de se présenter aux prêtres pour la confession des péchés. Et il a donné aux prêtres de la loi nouvelle, le pouvoir non seulement de juger de l’état des pécheurs, mais de leur remettre leurs péchés.
Cette puissance donnée aux prêtres est bien merveilleuse ; mais elle est tout entière l’œuvre d’une miséricorde toute pleine de tendresses pour les pécheurs. En effet, si après avoir péché, nous n’avions qu’à faire pénitence en attendant la sentence que Notre-Seigneur rendra au jugement dernier, nous serions bien à plaindre d’avoir à porter si longtemps le fardeau de nos péchés. Mais par le sacrement de pénitence, Notre-Seigneur prononce sur nous, par la bouche du prêtre, la sentence d’absolution ; et nous nous reposons dans la confiance en la bonté de Dieu. Donc, rendons grâces à Notre-Seigneur, qui nous a donné le sacrement de pénitence.
Un des lépreux se voyant guéri revint sur ses pas, se jeta aux pieds de Notre-Seigneur et le remercia. Il manifeste ainsi doublement sa foi et sa reconnaissance.
« Est-ce que tous les dix n’ont pas été guéris ? Où sont donc les neuf autres ? »
Telles sont les paroles par lesquelles le Bon Jésus s’est plaint de l’ingratitude des neuf autres lépreux qu’il avait guéris. Ils avaient bien su adresser à Dieu des demandes, des prières, des supplications, puisqu’ils élevèrent la voix pour s’écrier : « Jésus, Fils de David, ayez pitié de nous ! ». Mais il leur a manqué ensuite l’action de grâces.
Encore aujourd’hui beaucoup de gens savent [et nous-mêmes aussi] demander avec insistance ce dont ils éprouvent le besoin, mais ils sont bien peu nombreux ceux qui savent se montrer vraiment reconnaissants pour les bienfaits reçus.
Rassurons-nous : il n’y a aucun mal à demander avec insistance, mais ce qui fait que Dieu ne nous exauce point, c’est qu’il nous trouve ingrats.
Vicié par l’amour déréglé de soi-même, l’homme déchu en Adam se croit tout, et pense que tout lui est dû. Quand Dieu lui donne, il s’imagine que ce n’est que justice. Alors c’est Dieu qui lui doit, et ce n’est point l’homme qui est débiteur de Dieu.
Une pareille disposition est la plus désolante ingratitude. Et c’est un vice très commun. L’ingratitude est un grand mal. Saint Bernard dit que c’est un vent brûlant qui dessèche le courant des grâces de Dieu.
Heureux, donc, le Samaritain ! Ayant reconnu qu’il ne possédait rien qui ne fût un don de Dieu, il sut conserver le dépôt qui lui avait été confié, et il revint vers le Seigneur pour lui rendre grâces. Heureux celui qui sait, à chaque don de la grâce, revenir vers son Bienfaiteur en qui se trouve la plénitude de toutes les grâces. Heureux donc celui qui remercie du fond du cœur, même pour les moindres bienfaits, dans la pensée que tout ce qu’il reçoit est un don purement gratuit.
Appliquons-nous à dire bien ces mots si courts : « Deo gratias » Merci Seigneur ; Merci Dieu ! Cela suffira pour faire de nous des saints : « Deo gratias » !
Et nous qui sommes accablés des bienfaits de Dieu [qui avons reçu les sacrements, combien de communions, de confessions ; des bons conseils, d’enseignements…], accablés donc des bienfaits de Dieu, veillons à n’être point des ingrats, afin que notre Bon Jésus puisse nous adresser ses paroles si consolantes : « Lève-toi, va: ta foi t’a sauvé ».