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Année 2022 : Homélie pour le 13ème dimanche du temps ordinaire (JGA).

Si nous sommes humainement tentés de maudire ceux à qui nous aimerions tant apporter le Christ, prions pour eux de tout notre cœur, en appelant sur eux l’Esprit et une multitude de bénédictions. Cette prière sera efficace tôt ou tard, à notre insu.


Je vous propose aujourd’hui de méditer sur la réprimande que le Christ adresse à Jacques et Jean : trop absorbés par leur conception personnelle du Règne de Dieu, ils en viennent à vouloir semer destruction et violence. Une tendance qui nous habite tous, celle de vouloir imposer le Règne de Dieu « aux incroyants, aux ignorants et au monde païen ». Il ne s’agit pas de pratiquer le relativisme en appelant bien ce qui est mal, mais d’agir comme Jésus : accepter si besoin le rejet et passer notre chemin en appelant la bénédiction de Dieu et la venue de l’Esprit sur ceux qui sont enfermés dans le refus et la désobéissance.

Jamais Jésus n’a forcé quiconque à le suivre. Il a dénoncé l’hypocrisie de ceux qui étaient dans une posture de pouvoir et d’arrogance, mais ne les a pas maudits et n’a pas appelé sur eux le feu du ciel. Il les a appelés malheureux pour dire combien ils passaient à côté de leur propre bonheur. Il a, par ailleurs, toujours instruit le faible et l’ignorant avec douceur. C’est le cas de Zachée, de la Samaritaine et de la femme adultère, qu’il a doucement amenés à changer de vie.

Il est vrai qu’il a appelé à secouer la poussière de ses sandales lorsque le message de l’Evangile était rejeté, de manière à marquer la frontière entre la vérité et l’erreur. Mais jamais il n’a permis que l’on appelle la malédiction et la vengeance de Dieu sur les récalcitrants. Il laisse le jugement pour la fin des temps et propose toujours sa miséricorde.

Il faut reconnaître qu’il est parfois difficile de tenir le juste milieu. François de Sales disait avoir fait un pacte avec lui-même pour ne jamais céder à la colère. Et nous ? Acceptons-nous que le message de l’Evangile que nous annonçons dans nos communautés et nos familles ne soit pas reçu et soit même combattu ? Jésus lui-même l’a accepté alors qu’il est mort aussi pour ses contradicteurs et ses bourreaux. Comment réagissons-nous en pareil cas?

Avons-nous la tentation de vouloir maudire ceux qui s’enferment dans une attitude de refus ? Si les cœurs sont vraiment fermés, sans doute vaut-il mieux se taire et sortir, comme Jésus qui ne cherche pas à rester chez les Samaritains pour les convaincre. Si nous sommes humainement tentés de maudire ceux à qui nous aimerions tant apporter le Christ, prions pour eux de tout notre cœur, en appelant sur eux l’Esprit et une multitude de bénédictions. Cette prière sera efficace tôt ou tard, à notre insu.

Dès les premiers temps du christianisme, les apôtres ont appelé à imiter la douceur du Christ, comme ces extraits des premières épîtres le montrent :

« Sachez-le, mes frères bien-aimés : chacun doit être prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère, car la colère de l’homme ne réalise pas ce qui est juste selon Dieu » (Jc 1,19-20). « Quelqu’un, parmi vous, a-t-il la sagesse et le savoir ? Qu’il montre par sa vie exemplaire que la douceur de la sagesse inspire ses actes » (Jc 3, 13)

« Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même… » (Col 3, 12-13)

Lorsque nous rencontrons les doutes, les hésitations et de simples contradictions c’est souvent notre patience qui est mise à l’épreuve. Il faut alors recommencer avec douceur et charité et selon le principe de gradualité. Il n’est pas possible de tout dire et de tout obtenir d’un coup. Chacun avance à son rythme et certaines conversions prennent du temps. Dans les Actes des Apôtres, la conversion des Samaritains a été totale et fulgurante lorsque Philippe est revenu chez eux après le rejet essuyé par Jésus.

Un grand exemple de cette conversion à la douceur se trouve dans la vie du bienheureux Charles de Foucauld : après sa conversion d’une vie dissipée, il a abandonné toute intransigeance et toute velléité de s’imposer par la force aux autres, tournant le dos à la culture militaire dans laquelle il avait grandi. Il met sur les lèvres du Christ ces paroles très convaincantes :
« Une autre vertu que je vous ai bien souvent recommandée par mes paroles et plus souvent encore par mes exemples, c’est la douceur : c’est pour vous, pour votre bien à tous que je vous l’ai tant de fois prêchée… Pratiquez cette douceur dans vos pensées, éloignant, chassant comme des inspirations du diable toute pensée d’amertume, de dureté, de raideur, de violence, de colère, de rancune, d’antipathie, de jugements sévères sur ceux dont vous n’êtes pas chargés ; accueillez, nourrissez les pensées douces, tendres, charitables, les pensées de sympathie, de bonté, de reconnaissance… Attendrissez-vous en regardant l’amour que vous devez à tous les hommes, mes enfants bien-aimés, vos frères; la reconnaissance que vous devez, à tous, par la gloire que tous me donnent, bon gré, mal gré, à Moi votre Bien-Aimé. »

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