La joie, selon saint Thomas d’Aquin.
La joie des bienheureux est absolument parfaite, et même plus que parfaite, puisqu’ils obtiendront plus qu’ils n’auront pu désirer.
Source: saint Thomas d’Aquin. Somme théologique IIa, IIae, q. 28.
« Si vous gardez mes commandements –nous dit Jésus–, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite ».
La « joie » est un des fruits de Pâques et aussi un des fruits de l’Esprit Saint que Jésus promet d’envoyer une fois qu’il sera monté au Ciel, je voudrais vous entretenir de ce fruit, suivant un enseignement de saint Thomas d’Aquin.
Tout d’abord il faut dire que la joie est un effet de la charité.
Saint Paul affirme que « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Or la joie est produite en nous par cet Esprit, selon une autre affirmation de l’Apôtre : « Le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture et de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit » (Rm 14, 17). Par conséquent la charité est la cause de joie.
Mais il y a aussi la tristesse qui procède également de l’amour, mais pour des motifs opposés. La joie est causée par l’amour, ou bien parce que celui que nous aimons est présent et donc nous expérimentons de la joie en présence de quelqu’un que nous aimons, ou bien encore parce que lui-même est en possession de son bien propre, et le conserve. Ce second motif concerne surtout l’amour de bienveillance qui nous rend joyeux du bien-être de notre ami, même en son absence.
A l’opposé, l’amour engendre la tristesse, soit parce que celui qu’on aime est absent, soit encore parce que celui à qui nous voulons du bien est privé de son bien ou accablé de quelque mal.
Or, par la charité nous aimons Dieu dont le bien est immuable ,éternel, puisqu’il est en personne son propre bien, Dieu ne peut pas perdre son bien, parce qu’il est lui-même son bien. Et « Celui qui demeure dans la charité, demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » affirme saint Jean (1 Jn 4, 16). C’est pourquoi la joie spirituelle qui vient de Dieu est causée par la charité.
Deuxième point. Parfois la joie spirituelle peut être mêlée à la tristesse.
La charité, nous venons de le dire, produit en nous deux sortes de joie ayant Dieu pour objet. La première, qui est la principale, et qui est propre à la charité, a pour objet le bien divin considéré en lui-même. Cette première joie ne peut être mêlée de tristesse, pas plus que le bien sur lequel elle porte ne peut être mêlé d’un mal quelconque, en Dieu tout est bon ; il n’y a pas de place pour le mal. C’est en ce sens que saint Paul dit (Ph 4, 4) : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur ».
La seconde joie a pour objet le bien divin considéré comme étant notre partage. Or cette participation peut rencontrer quelque obstacle. Il en résulte que par-là même de la tristesse peut se mêler à la joie, selon que nous nous attristons de ce qui, en nous-mêmes, empêche de participer au bien divin, comme le sont, par exemple, nos défauts, nos péchés. C’est ainsi que nous retrouvons la joie en combattant nos péchés.
Troisième point : Le Seigneur a dit à ses disciples (Jn 15, 11) : « Que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite ». Mais cette joie peut-elle être plénière, parfaite.
On peut considérer la plénitude de la joie sous un double rapport. D’abord par rapport à la réalité dont on se réjouit, de sorte qu’on se réjouit d’elle autant qu’elle en est digne. En ce sens, il est clair que Dieu seul peut avoir de lui-même une joie plénière, car sa joie est infinie, correspondant ainsi à sa bonté infinie, tandis qu’en toute créature la joie est nécessairement finie, parce que les créatures sont finies.
Ici nous pouvons dire que « la joie est au désir, ce que le repos est au mouvement ». Or le repos est parfait quand le mouvement arrive à son terme ; de même, la joie est parfaite quand il ne reste plus rien à désirer.
Tant que nous sommes en ce monde, le mouvement intérieur du désir ne reste pas en repos, car il nous est toujours possible de nous rapprocher davantage de Dieu par la grâce et par le même fait de le désirer encore plus. Mais quand nous aurons atteint la béatitude parfaite, il ne restera plus rien à désirer, parce qu’on aura la pleine jouissance de Dieu, en laquelle nous obtiendrons aussi tout ce qui aura pu être l’objet de nos désirs pour les autres biens, suivant la parole du Psaume (103, 5) : « Il comble de biens tous nos désirs ». Ainsi, ce ne sera pas seulement le désir que nous avons de Dieu qui trouvera son repos, mais également tous nos autres désirs. La joie des bienheureux est donc absolument parfaite, et même plus que parfaite, puisqu’ils obtiendront plus qu’ils n’auront pu désirer, car saint Paul dit : « Le cœur de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qu’il aime » (1 Co 2, 9). De la même manière nous lisons en saint Luc : « C’est une bonne mesure, tassée, secouée, débordante, qu’on versera dans le pli de votre vêtement » (6, 38).
Toutefois, puisque nulle créature n’est capable d’une joie de Dieu qui soit digne de lui, il faut dire que cette joie absolument parfaite n’est pas contenue dans l’homme, mais que c’est plutôt l’homme qui y pénètre, selon ce que Jésus dit en Saint Matthieu quand il s’adresse au bon et fidèle serviteur : « Entre dans la joie de ton maître » (25, 21).
Je termine en citant trois saints qui se sont distingué par leur joie. Saint François de Sales : « un saint triste est un triste saint ».
Saint Dominique Savio, élève de saint Jean Bosco, disait : « ici nous faisons consister la sainteté à être toujours joyeux ». Et saint Jean Bosco : « Celui qui a le cœur en paix est toujours en fête ».
Ainsi soit-il.