Année 2025-Homélie pour la solennité du Sacré-Cœur de Jésus (JGA).

Mon Cœur est passionné d’amour.
Le message essentiel du Sacré-Cœur, c’est la demande de réparation. Sainte Marguerite-Marie, la confidente de Jésus à Paray-le-Monial, a vécu dans une immolation totale toute sa vie, en esprit de réparation pour les offenses faites au Sacré-Cœur, notamment par les consacrés.
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La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus a commencé dès le début du christianisme, en contemplant le côté ouvert de Jésus mourant sur la Croix; mais elle doit son extension, en grande partie, aux apparitions dont Jésus a gratifié Marguerite-Marie Alacoque, religieuse visitandine de Paray-le Monial à la fin du XVIIème siècle. Peu après son entrée au monastère, elle est gratifiée de plusieurs apparitions du Christ. La plus célèbre de ces apparitions est celle de juin 1675. Marguerite-Marie était à genoux devant la grille du chœur, les yeux fixés sur le tabernacle. Elle venait de recevoir « des grâces excessives de son amour » lorsque tout à coup Jésus lui apparut sur l’autel, lui découvrit son Cœur et dit : «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour; et en reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et sacrilèges et par les froideurs et mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Et ce qui m’est le plus pénible, c’est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés.»
Le Sacré-Cœur est le symbole de l’amour de Dieu. C’est du Cœur de Jésus, Dieu fait homme, que se répand l’amour insondable de Dieu sur tous les hommes. Il n’est pas de symbole plus simple mais aussi plus approprié que le Cœur de Jésus pour illustrer ces mots de saint Jean : « Dieu est amour. »
Lorsque nous représentons le Sacré-Cœur, nous l’entourons d’épines, nous le surmontons d’une croix, nous montrons sa plaie ouverte et nous en faisons jaillir des flammes. Ces quatre attributs nous font comprendre toute l’intensité de l’amour de Jésus. En effet, les flammes nous montrent que le Cœur de Jésus est une « fournaise ardente de charité » et cherche à communiquer avec tous les hommes. « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, a dit Jésus, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49)
La croix rappelle que l’amour de Jésus atteint son point culminant dans sa passion, quand il s’offre lui-même au Père pour sa gloire, pour notre salut et au prix d’un immense sacrifice.
Les épines symbolisent les péchés qui blessent Jésus dans son amour pour les hommes. Malgré la douleur que lui infligent les épines, les péchés des hommes, ce Cœur ne cesse de communiquer son amour à ceux-là même qui le malmènent.
La plaie du côté est la blessure suprême du Vendredi-saint, ouverte par le soldat sur le Calvaire et de laquelle se sont échappés du sang et de l’eau, les symboles du baptême et de l’eucharistie. L’amour de Jésus se communique avant tout au moyen des sacrements, signes de son amour infini pour chaque être humain.
La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, c’est la dévotion à l’amour de Dieu. Dieu s’est fait homme en Marie par amour pour nous et le Cœur de Jésus est le symbole de toute sa dilection.
La dévotion au Sacré-Cœur n’a rien d’une « dévotionette », un passe-temps pour les âmes romantiques et un peu « fleur bleue». Au contraire, elle est exigeante car elle demande de se livrer à l’amour de Jésus, qui est un « feu dévorant » (comme il le dit lui-même à sainte Marguerite-Marie) et de réparer les outrages faits à un Dieu, qui souffre de ne pas être aimé.
Cet amour des hommes, il l’a prouvé d’une manière insondable: en souffrant, en mourant: car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ». Sommes-nous conscients d’avoir été infiniment aimé? Et pourtant, en retour, que d’ingratitudes d’amour, d’indifférence des hommes, à commencer par nous.
Aussi, parce que son amour est si grand, parce qu’il est tellement blessé par nos offenses, parce qu’elles sont si nombreuses et si imméritées, Jésus demande à certaines âmes qu’on le console, qu’on l’aime d’un surcroit d’amour, qu’on répare autant que faire se peut les indifférences, voire le désamour de ceux qui lui tournent le dos.
La dévotion au Sacré-Cœur, son message principal, ne se résume pas à communier neuf premiers vendredis de suite pour obtenir la grâce d’une bonne mort. Comme il l’a dit lui même, c’est dans l’excès de sa miséricorde qu’il fait cette promesse; mais le message essentiel du Sacré-Cœur, c’est la demande de réparation. Sainte Marguerite-Marie, la confidente de Jésus à Paray-le-Monial, a vécu dans une immolation totale toute sa vie, en esprit de réparation pour les offenses faites au Sacré-Cœur, notamment par les consacrés.
Jésus nous a sauvés en s’offrant en rançon pour nos péchés. Et même s’il est Dieu, chacun d’entre nous lui a couté très cher. « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée» dit-il à ce sujet à sainte Angèle de Foligno. Le Sacré-Cœur, c’est l’image de l’amour de Jésus, qui nous appelle à l’accueillir pour le communiquer et surtout, à l’aimer jusqu’au bout du possible pour suppléer pour ceux qui ne l’aiment pas. «Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent, qui n’espèrent et qui ne vous aiment pas». C’est la prière, que l’ange du Portugal enseigna aux trois pastoureaux de Fatima. Elle synthétise admirablement bien l’esprit de la dévotion au Sacré-Cœur. Les enfants la répétaient, face contre terre, pendant des heures entières.
En parlant de son amour pour les hommes, Jésus dit à Marguerite-Marie: « mon Cœur est passionné d’amour ». Il y a des hommes qui l’ont compris, qui ont donné leur vie pour le Cœur Sacré de Jésus. Un exemple extraordinaire que l’histoire nous rappelé est celui des martyrs de la Vendée.
Quand, après la mort du Roi Louis XVI, la Vendée se souleva contre l’esprit et les armées de la Révolution, elle arbora tout naturellement le Sacré-Cœur. On s’est demandé pourquoi le chef vendéen Jacques Cathelineau, surnommé «le saint de l’Anjou», sortant de l’église du Pin-en-Mauges, dans l’actuel Maine-et-Loire, avait pris le Cœur de Jésus comme signe de ralliement. La réponse est simple. Le culte du Sacré-Cœur avait pénétré dans nos provinces de l’Ouest non seulement par les Eudistes et par les Monastères de la Visitation, mais surtout, en ce qui concerne les contrées situées au sud de Nantes, par Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, contemporain des Apparitions de Paray-le-Monial et qui, comme Saint Jean Eudes, joignait à cette dévotion celle du Cœur Immaculé de Marie, fondant même sa doctrine sur le fait que le plus sûr chemin pour aller à Jésus est de passer par Marie.
Louis-Marie Grignion de La Bacheleraie est né le 31 janvier 1673 à Montfort-la-Cane, alors du diocèse de Saint-Malo. Il avait donc 16 ans au moment du grand message de 1689 et celui-ci était donné par le Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie à l’autre bout de la France. Mais il faut croire que ce message lui fut vite connu, puisque, parmi ses très nombreux poèmes religieux ont trouve beaucoup dédiés au Sacré-Cœur et à Sainte Marguerite Marie. De tels vers étaient chantés sur des airs faciles, empruntés aux chansons en vogue. Saint Louis-Marie greffait des paroles sacrées qui se substituaient peu à peu aux paroles légères, si bien que jusqu’au fond des chaumières les plus enfouies dans le bocage vendéen, l’évangélisation pénétrait par ce moyen incomparable. Jacques Cathelineau, voiturier, colporteur de fil et d’aiguilles à travers les maquis et les marais vendéens, avant de devenir l’âme du soulèvement, connaissait parfaitement les chants légués par le Père de Montfort. Il avait même une très jolie voix pour les chanter. Et si certains de ces quatrains pleins d’allant étaient composés comme pour marcher au pas, il n’y avait rien de triomphal, ni à plus forte raison de triomphaliste, dans ces accents. Au contraire, ils invitaient à la pénitence, comme dans ce poème intitulé: «Paroles de Jésus-Christ, qui découvrent les grands biens de la dévotion à son Sacré-Cœur»:
« Allons, pécheurs, allons nous rendre
Auprès du Cœur de Jésus-Christ,
C’est par lui qu’il se fait entendre
Pour nous donner un cœur contrit….
Pour redoubler ta pénitence
Pour m’aimer d’un amour immense
Entre en mon Cœur qui t’aime tant…
Si mon Cœur par sa douce flamme
Ne peut enfin gagner le tien,
O cruel, tu m’arraches l’âme
Et ton cœur transperce le mien ».
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort modelait l’âme des foules qui accouraient pour l’entendre prêcher. Il montrait les abîmes de bonté du Cœur de Jésus, mais aussi les châtiments encourus par ceux qui auraient refusé la paix du Christ:
« Mais mon Cœur contre sa nature
Criera la vengeance à jamais ».
De là, il se tourne vers Louis XIV, ce qui prouve bien qu’il connaissait parfaitement le message de Paray-le-Monial à la royauté et que le peuple, par son enseignement au moins, n’en était pas ignorant :
« Si vous vouliez, Prince de France,
Aimer mon Cœur victorieux,
Et la victoire et l’abondance
Suivraient vos armes en tous lieux.
En mon Cœur est toute victoire
Sur vos ennemis et les miens,
En mon Cœur est toute ma gloire,
Tous mes trésors et tous mes biens ».
Les mots «armes», «victoire», «ennemis», rappellent irrésistiblement les paroles du 17 juin 1689: «Il (le Sacré-Cœur) veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravés dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour les rendre triomphant de tous les ennemis de la Sainte Eglise. Mais Saint Louis-Marie incite le Roi à la conversion, à l’abandon de la créature».
Au travail considérable effectué par Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, il faut ajouter celui des Monastères de la Visitation dans l’Ouest et notamment de la Visitation de Nantes. Ce monastère avait été l’un des premiers à embrasser la dévotion au Sacré-Cœur et nous l’avons vu, à l’emprisonnement du Roi Louis XVI, diffuser une admirable prière au Divin Cœur. Dès l’année 1689, les Visitandines de Nantes avaient envoyé à Sainte Marguerite-Marie des litanies qui la comblèrent de joie et qui formèrent le fond des «Litanies au Sacré-Cœur» que le Saint-Siège approuvera en 1889. Cent ans avant la Révolution, Nantes était devenu un foyer de dévotion au Sacré-Cœur. Parallèlement aux Eudistes qui diffusaient des images du Sacré-Cœur frappées, au verso, du Cœur Immaculé de Marie, les Visitandines de Nantes s’attachaient à reproduire des scapulaires, selon les modèles que le Pape Benoît XIV avait envoyés à Marie Leckzinska et à Mme Louise. Aux abords de la Révolution, ces scapulaires, comme ceux d’Anne-Madeleine Rémuzat durant la peste de Marseille, furent appelés «scapulaires-sauvegardes». Ils se présentaient alors sous la forme d’un Sacré-Cœur rouge cousu sur un petit morceau de drap blanc ou noir carré. On le portait le plus souvent relié à d’autres scapulaires. Puis vint le moment où les Vendéens insurgés, s’inspirant du geste de Cathelineau, l’arborèrent comme un insigne sur leur poitrine ou parfois même à leur chapeau.
Jacques Cathelineau a 34 ans. Il est grand, blond. Son regard est clair et franc. Père de cinq enfants, il est en train de faire leur pain, en ce 13 mars 1793, quand son cousin, Jean Blon, arrive tout essoufflé et lui raconte que, la veille, à Saint-Florent-le-Vieil, un sérieux accrochage a eu lieu entre paysans et gendarmes à cause de la loi de tirage au sort. Un gendarme a été tué, il y a eu des blessés de part et d’autres. Finalement, la force publique s’est enfuie, abandonnant ses armes. Calmement Jacques Cathelineau sort sur la place où un groupe s’est formé. D’un seul coup, il a réalisé que la République chercherait à se venger.
« Mes amis, leur dit-il, nous sommes perdus. Les Républicains, pour se venger, vont venir piller nos maisons et nous égorger tous. Devançons-les: aux armes! Il n’y a pas un instant à perdre. Pour la Religion: en avant! » Vingt-huit jeunes gens répondent à son appel. II rentre dans l’église du village et réapparaît bientôt sur la place, avec une image du Sacré-Cœur sur la poitrine. Aux femmes qui sont là, il dit: « Vous qui ne pouvez vous battre, priez pour le succès de nos armes ». A son épouse en larmes, qui lui montre leurs cinq enfants, il déclare doucement: «Aie confiance : Dieu pour qui je vais lutter aura soin d’eux ». Aux cris de « Vive la Religion », la petite troupe quitte le Pin-en-Mauges. La Vendée a trouvé le signe de sa cohésion: le Sacré-Cœur. Elle se lève pour sauver son âme.
Les juges révolutionnaires ont fait disparaître beaucoup d’interrogatoires pour priver leurs victimes de la gloire du martyre. Dans presque tous les réquisitoires, les prétendus délits politiques sont mêlés aux accusations de «fanatisme», «superstition», «contre-révolution». Cependant, comme pour la famille royale, le «crime» de dévotion au Sacré-Cœur est expressément noté dans nombre d’actes de condamnation qui ont été conservés. Ce ne sont pas seulement des nobles, des prêtres, des religieuses, qui furent massacrés en haine du Sacré-Cœur, mais aussi des gens du peuple, des serviteurs, des domestiques.
Le Pape Pie VI fut immédiatement frappé de la relation étroite qu’il y avait entre le culte du Sacré-Cœur et l’héroïsme des catholiques français qui mouraient en si grand nombre, guillotinés, massacrés, noyés, ou dans le soulèvement de la Vendée militaire. Il saisissait toutes les occasions pour témoigner sa douleur et son admiration devant tant de sacrifices. Pour se tenir au courant des événements qui se précipitaient comme un torrent, il se faisait lire chaque jour les journaux français et allemands par l’abbé Jean-Wandel Wurtz, prêtre lorrain émigré. Sur un appel surnaturel et avec la bénédiction du Pape, cet ecclésiastique pénétra à Lyon, vers la fin de l’année 1793, pour assister les catholiques de cette ville mis à mort par milliers. Pie VI s’enfonçait dans des sanglots et des prières prolongées dans sa chapelle privée. Il accordait des indulgences à une prière spéciale pour la France. C’est après avoir suivi pas à pas les étapes de la Révolution que, dans son allocution consistoriale du 2 juin 1793, il n’hésita pas à déclarer que Louis XVI
pouvait être compté au nombre des martyrs. Arrêté sur ordre du Directoire, Pie VI mourut, on le sait, en France, en 1799. Peu de temps avant de décéder à Valence, ce Pape accordait une indulgence «à tout fidèle qui visiterait un tableau du Sacré-Cœur exposé à la vénération publique dans une église, dans un oratoire ou sur un autel, et y prierait quelques instants aux intentions du Souverain Pontife».
Ainsi, malgré une persécution sanglante sans précédent, qui vit le martyre du Roi de France et de sa famille, des milliers de Français massacrés ou déportés, toute une province, la Vendée, livrée aux Colonnes infernales, le Cœur de Jésus triomphait. «Je règnerai malgré mes ennemis», avait-il dit à Sainte Marguerite-Marie. La puissance de sa dévotion avait inspiré, animé, fortifié, réconforté des légions de héros et de saints. Plus glorieux que jamais, sur les ruines fumantes de la folie meurtrière des suppôts de Satan, il rayonnait d’un éclat fulgurant.
Que le Sacré-Cœur de Jésus nous accorde la grâce de suivre de si sublimes exemples.
Que le Sacré-Cœur de Jésus nous accorde d’être fidèles jusqu’à la mort.
Sacré-Cœur de Jésus, j’ai confiance en Vous.
Publié le 28 juin 2025
Année 2025-Homélie pour la solennité du Sacré-Cœur de Jésus (JGA).
Mon Cœur est passionné d’amour.
Le message essentiel du Sacré-Cœur, c’est la demande de réparation. Sainte Marguerite-Marie, la confidente de Jésus à Paray-le-Monial, a vécu dans une immolation totale toute sa vie, en esprit de réparation pour les offenses faites au Sacré-Cœur, notamment par les consacrés.
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La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus a commencé dès le début du christianisme, en contemplant le côté ouvert de Jésus mourant sur la Croix; mais elle doit son extension, en grande partie, aux apparitions dont Jésus a gratifié Marguerite-Marie Alacoque, religieuse visitandine de Paray-le Monial à la fin du XVIIème siècle. Peu après son entrée au monastère, elle est gratifiée de plusieurs apparitions du Christ. La plus célèbre de ces apparitions est celle de juin 1675. Marguerite-Marie était à genoux devant la grille du chœur, les yeux fixés sur le tabernacle. Elle venait de recevoir « des grâces excessives de son amour » lorsque tout à coup Jésus lui apparut sur l’autel, lui découvrit son Cœur et dit : «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour; et en reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et sacrilèges et par les froideurs et mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Et ce qui m’est le plus pénible, c’est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés.»
Le Sacré-Cœur est le symbole de l’amour de Dieu. C’est du Cœur de Jésus, Dieu fait homme, que se répand l’amour insondable de Dieu sur tous les hommes. Il n’est pas de symbole plus simple mais aussi plus approprié que le Cœur de Jésus pour illustrer ces mots de saint Jean : « Dieu est amour. »
Lorsque nous représentons le Sacré-Cœur, nous l’entourons d’épines, nous le surmontons d’une croix, nous montrons sa plaie ouverte et nous en faisons jaillir des flammes. Ces quatre attributs nous font comprendre toute l’intensité de l’amour de Jésus. En effet, les flammes nous montrent que le Cœur de Jésus est une « fournaise ardente de charité » et cherche à communiquer avec tous les hommes. « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, a dit Jésus, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49)
La croix rappelle que l’amour de Jésus atteint son point culminant dans sa passion, quand il s’offre lui-même au Père pour sa gloire, pour notre salut et au prix d’un immense sacrifice.
Les épines symbolisent les péchés qui blessent Jésus dans son amour pour les hommes. Malgré la douleur que lui infligent les épines, les péchés des hommes, ce Cœur ne cesse de communiquer son amour à ceux-là même qui le malmènent.
La plaie du côté est la blessure suprême du Vendredi-saint, ouverte par le soldat sur le Calvaire et de laquelle se sont échappés du sang et de l’eau, les symboles du baptême et de l’eucharistie. L’amour de Jésus se communique avant tout au moyen des sacrements, signes de son amour infini pour chaque être humain.
La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, c’est la dévotion à l’amour de Dieu. Dieu s’est fait homme en Marie par amour pour nous et le Cœur de Jésus est le symbole de toute sa dilection.
La dévotion au Sacré-Cœur n’a rien d’une « dévotionette », un passe-temps pour les âmes romantiques et un peu « fleur bleue». Au contraire, elle est exigeante car elle demande de se livrer à l’amour de Jésus, qui est un « feu dévorant » (comme il le dit lui-même à sainte Marguerite-Marie) et de réparer les outrages faits à un Dieu, qui souffre de ne pas être aimé.
Cet amour des hommes, il l’a prouvé d’une manière insondable: en souffrant, en mourant: car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ». Sommes-nous conscients d’avoir été infiniment aimé? Et pourtant, en retour, que d’ingratitudes d’amour, d’indifférence des hommes, à commencer par nous.
Aussi, parce que son amour est si grand, parce qu’il est tellement blessé par nos offenses, parce qu’elles sont si nombreuses et si imméritées, Jésus demande à certaines âmes qu’on le console, qu’on l’aime d’un surcroit d’amour, qu’on répare autant que faire se peut les indifférences, voire le désamour de ceux qui lui tournent le dos.
La dévotion au Sacré-Cœur, son message principal, ne se résume pas à communier neuf premiers vendredis de suite pour obtenir la grâce d’une bonne mort. Comme il l’a dit lui même, c’est dans l’excès de sa miséricorde qu’il fait cette promesse; mais le message essentiel du Sacré-Cœur, c’est la demande de réparation. Sainte Marguerite-Marie, la confidente de Jésus à Paray-le-Monial, a vécu dans une immolation totale toute sa vie, en esprit de réparation pour les offenses faites au Sacré-Cœur, notamment par les consacrés.
Jésus nous a sauvés en s’offrant en rançon pour nos péchés. Et même s’il est Dieu, chacun d’entre nous lui a couté très cher. « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée» dit-il à ce sujet à sainte Angèle de Foligno. Le Sacré-Cœur, c’est l’image de l’amour de Jésus, qui nous appelle à l’accueillir pour le communiquer et surtout, à l’aimer jusqu’au bout du possible pour suppléer pour ceux qui ne l’aiment pas. «Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent, qui n’espèrent et qui ne vous aiment pas». C’est la prière, que l’ange du Portugal enseigna aux trois pastoureaux de Fatima. Elle synthétise admirablement bien l’esprit de la dévotion au Sacré-Cœur. Les enfants la répétaient, face contre terre, pendant des heures entières.
En parlant de son amour pour les hommes, Jésus dit à Marguerite-Marie: « mon Cœur est passionné d’amour ». Il y a des hommes qui l’ont compris, qui ont donné leur vie pour le Cœur Sacré de Jésus. Un exemple extraordinaire que l’histoire nous rappelé est celui des martyrs de la Vendée.
Quand, après la mort du Roi Louis XVI, la Vendée se souleva contre l’esprit et les armées de la Révolution, elle arbora tout naturellement le Sacré-Cœur. On s’est demandé pourquoi le chef vendéen Jacques Cathelineau, surnommé «le saint de l’Anjou», sortant de l’église du Pin-en-Mauges, dans l’actuel Maine-et-Loire, avait pris le Cœur de Jésus comme signe de ralliement. La réponse est simple. Le culte du Sacré-Cœur avait pénétré dans nos provinces de l’Ouest non seulement par les Eudistes et par les Monastères de la Visitation, mais surtout, en ce qui concerne les contrées situées au sud de Nantes, par Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, contemporain des Apparitions de Paray-le-Monial et qui, comme Saint Jean Eudes, joignait à cette dévotion celle du Cœur Immaculé de Marie, fondant même sa doctrine sur le fait que le plus sûr chemin pour aller à Jésus est de passer par Marie.
Louis-Marie Grignion de La Bacheleraie est né le 31 janvier 1673 à Montfort-la-Cane, alors du diocèse de Saint-Malo. Il avait donc 16 ans au moment du grand message de 1689 et celui-ci était donné par le Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie à l’autre bout de la France. Mais il faut croire que ce message lui fut vite connu, puisque, parmi ses très nombreux poèmes religieux ont trouve beaucoup dédiés au Sacré-Cœur et à Sainte Marguerite Marie. De tels vers étaient chantés sur des airs faciles, empruntés aux chansons en vogue. Saint Louis-Marie greffait des paroles sacrées qui se substituaient peu à peu aux paroles légères, si bien que jusqu’au fond des chaumières les plus enfouies dans le bocage vendéen, l’évangélisation pénétrait par ce moyen incomparable. Jacques Cathelineau, voiturier, colporteur de fil et d’aiguilles à travers les maquis et les marais vendéens, avant de devenir l’âme du soulèvement, connaissait parfaitement les chants légués par le Père de Montfort. Il avait même une très jolie voix pour les chanter. Et si certains de ces quatrains pleins d’allant étaient composés comme pour marcher au pas, il n’y avait rien de triomphal, ni à plus forte raison de triomphaliste, dans ces accents. Au contraire, ils invitaient à la pénitence, comme dans ce poème intitulé: «Paroles de Jésus-Christ, qui découvrent les grands biens de la dévotion à son Sacré-Cœur»:
« Allons, pécheurs, allons nous rendre
Auprès du Cœur de Jésus-Christ,
C’est par lui qu’il se fait entendre
Pour nous donner un cœur contrit….
Pour redoubler ta pénitence
Pour m’aimer d’un amour immense
Entre en mon Cœur qui t’aime tant…
Si mon Cœur par sa douce flamme
Ne peut enfin gagner le tien,
O cruel, tu m’arraches l’âme
Et ton cœur transperce le mien ».
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort modelait l’âme des foules qui accouraient pour l’entendre prêcher. Il montrait les abîmes de bonté du Cœur de Jésus, mais aussi les châtiments encourus par ceux qui auraient refusé la paix du Christ:
« Mais mon Cœur contre sa nature
Criera la vengeance à jamais ».
De là, il se tourne vers Louis XIV, ce qui prouve bien qu’il connaissait parfaitement le message de Paray-le-Monial à la royauté et que le peuple, par son enseignement au moins, n’en était pas ignorant :
« Si vous vouliez, Prince de France,
Aimer mon Cœur victorieux,
Et la victoire et l’abondance
Suivraient vos armes en tous lieux.
En mon Cœur est toute victoire
Sur vos ennemis et les miens,
En mon Cœur est toute ma gloire,
Tous mes trésors et tous mes biens ».
Les mots «armes», «victoire», «ennemis», rappellent irrésistiblement les paroles du 17 juin 1689: «Il (le Sacré-Cœur) veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravés dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour les rendre triomphant de tous les ennemis de la Sainte Eglise. Mais Saint Louis-Marie incite le Roi à la conversion, à l’abandon de la créature».
Au travail considérable effectué par Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, il faut ajouter celui des Monastères de la Visitation dans l’Ouest et notamment de la Visitation de Nantes. Ce monastère avait été l’un des premiers à embrasser la dévotion au Sacré-Cœur et nous l’avons vu, à l’emprisonnement du Roi Louis XVI, diffuser une admirable prière au Divin Cœur. Dès l’année 1689, les Visitandines de Nantes avaient envoyé à Sainte Marguerite-Marie des litanies qui la comblèrent de joie et qui formèrent le fond des «Litanies au Sacré-Cœur» que le Saint-Siège approuvera en 1889. Cent ans avant la Révolution, Nantes était devenu un foyer de dévotion au Sacré-Cœur. Parallèlement aux Eudistes qui diffusaient des images du Sacré-Cœur frappées, au verso, du Cœur Immaculé de Marie, les Visitandines de Nantes s’attachaient à reproduire des scapulaires, selon les modèles que le Pape Benoît XIV avait envoyés à Marie Leckzinska et à Mme Louise. Aux abords de la Révolution, ces scapulaires, comme ceux d’Anne-Madeleine Rémuzat durant la peste de Marseille, furent appelés «scapulaires-sauvegardes». Ils se présentaient alors sous la forme d’un Sacré-Cœur rouge cousu sur un petit morceau de drap blanc ou noir carré. On le portait le plus souvent relié à d’autres scapulaires. Puis vint le moment où les Vendéens insurgés, s’inspirant du geste de Cathelineau, l’arborèrent comme un insigne sur leur poitrine ou parfois même à leur chapeau.
Jacques Cathelineau a 34 ans. Il est grand, blond. Son regard est clair et franc. Père de cinq enfants, il est en train de faire leur pain, en ce 13 mars 1793, quand son cousin, Jean Blon, arrive tout essoufflé et lui raconte que, la veille, à Saint-Florent-le-Vieil, un sérieux accrochage a eu lieu entre paysans et gendarmes à cause de la loi de tirage au sort. Un gendarme a été tué, il y a eu des blessés de part et d’autres. Finalement, la force publique s’est enfuie, abandonnant ses armes. Calmement Jacques Cathelineau sort sur la place où un groupe s’est formé. D’un seul coup, il a réalisé que la République chercherait à se venger.
« Mes amis, leur dit-il, nous sommes perdus. Les Républicains, pour se venger, vont venir piller nos maisons et nous égorger tous. Devançons-les: aux armes! Il n’y a pas un instant à perdre. Pour la Religion: en avant! » Vingt-huit jeunes gens répondent à son appel. II rentre dans l’église du village et réapparaît bientôt sur la place, avec une image du Sacré-Cœur sur la poitrine. Aux femmes qui sont là, il dit: « Vous qui ne pouvez vous battre, priez pour le succès de nos armes ». A son épouse en larmes, qui lui montre leurs cinq enfants, il déclare doucement: «Aie confiance : Dieu pour qui je vais lutter aura soin d’eux ». Aux cris de « Vive la Religion », la petite troupe quitte le Pin-en-Mauges. La Vendée a trouvé le signe de sa cohésion: le Sacré-Cœur. Elle se lève pour sauver son âme.
Les juges révolutionnaires ont fait disparaître beaucoup d’interrogatoires pour priver leurs victimes de la gloire du martyre. Dans presque tous les réquisitoires, les prétendus délits politiques sont mêlés aux accusations de «fanatisme», «superstition», «contre-révolution». Cependant, comme pour la famille royale, le «crime» de dévotion au Sacré-Cœur est expressément noté dans nombre d’actes de condamnation qui ont été conservés. Ce ne sont pas seulement des nobles, des prêtres, des religieuses, qui furent massacrés en haine du Sacré-Cœur, mais aussi des gens du peuple, des serviteurs, des domestiques.
Le Pape Pie VI fut immédiatement frappé de la relation étroite qu’il y avait entre le culte du Sacré-Cœur et l’héroïsme des catholiques français qui mouraient en si grand nombre, guillotinés, massacrés, noyés, ou dans le soulèvement de la Vendée militaire. Il saisissait toutes les occasions pour témoigner sa douleur et son admiration devant tant de sacrifices. Pour se tenir au courant des événements qui se précipitaient comme un torrent, il se faisait lire chaque jour les journaux français et allemands par l’abbé Jean-Wandel Wurtz, prêtre lorrain émigré. Sur un appel surnaturel et avec la bénédiction du Pape, cet ecclésiastique pénétra à Lyon, vers la fin de l’année 1793, pour assister les catholiques de cette ville mis à mort par milliers. Pie VI s’enfonçait dans des sanglots et des prières prolongées dans sa chapelle privée. Il accordait des indulgences à une prière spéciale pour la France. C’est après avoir suivi pas à pas les étapes de la Révolution que, dans son allocution consistoriale du 2 juin 1793, il n’hésita pas à déclarer que Louis XVI
pouvait être compté au nombre des martyrs. Arrêté sur ordre du Directoire, Pie VI mourut, on le sait, en France, en 1799. Peu de temps avant de décéder à Valence, ce Pape accordait une indulgence «à tout fidèle qui visiterait un tableau du Sacré-Cœur exposé à la vénération publique dans une église, dans un oratoire ou sur un autel, et y prierait quelques instants aux intentions du Souverain Pontife».
Ainsi, malgré une persécution sanglante sans précédent, qui vit le martyre du Roi de France et de sa famille, des milliers de Français massacrés ou déportés, toute une province, la Vendée, livrée aux Colonnes infernales, le Cœur de Jésus triomphait. «Je règnerai malgré mes ennemis», avait-il dit à Sainte Marguerite-Marie. La puissance de sa dévotion avait inspiré, animé, fortifié, réconforté des légions de héros et de saints. Plus glorieux que jamais, sur les ruines fumantes de la folie meurtrière des suppôts de Satan, il rayonnait d’un éclat fulgurant.
Que le Sacré-Cœur de Jésus nous accorde la grâce de suivre de si sublimes exemples.
Que le Sacré-Cœur de Jésus nous accorde d’être fidèles jusqu’à la mort.
Sacré-Cœur de Jésus, j’ai confiance en Vous.
Publié le 28 juin 2025
Année 2025-Homélie pour la solennité du Sacré-Cœur de Jésus (JGA).

Mon Cœur est passionné d’amour.
Le message essentiel du Sacré-Cœur, c’est la demande de réparation. Sainte Marguerite-Marie, la confidente de Jésus à Paray-le-Monial, a vécu dans une immolation totale toute sa vie, en esprit de réparation pour les offenses faites au Sacré-Cœur, notamment par les consacrés.
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La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus a commencé dès le début du christianisme, en contemplant le côté ouvert de Jésus mourant sur la Croix; mais elle doit son extension, en grande partie, aux apparitions dont Jésus a gratifié Marguerite-Marie Alacoque, religieuse visitandine de Paray-le Monial à la fin du XVIIème siècle. Peu après son entrée au monastère, elle est gratifiée de plusieurs apparitions du Christ. La plus célèbre de ces apparitions est celle de juin 1675. Marguerite-Marie était à genoux devant la grille du chœur, les yeux fixés sur le tabernacle. Elle venait de recevoir « des grâces excessives de son amour » lorsque tout à coup Jésus lui apparut sur l’autel, lui découvrit son Cœur et dit : «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour; et en reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et sacrilèges et par les froideurs et mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Et ce qui m’est le plus pénible, c’est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés.»
Le Sacré-Cœur est le symbole de l’amour de Dieu. C’est du Cœur de Jésus, Dieu fait homme, que se répand l’amour insondable de Dieu sur tous les hommes. Il n’est pas de symbole plus simple mais aussi plus approprié que le Cœur de Jésus pour illustrer ces mots de saint Jean : « Dieu est amour. »
Lorsque nous représentons le Sacré-Cœur, nous l’entourons d’épines, nous le surmontons d’une croix, nous montrons sa plaie ouverte et nous en faisons jaillir des flammes. Ces quatre attributs nous font comprendre toute l’intensité de l’amour de Jésus. En effet, les flammes nous montrent que le Cœur de Jésus est une « fournaise ardente de charité » et cherche à communiquer avec tous les hommes. « C’est un feu que je suis venu apporter sur la terre, a dit Jésus, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49)
La croix rappelle que l’amour de Jésus atteint son point culminant dans sa passion, quand il s’offre lui-même au Père pour sa gloire, pour notre salut et au prix d’un immense sacrifice.
Les épines symbolisent les péchés qui blessent Jésus dans son amour pour les hommes. Malgré la douleur que lui infligent les épines, les péchés des hommes, ce Cœur ne cesse de communiquer son amour à ceux-là même qui le malmènent.
La plaie du côté est la blessure suprême du Vendredi-saint, ouverte par le soldat sur le Calvaire et de laquelle se sont échappés du sang et de l’eau, les symboles du baptême et de l’eucharistie. L’amour de Jésus se communique avant tout au moyen des sacrements, signes de son amour infini pour chaque être humain.
La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, c’est la dévotion à l’amour de Dieu. Dieu s’est fait homme en Marie par amour pour nous et le Cœur de Jésus est le symbole de toute sa dilection.
La dévotion au Sacré-Cœur n’a rien d’une « dévotionette », un passe-temps pour les âmes romantiques et un peu « fleur bleue». Au contraire, elle est exigeante car elle demande de se livrer à l’amour de Jésus, qui est un « feu dévorant » (comme il le dit lui-même à sainte Marguerite-Marie) et de réparer les outrages faits à un Dieu, qui souffre de ne pas être aimé.
Cet amour des hommes, il l’a prouvé d’une manière insondable: en souffrant, en mourant: car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime ». Sommes-nous conscients d’avoir été infiniment aimé? Et pourtant, en retour, que d’ingratitudes d’amour, d’indifférence des hommes, à commencer par nous.
Aussi, parce que son amour est si grand, parce qu’il est tellement blessé par nos offenses, parce qu’elles sont si nombreuses et si imméritées, Jésus demande à certaines âmes qu’on le console, qu’on l’aime d’un surcroit d’amour, qu’on répare autant que faire se peut les indifférences, voire le désamour de ceux qui lui tournent le dos.
La dévotion au Sacré-Cœur, son message principal, ne se résume pas à communier neuf premiers vendredis de suite pour obtenir la grâce d’une bonne mort. Comme il l’a dit lui même, c’est dans l’excès de sa miséricorde qu’il fait cette promesse; mais le message essentiel du Sacré-Cœur, c’est la demande de réparation. Sainte Marguerite-Marie, la confidente de Jésus à Paray-le-Monial, a vécu dans une immolation totale toute sa vie, en esprit de réparation pour les offenses faites au Sacré-Cœur, notamment par les consacrés.
Jésus nous a sauvés en s’offrant en rançon pour nos péchés. Et même s’il est Dieu, chacun d’entre nous lui a couté très cher. « Ce n’est pas pour rire que je t’ai aimée» dit-il à ce sujet à sainte Angèle de Foligno. Le Sacré-Cœur, c’est l’image de l’amour de Jésus, qui nous appelle à l’accueillir pour le communiquer et surtout, à l’aimer jusqu’au bout du possible pour suppléer pour ceux qui ne l’aiment pas. «Mon Dieu, je crois, j’adore, j’espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n’adorent, qui n’espèrent et qui ne vous aiment pas». C’est la prière, que l’ange du Portugal enseigna aux trois pastoureaux de Fatima. Elle synthétise admirablement bien l’esprit de la dévotion au Sacré-Cœur. Les enfants la répétaient, face contre terre, pendant des heures entières.
En parlant de son amour pour les hommes, Jésus dit à Marguerite-Marie: « mon Cœur est passionné d’amour ». Il y a des hommes qui l’ont compris, qui ont donné leur vie pour le Cœur Sacré de Jésus. Un exemple extraordinaire que l’histoire nous rappelé est celui des martyrs de la Vendée.
Quand, après la mort du Roi Louis XVI, la Vendée se souleva contre l’esprit et les armées de la Révolution, elle arbora tout naturellement le Sacré-Cœur. On s’est demandé pourquoi le chef vendéen Jacques Cathelineau, surnommé «le saint de l’Anjou», sortant de l’église du Pin-en-Mauges, dans l’actuel Maine-et-Loire, avait pris le Cœur de Jésus comme signe de ralliement. La réponse est simple. Le culte du Sacré-Cœur avait pénétré dans nos provinces de l’Ouest non seulement par les Eudistes et par les Monastères de la Visitation, mais surtout, en ce qui concerne les contrées situées au sud de Nantes, par Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, contemporain des Apparitions de Paray-le-Monial et qui, comme Saint Jean Eudes, joignait à cette dévotion celle du Cœur Immaculé de Marie, fondant même sa doctrine sur le fait que le plus sûr chemin pour aller à Jésus est de passer par Marie.
Louis-Marie Grignion de La Bacheleraie est né le 31 janvier 1673 à Montfort-la-Cane, alors du diocèse de Saint-Malo. Il avait donc 16 ans au moment du grand message de 1689 et celui-ci était donné par le Sacré-Cœur à Sainte Marguerite-Marie à l’autre bout de la France. Mais il faut croire que ce message lui fut vite connu, puisque, parmi ses très nombreux poèmes religieux ont trouve beaucoup dédiés au Sacré-Cœur et à Sainte Marguerite Marie. De tels vers étaient chantés sur des airs faciles, empruntés aux chansons en vogue. Saint Louis-Marie greffait des paroles sacrées qui se substituaient peu à peu aux paroles légères, si bien que jusqu’au fond des chaumières les plus enfouies dans le bocage vendéen, l’évangélisation pénétrait par ce moyen incomparable. Jacques Cathelineau, voiturier, colporteur de fil et d’aiguilles à travers les maquis et les marais vendéens, avant de devenir l’âme du soulèvement, connaissait parfaitement les chants légués par le Père de Montfort. Il avait même une très jolie voix pour les chanter. Et si certains de ces quatrains pleins d’allant étaient composés comme pour marcher au pas, il n’y avait rien de triomphal, ni à plus forte raison de triomphaliste, dans ces accents. Au contraire, ils invitaient à la pénitence, comme dans ce poème intitulé: «Paroles de Jésus-Christ, qui découvrent les grands biens de la dévotion à son Sacré-Cœur»:
« Allons, pécheurs, allons nous rendre
Auprès du Cœur de Jésus-Christ,
C’est par lui qu’il se fait entendre
Pour nous donner un cœur contrit….
Pour redoubler ta pénitence
Pour m’aimer d’un amour immense
Entre en mon Cœur qui t’aime tant…
Si mon Cœur par sa douce flamme
Ne peut enfin gagner le tien,
O cruel, tu m’arraches l’âme
Et ton cœur transperce le mien ».
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort modelait l’âme des foules qui accouraient pour l’entendre prêcher. Il montrait les abîmes de bonté du Cœur de Jésus, mais aussi les châtiments encourus par ceux qui auraient refusé la paix du Christ:
« Mais mon Cœur contre sa nature
Criera la vengeance à jamais ».
De là, il se tourne vers Louis XIV, ce qui prouve bien qu’il connaissait parfaitement le message de Paray-le-Monial à la royauté et que le peuple, par son enseignement au moins, n’en était pas ignorant :
« Si vous vouliez, Prince de France,
Aimer mon Cœur victorieux,
Et la victoire et l’abondance
Suivraient vos armes en tous lieux.
En mon Cœur est toute victoire
Sur vos ennemis et les miens,
En mon Cœur est toute ma gloire,
Tous mes trésors et tous mes biens ».
Les mots «armes», «victoire», «ennemis», rappellent irrésistiblement les paroles du 17 juin 1689: «Il (le Sacré-Cœur) veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravés dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour les rendre triomphant de tous les ennemis de la Sainte Eglise. Mais Saint Louis-Marie incite le Roi à la conversion, à l’abandon de la créature».
Au travail considérable effectué par Saint Louis-Marie Grignion de Montfort, il faut ajouter celui des Monastères de la Visitation dans l’Ouest et notamment de la Visitation de Nantes. Ce monastère avait été l’un des premiers à embrasser la dévotion au Sacré-Cœur et nous l’avons vu, à l’emprisonnement du Roi Louis XVI, diffuser une admirable prière au Divin Cœur. Dès l’année 1689, les Visitandines de Nantes avaient envoyé à Sainte Marguerite-Marie des litanies qui la comblèrent de joie et qui formèrent le fond des «Litanies au Sacré-Cœur» que le Saint-Siège approuvera en 1889. Cent ans avant la Révolution, Nantes était devenu un foyer de dévotion au Sacré-Cœur. Parallèlement aux Eudistes qui diffusaient des images du Sacré-Cœur frappées, au verso, du Cœur Immaculé de Marie, les Visitandines de Nantes s’attachaient à reproduire des scapulaires, selon les modèles que le Pape Benoît XIV avait envoyés à Marie Leckzinska et à Mme Louise. Aux abords de la Révolution, ces scapulaires, comme ceux d’Anne-Madeleine Rémuzat durant la peste de Marseille, furent appelés «scapulaires-sauvegardes». Ils se présentaient alors sous la forme d’un Sacré-Cœur rouge cousu sur un petit morceau de drap blanc ou noir carré. On le portait le plus souvent relié à d’autres scapulaires. Puis vint le moment où les Vendéens insurgés, s’inspirant du geste de Cathelineau, l’arborèrent comme un insigne sur leur poitrine ou parfois même à leur chapeau.
Jacques Cathelineau a 34 ans. Il est grand, blond. Son regard est clair et franc. Père de cinq enfants, il est en train de faire leur pain, en ce 13 mars 1793, quand son cousin, Jean Blon, arrive tout essoufflé et lui raconte que, la veille, à Saint-Florent-le-Vieil, un sérieux accrochage a eu lieu entre paysans et gendarmes à cause de la loi de tirage au sort. Un gendarme a été tué, il y a eu des blessés de part et d’autres. Finalement, la force publique s’est enfuie, abandonnant ses armes. Calmement Jacques Cathelineau sort sur la place où un groupe s’est formé. D’un seul coup, il a réalisé que la République chercherait à se venger.
« Mes amis, leur dit-il, nous sommes perdus. Les Républicains, pour se venger, vont venir piller nos maisons et nous égorger tous. Devançons-les: aux armes! Il n’y a pas un instant à perdre. Pour la Religion: en avant! » Vingt-huit jeunes gens répondent à son appel. II rentre dans l’église du village et réapparaît bientôt sur la place, avec une image du Sacré-Cœur sur la poitrine. Aux femmes qui sont là, il dit: « Vous qui ne pouvez vous battre, priez pour le succès de nos armes ». A son épouse en larmes, qui lui montre leurs cinq enfants, il déclare doucement: «Aie confiance : Dieu pour qui je vais lutter aura soin d’eux ». Aux cris de « Vive la Religion », la petite troupe quitte le Pin-en-Mauges. La Vendée a trouvé le signe de sa cohésion: le Sacré-Cœur. Elle se lève pour sauver son âme.
Les juges révolutionnaires ont fait disparaître beaucoup d’interrogatoires pour priver leurs victimes de la gloire du martyre. Dans presque tous les réquisitoires, les prétendus délits politiques sont mêlés aux accusations de «fanatisme», «superstition», «contre-révolution». Cependant, comme pour la famille royale, le «crime» de dévotion au Sacré-Cœur est expressément noté dans nombre d’actes de condamnation qui ont été conservés. Ce ne sont pas seulement des nobles, des prêtres, des religieuses, qui furent massacrés en haine du Sacré-Cœur, mais aussi des gens du peuple, des serviteurs, des domestiques.
Le Pape Pie VI fut immédiatement frappé de la relation étroite qu’il y avait entre le culte du Sacré-Cœur et l’héroïsme des catholiques français qui mouraient en si grand nombre, guillotinés, massacrés, noyés, ou dans le soulèvement de la Vendée militaire. Il saisissait toutes les occasions pour témoigner sa douleur et son admiration devant tant de sacrifices. Pour se tenir au courant des événements qui se précipitaient comme un torrent, il se faisait lire chaque jour les journaux français et allemands par l’abbé Jean-Wandel Wurtz, prêtre lorrain émigré. Sur un appel surnaturel et avec la bénédiction du Pape, cet ecclésiastique pénétra à Lyon, vers la fin de l’année 1793, pour assister les catholiques de cette ville mis à mort par milliers. Pie VI s’enfonçait dans des sanglots et des prières prolongées dans sa chapelle privée. Il accordait des indulgences à une prière spéciale pour la France. C’est après avoir suivi pas à pas les étapes de la Révolution que, dans son allocution consistoriale du 2 juin 1793, il n’hésita pas à déclarer que Louis XVI
pouvait être compté au nombre des martyrs. Arrêté sur ordre du Directoire, Pie VI mourut, on le sait, en France, en 1799. Peu de temps avant de décéder à Valence, ce Pape accordait une indulgence «à tout fidèle qui visiterait un tableau du Sacré-Cœur exposé à la vénération publique dans une église, dans un oratoire ou sur un autel, et y prierait quelques instants aux intentions du Souverain Pontife».
Ainsi, malgré une persécution sanglante sans précédent, qui vit le martyre du Roi de France et de sa famille, des milliers de Français massacrés ou déportés, toute une province, la Vendée, livrée aux Colonnes infernales, le Cœur de Jésus triomphait. «Je règnerai malgré mes ennemis», avait-il dit à Sainte Marguerite-Marie. La puissance de sa dévotion avait inspiré, animé, fortifié, réconforté des légions de héros et de saints. Plus glorieux que jamais, sur les ruines fumantes de la folie meurtrière des suppôts de Satan, il rayonnait d’un éclat fulgurant.
Que le Sacré-Cœur de Jésus nous accorde la grâce de suivre de si sublimes exemples.
Que le Sacré-Cœur de Jésus nous accorde d’être fidèles jusqu’à la mort.
Sacré-Cœur de Jésus, j’ai confiance en Vous.
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Publié le 28 juin 2025