Homélie pour le dimanche des Rameaux 2018 (JGA)
Choisissons Jésus pour notre roi, avec joie ; ne le faisons pas seuls mais en communion avec tous nos frères croyants, et aussi avec l’Église du ciel, la Jérusalem triomphante. Entrons dans la louange et l’action de grâce pour cet amour qui vient nous chercher jusque dans notre péché et nos prisons intérieures.
D’après “Lectio Divina” du Père Nicolas Bossu.
La Semaine Sainte s’ouvre par une double célébration : la procession, qui commémore l’entrée messianique du Seigneur à Jérusalem, puis la messe qui célèbre sa Passion.
Sur le Mont des oliviers, nous évoquons l’entrée glorieuse de Jésus, annonciatrice de son futur triomphe ; puis nous descendons avec lui dans la vallée du Cédron, vers les mystères de son abaissement et de sa mort, dans l’attente de sa résurrection dimanche prochain.
Ce dimanche, nous nous rassemblons pour la procession des Rameaux. Nous voulons suivre Jésus dans son entrée triomphale à Jérusalem et l’ouverture de sa Passion. Pour mieux vivre ce moment, visitons les lieux à l’aide d’une pèlerine célèbre. Puis essayons d’approfondir spirituellement le sens de la procession.
La procession à laquelle nous participons est l’une des plus anciennes du christianisme. A Jérusalem, la tradition était déjà bien établie au IVe siècle, comme le décrit, dans son journal de voyage, Ethérie, une veuve en pèlerinage dans la cité sainte (Sources Chrétiennes 21, p. 221-223). Quelle émotion de relire son récit détaillé, dix-sept siècles plus tard! « Quand approche cinq heures [du soir], on lit le passage de l’Evangile où les enfants avec des rameaux et des palmes accoururent au-devant du Seigneur en disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Et aussitôt l’évêque se lève avec tout le peuple et alors, du haut du mont des Oliviers, on vient, tout le monde à pied. Tout le peuple marche devant l’évêque au chant des hymnes et des antiennes, répondant toujours : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Tous les petits enfants du pays, jusqu’à ceux qui ne peuvent pas marcher parce qu’ils sont trop jeunes et que leurs parents portent à leur cou, tous tiennent des rameaux, les uns de palmiers, les autres d’oliviers et ainsi on escorte l’évêque à la manière dont le Seigneur a été escorté ce jour-là. Du haut de la montagne jusqu’à la ville, et de là à l’Anastasis [le saint-Sépulcre] en traversant toute la ville, tout le monde fait tout le chemin à pied, même les dames, même les hauts personnages, tous escortent l’évêque en disant le répons ; on va ainsi, tout doucement, tout doucement, pour ne pas fatiguer la foule et le soir est déjà venu quand on arrive à l’Anastasis. Arrivé là, bien qu’il soit tard, on fait pourtant le lucernaire [office du soir], puis encore une prière à la Croix et on renvoie le peuple».
Nous pouvons maintenant nous imaginer au milieu cette foule, rassemblés pour la procession des Rameaux: l’union des cœurs et des âmes dans l’Eglise nous donne d’être tous ensemble présents spirituellement autour du Christ qui entre à Jérusalem. Mais quel est le sens de cette procession et quelle attitude spirituelle devons-nous rechercher ?
Voici ce que suggère le pape Benoît XVI dans son homélie du 1er avril 2012 :
« Chers frères et sœurs, deux sentiments doivent nous habiter particulièrement en ces jours : la louange, comme l’ont fait ceux qui ont accueilli Jésus à Jérusalem par leur « hosanna » ; et l’action de grâce car, dans cette Semaine Sainte, le Seigneur Jésus renouvellera le plus grand don que l’on puisse imaginer : il nous donnera sa vie, son corps et son sang, son amour. Toutefois, à un si grand don, nous devons répondre d’une manière adéquate, c’est-à-dire par le don de nous-mêmes, de notre temps, de notre prière, de notre vie en profonde communion d’amour avec le Christ qui souffre, meurt et ressuscite pour moi. »
Essayons de contempler Jésus qui descend le Mont des oliviers ballotté sur l’ânon et entouré de ses disciples. La foule s’enthousiasme car, pour une fois, celui que l’on porte en triomphe est l’un de siens, un homme du peuple, un pauvre qui les a tous séduits par sa bonté, et dont les signes ont laissé penser qu’il pourrait être le Messie. Pour une fois, Jésus ne rejette pas cette manifestation de ferveur populaire, mais se réjouit pour une raison plus profonde : Il s’avance vers sa grande œuvre, le Salut de l’humanité, le salut de chacun des visages qu’il rencontre dans cette procession tumultueuse.
Cette foule, pourtant, Jésus la connaît bien, comme l’évangéliste Jean nous l’a rappelé il y a quelques semaines, après la purification du Temple : «Beaucoup crurent à son nom… Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous… » (Jn 2,24). Au-delà des sourires et des cris de joie, Jésus a besoin de quelque chose de plus profond pour nous sauver : il a besoin du repentir et de la foi, par lesquels le cœur regrette le mal fait à l’être aimé et se redonne tout entier à lui dans la confiance.
André Frossard l’a bien perçu (Dieu en questions, DDB / Stock, p. 15) : «Le jour des Rameaux, alors que sa passion est proche, le Christ descend du mont des Oliviers vers Jérusalem sur un tapis de palmes et de manteaux déployés. Il sait qu’il va mourir, et de quelle façon. Il sait aussi qu’il aura un second avènement, et que son règne n’aura pas de fin. Pourtant, la vague de joie qui l’accompagne ne soulève en lui que d’effrayantes prophéties sur la ruine de Jérusalem, et cette pensée qu’il semble exprimer pour lui-même à haute voix : ‘Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ?’ Cette parole songeuse et comme teintée d’anxiété, on ne peut plus révélatrice, est à rapprocher de la dernière question de l’Évangile à l’apôtre : ‘Pierre, m’aimes-tu ?’ Pour le Christ, donc pour Dieu, rien d’autre ne compte, et à cette suprême question, la foi est la réponse. C’est elle que le Christ est venu chercher, susciter et recueillir parmi nous, et qu’il craint de ne plus entendre lorsqu’il reviendra» .
Regardons Jésus entrer à Jérusalem : la ville sainte représente aussi notre âme, esclave du péché qu’Il vient délivrer par sa Passion. Il a besoin que nous lui ouvrions les portes, c’est-à-dire que nous soyons disposés à l’accueillir par le repentir. Jérémie avait ainsi exprimé le dépit du Seigneur devant son Peuple, un avertissement pour nous tous : «Pourquoi ce peuple-là est-il rebelle, pourquoi Jérusalem est-elle continuellement rebelle? Ils tiennent fermement à la tromperie, ils refusent de se convertir » (Jr 8,5).
Dans notre prière de ce jour, ouvrons donc toutes grandes les portes au Christ. Comme les habitants de Jérusalem, sortons de nos maisons, de ce qui nous tient enfermés à l’intérieur. Choisissons-le pour notre roi, avec joie ; ne le faisons pas seuls mais en communion avec tous nos frères croyants, et aussi avec l’Église du ciel, la Jérusalem triomphante. Entrons dans la louange et l’action de grâce pour cet amour qui vient nous chercher jusque dans notre péché et nos prisons intérieures.
Dépouillons-nous aussi de nos manteaux d’orgueil et de gloire tout humaine pour lui faire un chemin. Remettons-lui le fruit de notre travail comme ces feuillages que les habitants de Jérusalem avaient cueillis dans les champs.
Cet épisode nous invite également à ne pas être de simples spectateurs du Christ. Mettons-nous en chemin, c’est le sens même de la procession, et acceptons de ne pas nous installer, d’être et de demeurer des disciples pèlerins. « Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : Hosanna ! ». Nous sommes alternativement invités à précéder le Seigneur en l’annonçant pour que son règne s’établisse dans le cœur des hommes et aussi à le suivre humblement, en adoptant ce cri de ralliement, «Hosanna», littéralement « sauve-nous » en hébreu, car Lui seul est notre Maître et notre Sauveur. La foi, qui n’est pas la simple croyance mais l’adhésion de tout notre être à la personne du Fils de Dieu, cette perle précieuse pour laquelle Jésus est mort sur la Croix : voilà ce que nous devons le plus désirer pendant la procession des Rameaux. C’est par elle que la Semaine Sainte pourra produire dans notre âme tous les bienfaits spirituels que le Seigneur veut nous offrir, comme l’exprime la liturgie de cette procession:
« Augmente la foi de ceux qui espèrent en toi, Seigneur, exauce la prière de ceux qui te supplient : nous tenons à la main ces rameaux pour acclamer le triomphe du Christ, pour que nous portions en lui des fruits qui te rendent gloire, donne-nous de vivre comme lui en faisant le bien. Lui qui règne avec toi dans l’unité du Saint Esprit, pour les siècles des siècles».
Ainsi soit-il.
Publié le 26 mars 2018
Homélie pour le dimanche des Rameaux 2018 (JGA)
Choisissons Jésus pour notre roi, avec joie ; ne le faisons pas seuls mais en communion avec tous nos frères croyants, et aussi avec l’Église du ciel, la Jérusalem triomphante. Entrons dans la louange et l’action de grâce pour cet amour qui vient nous chercher jusque dans notre péché et nos prisons intérieures.
D’après “Lectio Divina” du Père Nicolas Bossu.
La Semaine Sainte s’ouvre par une double célébration : la procession, qui commémore l’entrée messianique du Seigneur à Jérusalem, puis la messe qui célèbre sa Passion.
Sur le Mont des oliviers, nous évoquons l’entrée glorieuse de Jésus, annonciatrice de son futur triomphe ; puis nous descendons avec lui dans la vallée du Cédron, vers les mystères de son abaissement et de sa mort, dans l’attente de sa résurrection dimanche prochain.
Ce dimanche, nous nous rassemblons pour la procession des Rameaux. Nous voulons suivre Jésus dans son entrée triomphale à Jérusalem et l’ouverture de sa Passion. Pour mieux vivre ce moment, visitons les lieux à l’aide d’une pèlerine célèbre. Puis essayons d’approfondir spirituellement le sens de la procession.
La procession à laquelle nous participons est l’une des plus anciennes du christianisme. A Jérusalem, la tradition était déjà bien établie au IVe siècle, comme le décrit, dans son journal de voyage, Ethérie, une veuve en pèlerinage dans la cité sainte (Sources Chrétiennes 21, p. 221-223). Quelle émotion de relire son récit détaillé, dix-sept siècles plus tard! « Quand approche cinq heures [du soir], on lit le passage de l’Evangile où les enfants avec des rameaux et des palmes accoururent au-devant du Seigneur en disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Et aussitôt l’évêque se lève avec tout le peuple et alors, du haut du mont des Oliviers, on vient, tout le monde à pied. Tout le peuple marche devant l’évêque au chant des hymnes et des antiennes, répondant toujours : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Tous les petits enfants du pays, jusqu’à ceux qui ne peuvent pas marcher parce qu’ils sont trop jeunes et que leurs parents portent à leur cou, tous tiennent des rameaux, les uns de palmiers, les autres d’oliviers et ainsi on escorte l’évêque à la manière dont le Seigneur a été escorté ce jour-là. Du haut de la montagne jusqu’à la ville, et de là à l’Anastasis [le saint-Sépulcre] en traversant toute la ville, tout le monde fait tout le chemin à pied, même les dames, même les hauts personnages, tous escortent l’évêque en disant le répons ; on va ainsi, tout doucement, tout doucement, pour ne pas fatiguer la foule et le soir est déjà venu quand on arrive à l’Anastasis. Arrivé là, bien qu’il soit tard, on fait pourtant le lucernaire [office du soir], puis encore une prière à la Croix et on renvoie le peuple».
Nous pouvons maintenant nous imaginer au milieu cette foule, rassemblés pour la procession des Rameaux: l’union des cœurs et des âmes dans l’Eglise nous donne d’être tous ensemble présents spirituellement autour du Christ qui entre à Jérusalem. Mais quel est le sens de cette procession et quelle attitude spirituelle devons-nous rechercher ?
Voici ce que suggère le pape Benoît XVI dans son homélie du 1er avril 2012 :
« Chers frères et sœurs, deux sentiments doivent nous habiter particulièrement en ces jours : la louange, comme l’ont fait ceux qui ont accueilli Jésus à Jérusalem par leur « hosanna » ; et l’action de grâce car, dans cette Semaine Sainte, le Seigneur Jésus renouvellera le plus grand don que l’on puisse imaginer : il nous donnera sa vie, son corps et son sang, son amour. Toutefois, à un si grand don, nous devons répondre d’une manière adéquate, c’est-à-dire par le don de nous-mêmes, de notre temps, de notre prière, de notre vie en profonde communion d’amour avec le Christ qui souffre, meurt et ressuscite pour moi. »
Essayons de contempler Jésus qui descend le Mont des oliviers ballotté sur l’ânon et entouré de ses disciples. La foule s’enthousiasme car, pour une fois, celui que l’on porte en triomphe est l’un de siens, un homme du peuple, un pauvre qui les a tous séduits par sa bonté, et dont les signes ont laissé penser qu’il pourrait être le Messie. Pour une fois, Jésus ne rejette pas cette manifestation de ferveur populaire, mais se réjouit pour une raison plus profonde : Il s’avance vers sa grande œuvre, le Salut de l’humanité, le salut de chacun des visages qu’il rencontre dans cette procession tumultueuse.
Cette foule, pourtant, Jésus la connaît bien, comme l’évangéliste Jean nous l’a rappelé il y a quelques semaines, après la purification du Temple : «Beaucoup crurent à son nom… Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous… » (Jn 2,24). Au-delà des sourires et des cris de joie, Jésus a besoin de quelque chose de plus profond pour nous sauver : il a besoin du repentir et de la foi, par lesquels le cœur regrette le mal fait à l’être aimé et se redonne tout entier à lui dans la confiance.
André Frossard l’a bien perçu (Dieu en questions, DDB / Stock, p. 15) : «Le jour des Rameaux, alors que sa passion est proche, le Christ descend du mont des Oliviers vers Jérusalem sur un tapis de palmes et de manteaux déployés. Il sait qu’il va mourir, et de quelle façon. Il sait aussi qu’il aura un second avènement, et que son règne n’aura pas de fin. Pourtant, la vague de joie qui l’accompagne ne soulève en lui que d’effrayantes prophéties sur la ruine de Jérusalem, et cette pensée qu’il semble exprimer pour lui-même à haute voix : ‘Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ?’ Cette parole songeuse et comme teintée d’anxiété, on ne peut plus révélatrice, est à rapprocher de la dernière question de l’Évangile à l’apôtre : ‘Pierre, m’aimes-tu ?’ Pour le Christ, donc pour Dieu, rien d’autre ne compte, et à cette suprême question, la foi est la réponse. C’est elle que le Christ est venu chercher, susciter et recueillir parmi nous, et qu’il craint de ne plus entendre lorsqu’il reviendra» .
Regardons Jésus entrer à Jérusalem : la ville sainte représente aussi notre âme, esclave du péché qu’Il vient délivrer par sa Passion. Il a besoin que nous lui ouvrions les portes, c’est-à-dire que nous soyons disposés à l’accueillir par le repentir. Jérémie avait ainsi exprimé le dépit du Seigneur devant son Peuple, un avertissement pour nous tous : «Pourquoi ce peuple-là est-il rebelle, pourquoi Jérusalem est-elle continuellement rebelle? Ils tiennent fermement à la tromperie, ils refusent de se convertir » (Jr 8,5).
Dans notre prière de ce jour, ouvrons donc toutes grandes les portes au Christ. Comme les habitants de Jérusalem, sortons de nos maisons, de ce qui nous tient enfermés à l’intérieur. Choisissons-le pour notre roi, avec joie ; ne le faisons pas seuls mais en communion avec tous nos frères croyants, et aussi avec l’Église du ciel, la Jérusalem triomphante. Entrons dans la louange et l’action de grâce pour cet amour qui vient nous chercher jusque dans notre péché et nos prisons intérieures.
Dépouillons-nous aussi de nos manteaux d’orgueil et de gloire tout humaine pour lui faire un chemin. Remettons-lui le fruit de notre travail comme ces feuillages que les habitants de Jérusalem avaient cueillis dans les champs.
Cet épisode nous invite également à ne pas être de simples spectateurs du Christ. Mettons-nous en chemin, c’est le sens même de la procession, et acceptons de ne pas nous installer, d’être et de demeurer des disciples pèlerins. « Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : Hosanna ! ». Nous sommes alternativement invités à précéder le Seigneur en l’annonçant pour que son règne s’établisse dans le cœur des hommes et aussi à le suivre humblement, en adoptant ce cri de ralliement, «Hosanna», littéralement « sauve-nous » en hébreu, car Lui seul est notre Maître et notre Sauveur. La foi, qui n’est pas la simple croyance mais l’adhésion de tout notre être à la personne du Fils de Dieu, cette perle précieuse pour laquelle Jésus est mort sur la Croix : voilà ce que nous devons le plus désirer pendant la procession des Rameaux. C’est par elle que la Semaine Sainte pourra produire dans notre âme tous les bienfaits spirituels que le Seigneur veut nous offrir, comme l’exprime la liturgie de cette procession:
« Augmente la foi de ceux qui espèrent en toi, Seigneur, exauce la prière de ceux qui te supplient : nous tenons à la main ces rameaux pour acclamer le triomphe du Christ, pour que nous portions en lui des fruits qui te rendent gloire, donne-nous de vivre comme lui en faisant le bien. Lui qui règne avec toi dans l’unité du Saint Esprit, pour les siècles des siècles».
Ainsi soit-il.
Publié le 26 mars 2018
Homélie pour le dimanche des Rameaux 2018 (JGA)
Choisissons Jésus pour notre roi, avec joie ; ne le faisons pas seuls mais en communion avec tous nos frères croyants, et aussi avec l’Église du ciel, la Jérusalem triomphante. Entrons dans la louange et l’action de grâce pour cet amour qui vient nous chercher jusque dans notre péché et nos prisons intérieures.
D’après “Lectio Divina” du Père Nicolas Bossu.
La Semaine Sainte s’ouvre par une double célébration : la procession, qui commémore l’entrée messianique du Seigneur à Jérusalem, puis la messe qui célèbre sa Passion.
Sur le Mont des oliviers, nous évoquons l’entrée glorieuse de Jésus, annonciatrice de son futur triomphe ; puis nous descendons avec lui dans la vallée du Cédron, vers les mystères de son abaissement et de sa mort, dans l’attente de sa résurrection dimanche prochain.
Ce dimanche, nous nous rassemblons pour la procession des Rameaux. Nous voulons suivre Jésus dans son entrée triomphale à Jérusalem et l’ouverture de sa Passion. Pour mieux vivre ce moment, visitons les lieux à l’aide d’une pèlerine célèbre. Puis essayons d’approfondir spirituellement le sens de la procession.
La procession à laquelle nous participons est l’une des plus anciennes du christianisme. A Jérusalem, la tradition était déjà bien établie au IVe siècle, comme le décrit, dans son journal de voyage, Ethérie, une veuve en pèlerinage dans la cité sainte (Sources Chrétiennes 21, p. 221-223). Quelle émotion de relire son récit détaillé, dix-sept siècles plus tard! « Quand approche cinq heures [du soir], on lit le passage de l’Evangile où les enfants avec des rameaux et des palmes accoururent au-devant du Seigneur en disant : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Et aussitôt l’évêque se lève avec tout le peuple et alors, du haut du mont des Oliviers, on vient, tout le monde à pied. Tout le peuple marche devant l’évêque au chant des hymnes et des antiennes, répondant toujours : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Tous les petits enfants du pays, jusqu’à ceux qui ne peuvent pas marcher parce qu’ils sont trop jeunes et que leurs parents portent à leur cou, tous tiennent des rameaux, les uns de palmiers, les autres d’oliviers et ainsi on escorte l’évêque à la manière dont le Seigneur a été escorté ce jour-là. Du haut de la montagne jusqu’à la ville, et de là à l’Anastasis [le saint-Sépulcre] en traversant toute la ville, tout le monde fait tout le chemin à pied, même les dames, même les hauts personnages, tous escortent l’évêque en disant le répons ; on va ainsi, tout doucement, tout doucement, pour ne pas fatiguer la foule et le soir est déjà venu quand on arrive à l’Anastasis. Arrivé là, bien qu’il soit tard, on fait pourtant le lucernaire [office du soir], puis encore une prière à la Croix et on renvoie le peuple».
Nous pouvons maintenant nous imaginer au milieu cette foule, rassemblés pour la procession des Rameaux: l’union des cœurs et des âmes dans l’Eglise nous donne d’être tous ensemble présents spirituellement autour du Christ qui entre à Jérusalem. Mais quel est le sens de cette procession et quelle attitude spirituelle devons-nous rechercher ?
Voici ce que suggère le pape Benoît XVI dans son homélie du 1er avril 2012 :
« Chers frères et sœurs, deux sentiments doivent nous habiter particulièrement en ces jours : la louange, comme l’ont fait ceux qui ont accueilli Jésus à Jérusalem par leur « hosanna » ; et l’action de grâce car, dans cette Semaine Sainte, le Seigneur Jésus renouvellera le plus grand don que l’on puisse imaginer : il nous donnera sa vie, son corps et son sang, son amour. Toutefois, à un si grand don, nous devons répondre d’une manière adéquate, c’est-à-dire par le don de nous-mêmes, de notre temps, de notre prière, de notre vie en profonde communion d’amour avec le Christ qui souffre, meurt et ressuscite pour moi. »
Essayons de contempler Jésus qui descend le Mont des oliviers ballotté sur l’ânon et entouré de ses disciples. La foule s’enthousiasme car, pour une fois, celui que l’on porte en triomphe est l’un de siens, un homme du peuple, un pauvre qui les a tous séduits par sa bonté, et dont les signes ont laissé penser qu’il pourrait être le Messie. Pour une fois, Jésus ne rejette pas cette manifestation de ferveur populaire, mais se réjouit pour une raison plus profonde : Il s’avance vers sa grande œuvre, le Salut de l’humanité, le salut de chacun des visages qu’il rencontre dans cette procession tumultueuse.
Cette foule, pourtant, Jésus la connaît bien, comme l’évangéliste Jean nous l’a rappelé il y a quelques semaines, après la purification du Temple : «Beaucoup crurent à son nom… Jésus, lui, ne se fiait pas à eux, parce qu’il les connaissait tous… » (Jn 2,24). Au-delà des sourires et des cris de joie, Jésus a besoin de quelque chose de plus profond pour nous sauver : il a besoin du repentir et de la foi, par lesquels le cœur regrette le mal fait à l’être aimé et se redonne tout entier à lui dans la confiance.
André Frossard l’a bien perçu (Dieu en questions, DDB / Stock, p. 15) : «Le jour des Rameaux, alors que sa passion est proche, le Christ descend du mont des Oliviers vers Jérusalem sur un tapis de palmes et de manteaux déployés. Il sait qu’il va mourir, et de quelle façon. Il sait aussi qu’il aura un second avènement, et que son règne n’aura pas de fin. Pourtant, la vague de joie qui l’accompagne ne soulève en lui que d’effrayantes prophéties sur la ruine de Jérusalem, et cette pensée qu’il semble exprimer pour lui-même à haute voix : ‘Quand le Fils de l’homme reviendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ?’ Cette parole songeuse et comme teintée d’anxiété, on ne peut plus révélatrice, est à rapprocher de la dernière question de l’Évangile à l’apôtre : ‘Pierre, m’aimes-tu ?’ Pour le Christ, donc pour Dieu, rien d’autre ne compte, et à cette suprême question, la foi est la réponse. C’est elle que le Christ est venu chercher, susciter et recueillir parmi nous, et qu’il craint de ne plus entendre lorsqu’il reviendra» .
Regardons Jésus entrer à Jérusalem : la ville sainte représente aussi notre âme, esclave du péché qu’Il vient délivrer par sa Passion. Il a besoin que nous lui ouvrions les portes, c’est-à-dire que nous soyons disposés à l’accueillir par le repentir. Jérémie avait ainsi exprimé le dépit du Seigneur devant son Peuple, un avertissement pour nous tous : «Pourquoi ce peuple-là est-il rebelle, pourquoi Jérusalem est-elle continuellement rebelle? Ils tiennent fermement à la tromperie, ils refusent de se convertir » (Jr 8,5).
Dans notre prière de ce jour, ouvrons donc toutes grandes les portes au Christ. Comme les habitants de Jérusalem, sortons de nos maisons, de ce qui nous tient enfermés à l’intérieur. Choisissons-le pour notre roi, avec joie ; ne le faisons pas seuls mais en communion avec tous nos frères croyants, et aussi avec l’Église du ciel, la Jérusalem triomphante. Entrons dans la louange et l’action de grâce pour cet amour qui vient nous chercher jusque dans notre péché et nos prisons intérieures.
Dépouillons-nous aussi de nos manteaux d’orgueil et de gloire tout humaine pour lui faire un chemin. Remettons-lui le fruit de notre travail comme ces feuillages que les habitants de Jérusalem avaient cueillis dans les champs.
Cet épisode nous invite également à ne pas être de simples spectateurs du Christ. Mettons-nous en chemin, c’est le sens même de la procession, et acceptons de ne pas nous installer, d’être et de demeurer des disciples pèlerins. « Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : Hosanna ! ». Nous sommes alternativement invités à précéder le Seigneur en l’annonçant pour que son règne s’établisse dans le cœur des hommes et aussi à le suivre humblement, en adoptant ce cri de ralliement, «Hosanna», littéralement « sauve-nous » en hébreu, car Lui seul est notre Maître et notre Sauveur. La foi, qui n’est pas la simple croyance mais l’adhésion de tout notre être à la personne du Fils de Dieu, cette perle précieuse pour laquelle Jésus est mort sur la Croix : voilà ce que nous devons le plus désirer pendant la procession des Rameaux. C’est par elle que la Semaine Sainte pourra produire dans notre âme tous les bienfaits spirituels que le Seigneur veut nous offrir, comme l’exprime la liturgie de cette procession:
« Augmente la foi de ceux qui espèrent en toi, Seigneur, exauce la prière de ceux qui te supplient : nous tenons à la main ces rameaux pour acclamer le triomphe du Christ, pour que nous portions en lui des fruits qui te rendent gloire, donne-nous de vivre comme lui en faisant le bien. Lui qui règne avec toi dans l’unité du Saint Esprit, pour les siècles des siècles».
Ainsi soit-il.
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Publié le 26 mars 2018