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Année 2023-Homélie pour le dimanche de la Passion(FE)(JGA).

La Passion du Seigneur.

 

L’histoire de la Passion du Fils de Dieu nous fournira plus d’une leçon sur les tristes secrets du cœur humain et de ses passions. Il n’en saurait être autrement: car ce qui se passe à Jérusalem se renouvelle dans le cœur de l’homme pécheur.

Source : Dom Guéranguer, L’année liturgique.

 


Ce dimanche est appelé dimanche de la Passion, parce que l’Eglise commence aujourd’hui à s’occuper spécialement des souffrances du Rédempteur. Et l’Eglise parle, elle s’exprime à travers les magnifiques symboles de la liturgie. Ainsi, selon une ancienne coutume, on voile de violet les statues des saints et les Croix, mais on laisse apparentes les stations du chemin de la Croix. On retire

aussi dans les offices les gloria Patri, manifestation explicite de la gloire de Dieu, voilée en ces jours. Selon la belle expression de Dom Pius Parsch, l’Eglise prend le voile des veuves… Mais pourquoi voiler les Croix me direz-vous? Ces Croix voilées viennent d’un temps où les Croix étaient souvent d’or, sans Christ, garnies de pierres précieuses. Ces Croix glorieuses évoquaient le triomphe du Seigneur, d’où la nécessité de les voiler en ce temps dramatique.

«Ils prirent donc des pierres, pour les jeter sur lui». L’Evangile d’aujourd’hui est d’une brutalité qui nous effraie. Mais imaginez un peu la scène! Ces juifs devant notre Seigneur l’insultent copieusement, «n’avons nous pas raison de dire que tu es un samaritain et un possédé»! Et en conclusion ramassent froidement des pierres dans le but de lapider notre doux Maître! Pourquoi cette haine? On le voit, la fureur des Juifs est au comble, et Jésus est réduit à fuir devant eux car son heure n’était pas venue encore. Il a dû fuir et se cacher. C’est aussi pour exprimer à nos yeux cette humiliation inouïe du Fils de Dieu que l’Eglise a voilé la Croix. Un Dieu qui se cache pour éviter la colère des hommes ! Quel affreux renversement! Pas de faiblesse, ou crainte de la mort, ce serait un blasphème de le penser; bientôt nous verrons Jésus aller au-devant de ses ennemis. En ce moment, il se soustrait à la rage des Juifs, parce que tout ce qui a été prédit de lui ne s’est pas encore accompli. D’ailleurs ce n’est pas sous les coups de pierres qu’il doit expirer; c’est sur l’arbre de malédiction, qui deviendra dès lors l’arbre de vie. Humilions-nous, en voyant le Créateur du ciel et de la terre réduit à se dérober aux regards des hommes, pour échapper à leur fureur. Jésus se cache aux yeux des hommes; mais il n’en sera pas toujours ainsi. Le jour viendra où les pécheurs, devant qui il semble fuir aujourd’hui, imploreront les rochers et les montagnes, les suppliant de tomber sur eux et de les dérober à sa vue; mais leur vœu sera stérile, et « ils verront le Fils de l’homme assis sur les nuées du ciel, dans une puissante et souveraine majesté ».

Par obéissance aux décrets de son Père céleste, par amour pour les hommes, il se livrera entre leurs mains et ils le mettront à mort; mais il sortira victorieux du tombeau, il montera aux cieux et il ira s’asseoir à la droite de son Père. Eux, au contraire, après avoir assouvi leur rage, ils s’endormiront sans remords jusqu’au terrible réveil qui leur est préparé. On sent que la réprobation de ces hommes est sans retour. Voyez avec quelle sévérité le Sauveur leur parle: « Vous n’écoutez pas la parole de Dieu, parce que vous n’êtes pas de Dieu ». Cependant il fut un temps où ils étaient de Dieu: car le Seigneur donne sa grâce à tous; mais ils ont rendu inutile cette grâce; ils s’agitent dans les ténèbres et ils ne verront plus la lumière qu’ils ont refusée.

Durant les semaines qui ont précédé, nous avons vu monter chaque jour la malice des ennemis du Sauveur. Sa présence, sa vue même les irrite, et l’on sent que cette haine concentrée n’attend que le moment d’éclater. La bonté, la douceur de Jésus continuent d’attirer à lui les âmes simples et droites; en même temps que l’humilité de sa vie et l’inflexible pureté de sa doctrine repoussent de plus en plus le Juif superbe qui rêve un Messie conquérant, et le pharisien qui ne craint pas d’altérer la loi de Dieu, pour en faire l’instrument de ses passions. David et Isaïe n’ont pas prédit un trait des humiliations et des douleurs du Messie que ces hommes aveugles ne s’empresseront de réaliser. En eux s’accomplit donc cette terrible parole : « Celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle, ni dans le siècle futur ». La synagogue court à la malédiction. Obstinée dans son erreur, elle ne veut rien écouter, rien voir; elle a faussé à plaisir son jugement: elle a éteint en elle la lumière de l’Esprit-Saint; et on la verra descendre tous les degrés de l’aberration jusqu’à l’abîme. Lamentable spectacle que l’on retrouve encore trop souvent de nos jours, chez ces pécheurs qui, à force de résister à la lumière de Dieu, finissent par trouver un affreux repos dans les ténèbres! Et ne soyons pas étonnés de rencontrer en d’autres hommes les traits que nous observons dans les coupables auteurs de l’effroyable drame qui va s’accomplir à Jérusalem. L’histoire de la Passion du Fils de Dieu nous fournira plus d’une leçon sur les tristes secrets du cœur humain et de ses passions. Il n’en saurait être autrement : car ce qui se passe à Jérusalem se renouvelle dans le cœur de l’homme pécheur. Ce cœur est un Calvaire sur lequel, selon l’expression de l’apôtre, Jésus-Christ est trop souvent crucifié. Même ingratitude, même aveuglement, même fureur. En suivant les récits évangéliques qui vont, jour par jour, être mis sous nos yeux, que notre indignation contre les Juifs se tourne donc aussi contre nous-mêmes et contre nos péchés. Pleurons sur les douleurs de notre victime, nous dont les fautes ont rendu nécessaire un tel sacrifice.

 

 

 

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