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Année 2023-Homélie pour le 25ème dimanche du temps ordinaire (JGA).

Allez à ma vigne, vous aussi.
Certains sont conduits au service de Dieu dans l’enfance, d’autres dans l’adolescence, d’autres dans la jeunesse, d’autres dans la vieillesse, d’autres dans l’extrême vieillesse. Que personne donc, quel que soit son âge, ne désespère s’il veut se convertir à Dieu. Travaillez fidèlement dans la vigne de l’Eglise, pour recevoir le salaire du bonheur éternel et régner avec le Christ dans tous les siècles des siècles.


Imaginez la scène. En cette fin de saison des vendanges, des patrons vignerons, s’en vont heure par heure, tout au long du jour, recruter des ouvriers. Quand vient l’heure de la paye, ils versent à tous le même salaire, sans tenir compte le moins du monde du nombre d’heures de travail de chacun. Les travailleurs se révoltent. L’Evangile des ouvriers de la dernière heure ferait-il l’éloge de l’injustice d’un employeur? Il ne s’agit évidemment pas de cela. Alors, à quoi peut bien penser Jésus quand il raconte une histoire pareille?

La parabole de l’Evangile se déroule sur toute une journée: il nous décrit le maître qui sort de bon matin, puis vers neuf heures, midi, trois heures, vient finalement la fin de l’après-midi, la «onzième heure» selon la désignation romaine, traduit dans notre lectionnaire par «cinq heures». Puis la scène de la rétribution, « le soir venu ». Que représente cette journée, sinon le fait que Dieu et l’homme se rencontrent sur la scène de l’histoire humaine? L’Eglise est cette vigne. Le maître plein de générosité est le Seigneur. Nous pouvons contempler sa bonté à l’œuvre dans l’histoire de tout le genre humain jusqu’à notre petite histoire individuelle.

Nous sommes frappés par la sollicitude du maître pour sa vigne: Dieu « sort », il veut sauver chaque homme, en lui disant: «tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime» (Is 43, 4). Il n’épargne pas les moyens, et on le sent pressé par l’urgence: il faut embaucher des ouvriers, toujours plus; car en dehors de la vigne, en dehors de l’Eglise, il n’y a pas de salut pour l’homme. Même une heure de travail a sa valeur et suffit à orienter un cœur vers Dieu. Nous y voyons la figure de Dieu le Père, plein de tendresse, de bonté, de sollicitude pour ses enfants.
Quel est son but, sa préoccupation unique? Que chaque homme soit greffée sur sa vigne, c’est-à-dire l’Eglise: « Je suis la vigne véritable – dit Jésus – et mon Père est le vigneron » (Jn 15,1).

La parabole s’applique à la vie personnelle. Selon nos histoires, nos appels et surtout notre volonté de nous convertir vraiment, nous entrons dans la vigne du Seigneur à des heures différentes de l’existence. L’histoire des saints l’illustre: certains sont profondément unis à Dieu très jeunes comme Dominique Savio ou les voyants de Fatima; d’autres le sont au tout début de l’âge adulte comme Thérèse de Lisieux ou Louis de Gonzague; d’autres plus tard comme Augustin, François d’Assise. D’autres à la fin de leurs vies, comme le bon larron. Et chacun reçoit en plénitude la même récompense.
Les saints, qui sont parfaitement entrés dans la logique de l’amour, acceptent cette récompense «indifférenciée», car ils se réjouissent que leurs frères soient sauvés comme eux.

Il y a quelques semaines j’ai eu la grâce de marier une couple à l’hôpital. Ensemble depuis 40 ans, elle était en fin de vie, ils se préparaient pour le mariage depuis longtemps. Et ils ne voulaient pas se quitter sans avoir reçu la bénédiction de Dieu pour leur amour. Devant un seul témoin, leur fils, ils se sont mariés dans la simplicité et la joie profonde de qui est conscient de recevoir un énorme cadeau de Dieu. J’ai vécu une des journées plus émouvante de ma vie. Quelques jours après elle est partie dans l’Éternité. Dieu, le maitre de la vigne, sort toujours à la recherche des âmes, à la recherche de ses enfants.

Je voudrais finir avec un très beau paragraphe d’une homélie pour la Septuagésime d’un auteur anonyme du 9e siècle:
«Mes bien-aimés, persévérez dans les bonnes œuvres que vous avez commencées. De malheureux hommes servent un roi terrestre au péril de leur vie et moyennant d’énormes difficultés pour un bénéfice très vite passé et disparu; pourquoi ne serviriez-vous pas le roi du ciel pour obtenir le bonheur du Royaume? Puisque, par la foi, le Seigneur vous a déjà appelés à sa vigne, c’est-à-dire à l’unité de la sainte Eglise, vivez, conduisez-vous de telle sorte que, grâce à la générosité de Dieu, vous puissiez recevoir la pièce d’argent, c’est-à-dire le bonheur du Royaume des cieux. Que personne ne désespère à cause de la grandeur de ses péchés, et ne dise : « Nombreux sont les péchés dans lesquels j’ai persévéré jusqu’à la vieillesse et l’extrême vieillesse; je ne pourrai plus désormais obtenir le pardon, surtout que ce sont les péchés qui m’ont laissé, non pas moi qui les ai rejetés. » Que celui-là ne désespère absolument pas de la miséricorde divine, car les uns sont appelés à la vigne de Dieu à la première heure, d’autres à la troisième, d’autres à la sixième, d’autres à la neuvième, d’autres à la onzième, c’est-à-dire que les uns sont conduits au service de Dieu dans l’enfance, d’autres dans l’adolescence, d’autres dans la jeunesse, d’autres dans la vieillesse, d’autres dans l’extrême vieillesse. Que personne donc, quel que soit son âge, ne désespère s’il veut se convertir à Dieu. Travaillez fidèlement dans la vigne de l’Eglise, pour recevoir le salaire du bonheur éternel et régner avec le Christ dans tous les siècles des siècles».

Allez vous aussi à ma vigne: Alors au travail ! Il n’est jamais trop tard pour s’y mettre.

 

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