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Année 2022. Homélie pour le 6ème dimanche du temps ordinaire (JA).

Les béatitudes.
Vous commencerez à goûter, dès cette vie, les arrhes de la vie éternelle ; car la principale béatitude de l’âme dans le ciel, c’est d’être affermie pour toujours dans la volonté du Père. Elle goûte ainsi la douceur divine, mais elle ne la goûte jamais au ciel, si elle ne s’en est pas revêtue sur terre, où nous sommes pèlerins et voyageurs.


L’Evangile de ce dimanche nous fait entendre la révélation de ce qui constitue l’esprit de Jésus-Christ et par conséquent l’esprit du chrétien.

Jésus descend de la montagne, nous dit saint Luc, et s’arrête sur un terrain plat. « Il y avait là un grand nombre de ses disciples et une grande multitude de gens… Levant les yeux sur ses disciples » il commence à proclamer les béatitudes et les « contre-béatitudes ».

«Saint Luc ne rapporte que quatre béatitudes, tandis que saint Matthieu en compte huit, mais on peut dire que les huit renferment les quatre, comme aussi les quatre comprennent les huit (explique saint Ambroise). Les deux évangélistes mettent la pauvreté en tête des béatitudes; en effet, elle est la première et comme la mère des vertus, parce que celui qui méprisera les choses de ce monde, méritera celles de l’éternité, et s’il veut obtenir la gloire du royaume des cieux, il faut nécessairement qu’il se dégage de l’amour du monde qui le presse de toutes parts ».

Concernant cette première béatitude, saint Basile affirme: «Cependant gardons-nous de croire que tous ceux que la pauvreté accable, aient part à cette béatitude, elle est réservée à ceux-là seuls qui sacrifient les richesses de la terre aux préceptes de Jésus-Christ (c’est-à-dire qui aiment Dieu au-dessus de tout). Combien, en effet, sont pauvres des biens de la terre, mais gardent une grande cupidité par leurs désirs ; la pauvreté ne les sauve point, parce que leurs désirs sont mauvais, car rien de ce qui est involontaire ne peut mériter le bonheur éternel, la vertu demande un acte libre. Bienheureux donc celui qui est pauvre, comme Jésus-Christ, qui a souffert pour nous la pauvreté, car le Seigneur a voulu accomplir le premier toutes les œuvres qui conduisent à la béatitude, en se rendant le modèle de ses disciples ».
Il s’est fait pauvre volontairement… « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous ».

«Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés».
Saint Bède explique cette deuxième béatitude : «C’est-à-dire, bienheureux vous qui châtiez votre corps et le réduisez en servitude parce que vous jouirez un jour de l’abondance des joies célestes. Et ce n’est pas dans ce monde, mais dans la vie future que nous en serons pleinement rassasiés, selon la parole du psalmiste: « Je serai rassasié lorsqu’apparaîtra votre gloire» (Ps 16)».

« Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez ».
Saint Cyrille explique cette troisième béatitude: « Jésus appelle bienheureux ceux qui pleurent, non pas ceux dont les yeux versent extérieurement des larmes, ce qui est commun aux fidèles et aux infidèles quand le malheur les atteint, mais il proclame surtout bienheureux ceux qui fuient une vie légère toute plongée dans les vices et dans les plaisirs de la chair, bienheureux ceux qui ont horreur de ce qui fait les délices du monde, et qui sont comme dans les pleurs par le dégoût et l’ennui que leur causent les vanités du monde ».
Saint Jean Chrysostome commente aussi :« la tristesse qui est selon Dieu, est d’un grand prix à ses yeux et elle obtient la pénitence, le repentir, qui conduit au salut. Aussi saint Paul, qui n’avait point de fautes personnelles à pleurer, versait des larmes pour les péchés d’autrui ; heureuses larmes qui deviennent une source de joie : «Parce que vous rirez ». Pleurer ainsi nos péchés nous garde de nouvelles chutes. Pleurons maintenant pour ne point nous exposer à des gémissements éternels. Souvenons-nous, d’ailleurs, qu’on vit bien souvent le Seigneur pleurer, mais qu’on ne le vit point rire une seule fois ».
Saint Basile dans son homélie sur l’action de grâces:« Jésus promet la joie, le rire à ceux qui pleurent, non point sans doute ce rire extérieur qui sort des lèvres, mais une joie pure et sans mélange d’aucune tristesse ».

«Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent ».
Saint Bède, à propos de cette quatrième béatitude: «Les hommes peuvent vous haïr, mais la méchanceté de leur cœur ne peut atteindre un cœur aimé de Jésus-Christ. « Heureux êtes-vous quand les hommes vous excluent ». Qu’ils vous séparent, qu’ils vous chassent de la synagogue, Jésus-Christ saura bien vous trouver et vous fortifier. « Heureux êtes-vous quand les hommes vous insultent ». Ils vous feront un outrage du nom du crucifié, mais lui-même ressuscite ceux qui meurent avec lui, et il les fait asseoir avec lui dans les cieux (Ep 2, 6 ;2 Tm 2, 2). « Heureux êtes-vous quand les hommes rejettent votre nom comme méprisable ». Jésus veut parler du nom des chrétiens que ses ennemis se sont efforcés de détruire complètement et que les hommes ont rejeté, sans aucun autre motif de haine que le Fils de l’homme et parce que les fidèles ont choisi pour leur nom le nom même du Christ (Ac 11, 26).
Jésus leur prédit donc qu’ils seront persécutés par les hommes, mais que le bonheur qui les attend est au-dessus de toute pensée humaine : « Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel»».

Saint Jean Chrysostome ajoute: La signification de ces mots beaucoup et peu, grand ou petit, doit se mesurer par la grandeur et la dignité de celui qui les emploie. Or, quel est Celui qui promet une grande récompense ? Un prophète ou un apôtre, qui ne sont que des hommes ? Non. Ici Celui qui promet cette «grande récompense », c’est le Seigneur qui possède des trésors éternels et des richesses au-dessus de toute conception humaine ».

Sainte Catherine de Sienne s’exprimait ainsi dans une lettre : «Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse; persévérez jusqu’à la fin, et préférez plutôt mourir que de quitter le poste où Dieu vous a appelé. Mais embrassez la Croix par la patience, et cachez-vous dans le sein de Dieu avec vos peines ; fixez les yeux sur l’Agneau immolé pour vous, et soyez toujours content de ce que Dieu vous donne et vous destine.
Nous devons faire ainsi parce que nous sommes certains que Dieu nous appelle et nous choisit ce qui peut nous rendre plus agréables à ses yeux. Vous irez ainsi de lumière en lumière, et les peines souffertes pour Jésus crucifié vous seront délicieuses, tandis que les jouissances et les consolations du monde vous deviendront amères. Vous commencerez à goûter, dès cette vie, les arrhes de la vie éternelle ; car la principale béatitude de l’âme dans le ciel, c’est d’être affermie pour toujours dans la volonté du Père. Elle goûte ainsi la douceur divine, mais elle ne la goûte jamais au ciel, si elle ne s’en est pas revêtue sur terre, où nous sommes pèlerins et voyageurs. Quand elle s’en est revêtue, elle goûte Dieu par la grâce dans ses peines ; sa mémoire s’emplit du sang de l’Agneau sans tache ; son intelligence s’ouvre et contemple l’amour ineffable que Dieu a manifesté dans la sagesse du Fils, et alors l’amour qu’elle trouve dans la bonté du Saint-Esprit chasse l’amour-propre et l’amour des choses créées, pour n’aimer que Dieu.
Ne craignez donc pas, mais souffrez avec joie pour vous conformer à la volonté de Dieu ».

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