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Année 2022-Homélie pour le 16ème dimanche du temps ordinaire (JGA).

Les amis de Jésus.
L’amitié est l’union de deux âmes, non de deux corps. En ce sens, les anciens disaient que l’amitié est avoir « une seule âme dans deux corps ».

 


« Jésus entra dans un village ». Le village est celui de Béthanie et la maison, celle de Lazare et de ses deux sœurs. Jésus aimait s’y arrêter pour se reposer lorsqu’il accomplissait son ministère dans les environs de Jérusalem.

Marie se réjouissait beaucoup d’avoir le Maître, une fois de temps en temps, pour elle toute seule, de pouvoir écouter en silence les paroles de vie éternelle qu’il lui disait, également pendant ses temps de repos. Elle l’écoutait donc, assise à ses pieds comme on le fait encore aujourd’hui en Orient. Il n’est pas difficile d’imaginer le ton, entre offensé et sous-entendu, avec lequel Marthe, en passant devant eux, dit à Jésus (mais pour que sa sœur entende !) : «Seigneur, cela ne te fait rien ? Ma sœur me laisse seule à faire le service. Dis-lui donc de m’aider ».
Jésus prononça alors une phrase qui constitue à elle seule un petit évangile : « Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas enlevée ».

La tradition a vu dans les deux sœurs le symbole, respectivement, de la vie active et de la vie contemplative. Mais aujourd’hui nous parlerons d’un autre thème que l’Evangile nous présente : celui de l’amitié. « Jésus aimait Marthe et sa sœur, ainsi que Lazare », lit-on dans l’Evangile (Jn 11, 5) . Lorsqu’on lui apprend la nouvelle de la mort de Lazare il dit à ses disciples : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais le tirer de ce sommeil » (Jn 11, 11). Devant la douleur des deux sœurs, il éclate lui-même en sanglots, si bien que les personnes présentes s’exclament : « Voyez comme il l’aimait ! » (Jn 11, 36). C’est si beau et si réconfortant de savoir que Jésus a connu et cultivé ce sentiment si beau et si précieux pour nous les hommes que l’amitié.

Il faut dire de l’amitié ce que saint Augustin disait du temps : « Je sais ce qu’est le temps mais si quelqu’un me demande de le lui expliquer, je ne sais plus ». En d’autres termes, il est plus facile de savoir par intuition ce qu’est l’amitié que de l’expliquer par des mots. Il s’agit d’un attrait réciproque et d’une entente profonde entre deux personnes, mais qui n’est pas basée sur le sexe, contrairement à l’amour conjugal. C’est l’union de deux âmes, non de deux corps. En ce sens, les anciens disaient que l’amitié est avoir « une seule âme dans deux corps ». Elle peut constituer un lien plus fort qu’un lien de parenté. La parenté consiste à avoir le même sang dans les veines ; l’amitié à avoir les mêmes goûts, les mêmes idéaux, les mêmes intérêts.

Il est essentiel pour l’amitié que celle-ci soit fondée sur une recherche commune du bien et de ce qui est honnête. Dans le cas de personnes qui s’unissent pour faire le mal on ne parle pas d’amitié mais de complicité, d’une « association de malfaiteurs », comme on dit dans le jargon juridique.

L’amitié est également différente de l’amour du prochain qui doit embrasser toute personne, même celles qui ne nous aiment pas, même nos ennemis, alors que l’amitié exige la réciprocité, c’est-à-dire que l’autre réponde à notre amour.
L’amitié se nourrit d’intimité c’est-à-dire du fait de confier à un autre ce qu’il y a de plus profond et de plus personnel dans nos pensées et nos expériences. Vous voulez savoir quels sont vos vrais amis et faire un classement parmi eux ? Essayez de vous souvenir des expériences les plus secrètes de votre vie, positives ou négatives, voyez à qui vous les avez confiées : ce sont vos vrais amis. Et s’il existe une chose intime dans votre vie que vous n’avez révélée qu’à une seule personne, cette personne est votre plus grand ami ou amie.

La Bible est remplie d’éloges de l’amitié. « Un ami fidèle est un refuge assuré, celui qui en trouve un a trouvé un trésor » (Si 6, 14ss). Le banc d’essai de la véritable amitié est la fidélité. « Plus d’argent, plus d’amis », dit un dicton populaire. L’amitié qui disparaît à la première difficulté de l’ami n’est pas une vraie amitié. Le véritable ami se révèle dans l’épreuve. L’histoire est pleine d’histoires de grandes amitiés immortalisées par la littérature ; mais il y a également des exemples d’amitiés célèbres dans l’histoire de la sainteté chrétienne, comme celle entre Saint Basile et Saint Grégoire. A la mort de son ami Basile, Grégoire a écrit ces lignes : «Non seulement je fus pris de vénération pour mon ami, le grand Basile, pour le sérieux de sa conduite, pour la maturité et la sagesse de ses discours, mais j’encourageais les autres à en faire autant, même s’ils ne le connaissaient pas encore. Nous guidait la même soif de savoir. Nous étions en compétition, non pas pour être le premier mais pour permettre à l’autre de l’être. Il semblait que nous n’avions qu’une âme en deux corps ».

Un problème délicat concernant l’amitié est si celle-ci est possible également une fois marié. Il n’est pas dit que l’on doive couper de manière catégorique avec tous les amis que l’on possédait avant le mariage, mais une réorganisation est de toute évidence nécessaire, sous peine de difficultés et de crise au sein du couple.

Les amitiés les plus sûres sont celles qui sont cultivées ensemble, en tant que couple. Parmi les amitiés cultivées séparément, les amitiés avec des personnes du même sexe créeront moins de problèmes que celles avec des personnes de sexe opposé. Dans ces cas-là, la présomption, le fait de se croire au-dessus de tout soupçon et de tout danger, est souvent punie. Des titres de films comme « La femme de mon meilleur ami » en disent long sur le problème. Mais mis à part ce fait extrême, ce type d’amitié crée des problèmes pratiques sérieux. L’ami ne peut avoir plus d’importance que le conjoint. On ne peut sortir tous les soirs avec les amis en laissant l’autre (le plus souvent la femme !) seule à la maison.

Pour les personnes consacrées également, les amitiés les plus sûres sont les amitiés partagées avec le reste de la communauté. En parlant de Lazare Jésus ne dit pas : « Mon ami Lazare », mais «notre ami Lazare ». Lazare et ses sœurs étaient également devenus des amis des apôtres, selon le principe bien connu suivant « les amis de mes amis sont mes amis ».

 

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