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Année 2020- Homélie pour le 24ème dimanche du temps ordinaire (JGA).

Où se trouve Jésus ?
En sortant de la messe, et en sortant du confessionnal nous sommes comme le serviteur dont la dette a été remise. Ne le prions plus comme Juge implacable ou Roi en procès, mais comme Père de Jésus-Christ, notre Père qui est plein de Miséricorde. Nous pourrons alors pardonner à nos frères avec une générosité insoupçonnée.
Sources:
https://lectio-divina-rc.fr/
Benoît XVI, Lettre aux catholiques de Chine.


Face aux invitations répétées de Jésus à la miséricorde, face à ses gestes d’accueil des pécheurs, l’apôtre Pierre s’inquiète pour la vie de la communauté : dans quelles limites raisonnables pratiquer le pardon fraternel ? Alors que le Christ vient de confirmer solennellement le pouvoir de lier et délier (Mt 18,18), on comprend son inquiétude, à la tête de la communauté des croyants, une assemblée très humaine, aux multiples conflits et tensions.
La réponse de Jésus est radicale : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ! ». La parabole se déroule sur deux plans successifs : la relation entre un roi et un serviteur; puis celle de ce serviteur avec l’un de ses compagnons. Dans le premier cas, la dette est faramineuse, mais pardonnée par compassion. Notons que le roi aurait pu prendre une décision plus mesurée, en admettant par exemple un délai raisonnable pour le remboursement, comme le lui demande le serviteur : « prends patience… ». Une remise partielle de la dette aurait été une autre possibilité. Mais non : le pardon est total, immédiat, gracieux. Miséricorde impressionnante d’un Dieu généreux, bien loin de nos calculs humains dont l’étroitesse se cachait dans la question de Pierre : « jusqu’à sept fois ? ». Dans le second cas, la dette est modique ; c’est la rancune qui est disproportionnée et le serviteur impitoyable. Notons l’ironie : l’endetté fait une prière pour obtenir le pardon « prends patience envers moi, et je te rembourserai » ; c’est la même prière que son débiteur venait d’utiliser face au roi, et qui avait été efficace. Elle bute ici sur le refus de la clémence, ce qui est d’autant plus scandaleux.

« Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ! » Où trouver les ressources pour une telle générosité ? La parabole nous offre une piste… « Un roi règle ses comptes avec ses serviteurs » : le roi représente Dieu lui-même qui pardonne nos péchés. Puis le serviteur « trouva un de ses compagnons », et la parabole nous transporte sur la scène de nos relations fraternelles. La conclusion de Jésus relie ces deux dimensions : « C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (Mt 18,35). Nous avons donc un roi qui est Dieu le Père, et des compagnons qui sont nos frères ; mais où se trouve le Christ dans la parabole ? Aucun personnage ne tient sa place : Matthieu l’aurait-il oublié?

Jésus occupe une place cachée dans la parabole de cette semaine, un rôle qui est de loin le plus important : dans ce « procès » avec notre Roi qui est Dieu, et où nous devrions payer la dette exorbitante de tous nos péchés, Il est venu « tout payer », tout prendre sur lui par sa Croix. Si Dieu nous pardonne si généreusement, c’est parce que son Fils intercède pour nous. Saint Paul l’exprimait ainsi : « Dieu nous a pardonné toutes nos fautes ! Il a effacé, au détriment des ordonnances légales, la cédule de notre dette, qui nous était contraire ; il l’a supprimée en la clouant à la croix » (Col 2,13-14).

Cette intervention du Christ est discrètement implicite dans la parabole : le roi, « saisi de compassion », remet immédiatement au serviteur la totalité de sa dette, dans un geste d’une magnanimité extraordinaire. C’est la prière humble qui obtient ce miracle; cette prière que nous ne savons pas bien élever devant le Père, mais que le Christ présente pour nous. Il est notre intercesseur auprès du Père, et par la liturgie Il nous associe à cette imploration confiante de la Miséricorde divine. C’est encore Saint Paul qui nous l’explique: « Qui se fera l’accusateur de ceux que Dieu a élus ? C’est Dieu qui justifie. Qui donc condamnera ? Le Christ Jésus, celui qui est mort, que dis-je ? Ressuscité, qui est à la droite de Dieu, qui intercède pour nous ? » (Ro 8,33-34). Un Christ miséricordieux, qui obtient la Miséricorde du Père, qui est venu sur terre pour nous la conférer : c’est bien son visage le plus authentique, le fond de son Cœur, sans opposition avec son rôle de Juge universel, mais en le dépassant.

Il est significatif que Jésus applique cette Miséricorde surtout au pardon mutuel : Il connaît les vicissitudes de nos communautés, et les méandres de nos cœurs qui se ferment si facilement au prochain. Nous nous scandalisons du manque de piété du serviteur vis-à-vis de son compagnon qui lui doit si peu, mais… ne nous arrive-t-il jamais d’avoir des attitudes équivalentes, où nous nous « jetons sur l’autre pour l’étrangler » si ce n’est littéralement, du moins avec des moyens subtils et plus sophistiqués ?
Le pape Benoît XVI écrivait ainsi : « L’histoire de l’Église nous enseigne aussi qu’une authentique communion ne s’exprime pas sans un effort douloureux de réconciliation. En effet, la purification de la mémoire, le pardon de ceux qui ont fait le mal, l’oubli des torts subis et la pacification des cœurs dans l’amour, qui sont à réaliser au nom de Jésus crucifié et ressuscité, peuvent exiger le dépassement de positions ou de visions personnelles issues d’expériences douloureuses ou difficiles, mais ce sont des pas qu’il est urgent d’accomplir pour accroître et manifester les liens de communion entre les fidèles et les Pasteurs ».

En sortant de la messe, et en sortant du confessionnal nous sommes comme le serviteur dont la dette a été remise. Ne le prions plus comme Juge implacable ou Roi en procès, mais comme Père de Jésus-Christ, notre Père qui est plein de Miséricorde. Nous pourrons alors pardonner à nos frères avec une générosité insoupçonnée.

 

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