La Sainte Cité – Solennité de la Toussaint.
« Si ceux-ci et celles-ci sont arrivés à la sainteté, pourquoi ne le pourrais-je ? » (saint Augustin). La grâce que Dieu a donnée aux saints, Il nous l’offre aussi; malheureusement, ce qui manque, c’est notre adhésion à cette grâce.
En ce jour de la Toussaint, nos regards sont déjà tournés vers cette Sainte Cité – la Jérusalem céleste – , qui est le terme de notre espérance et le but auquel tend toute notre vie chrétienne: la Sainte Cité à laquelle nous devons aspirer, la Sainte Cité où nous attendent tous les saints qui nous ont précédés et montré la voie, la Sainte Cité dont la liturgie d’aujourd’hui détaille la gloire et la félicité de la foule immense des sauvés qui la peuplent, parce que, ici-bas, ils ont vécu les Béatitudes évangéliques, la Sainte Cité en laquelle ne peuvent entrer et vivre à jamais que ceux qui meurent dans la grâce et la miséricorde du Seigneur.
La Sainte Eglise, toujours pleine de sollicitude et de crainte pour notre salut, exulte aujourd’hui d’une joie immense en contemplant la gloire de ses enfants qui, parvenus à la patrie céleste, sont en sécurité pour l’éternité, pour toujours à l’abri des embûches du malin. Connus ou inconnus, de toutes origines et de toutes époques, les saints nous crient le secret qu’ils ont trouvé: le vrai sens de la vie est d’aimer Dieu de tout son cœur pour le rejoindre un jour au Ciel !
Anges, patriarches, prophètes, docteurs de la loi, apôtres, martyrs, confesseurs, vierges, anachorètes, chacun a sa manière a fait briller sur la terre quelque chose de la beauté de Dieu.
Comme une mère fière du triomphe de ses enfants, la Sainte Eglise les présente à toute la chrétienté en invitant tous les fidèles à partager sa joie maternelle: « Réjouissons-nous tous dans le Seigneur en célébrant ce jour de fête en l’honneur de tous les saints, de la solennité de laquelle les anges se réjouissent et glorifient le Fils de Dieu » (introït).
Qui sont ces saints si glorieux? Des hommes qui ont vécu comme nous sur cette terre, ont connu nos misères, nos difficultés, nos luttes. Certains d’entre eux nous sont connus, l’Eglise les ayant élevés aux honneurs des autels, mais la grande majorité nous est entièrement inconnue. Humbles gens, qui ont vécu obscurément dans l’accomplissement de leur devoir, sans splendeur, sans renom, dont personne ici-bas ne se souvient, mais que le Père céleste a vus, connus dans le secret et introduits dans Sa gloire après avoir éprouvé leur fidélité.
Une seule chose demeure pour les humbles et les grands, les pauvres et les puissants: le degré d’amour auquel ils sont arrivés, et auquel correspond le degré de gloire qui les rend éternellement heureux.
L’Evangile, citant un passage des béatitudes, nous dévoile quelle fut leur vie sur la terre: « Heureux les pauvres en esprit… heureux les doux… heureux les affligés… heureux les affamés et assoiffés de justice… heureux les miséricordieux… heureux les cœurs purs… heureux les artisans de paix… heureux les persécutés pour la justice… » (Matth. V, 3-10).
Pauvreté, humilité, détachement des biens terrestres; douceur d’âme, résignation et patience dans le douleur, droiture, faim de la justice; bonté et compréhension à l’égard du prochain; pureté d’esprit et de cœur, esprit pacifique et artisan de paix, force et générosité qui, par amour pour Dieu, embrasse toute souffrance et souffre toute injustice, telles sont les caractéristiques de la vie menée par les saints sur la terre, tel devra être le programme de notre vie, si nous voulons arriver comme eux à la sainteté.
« Deux amours ont donc bâti deux cités: l’amour de soi-même jusqu’au mépris de Dieu, celle de la terre, et l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi-même, celle du ciel. L’une se glorifie en soi, et l’autre dans le Seigneur; l’une brigue la gloire des hommes, et l’autre ne veut pour toute gloire que le témoignage de sa conscience; l’une marche la tête levée, toute bouffie d’orgueil, et l’autre dit à Dieu : » Vous êtes ma gloire » (Ps. III, 4) » (saint Augustin, La Cité de Dieu).
Nous voudrions bien devenir saints, mais d’une manière facile, et sans nous faire violence, sans nous fatiguer ; nous voudrions exercer la vertu, mais seulement jusqu’à un certain point, seulement quand elle ne nous demande pas de sacrifices trop onéreux ou ne nous contrarie pas trop. Il arrive ainsi que, devant les actes de vertu qui exigent un plus grand renoncement à nous-mêmes, ou impliquent l’acceptation de choses difficiles comme, par exemple, renoncer à faire valoir ses raisons personnelles, nous nous retirons, trouvant qu’il n’est pas nécessaire d’aller si loin. Et cependant, notre progrès dans le chemin de la sainteté dépend justement de ces actes que nous refusons d’accomplir, sans lesquels notre vie demeurera toujours au même niveau médiocre, en admettant que nous ne reculions pas.
« Nous vivons une heure grave, solennelle et décisive. Peut-être est-il préférable pour les hommes, et surtout pour les chrétiens, de vivre dangereusement, exposés à la mort à tout moment. Je dis peut-être mieux, car avant même le christianisme, le véritable fondateur de la philosophie en Occident, Socrate, enseignait que la philosophie est une préparation à la mort. Et nous adorons un Dieu fait homme, crucifié par amour, dans la figure de l’échec et de la mort. Il n’y a donc pas d’autre moyen d’arriver à la vraie Vie que de suivre l’itinéraire de Notre Seigneur Jésus-Christ » (Jordan Bruno Genta).
Supplions les saints que nous honorons aujourd’hui, de nous aider à vaincre notre paresse, notre mollesse, notre lâcheté; demandons à ceux qui nous ont précédés dans la voie de la sainteté, la force de les suivre. « Si ceux-ci et celles-ci sont arrivés à la sainteté, pourquoi ne le pourrais-je? » (saint Augustin). La grâce que Dieu a donnée aux saints, Il nous l’offre aussi; malheureusement, ce qui manque, c’est notre adhésion à cette grâce.
« O Saints du ciel, je suis la plus petite des créatures, je connais ma misère, mais je sais aussi combien les cœurs nobles et généreux aiment à faire du bien; je vous conjure donc, bienheureux habitants de la cité céleste, de m’adopter pour enfant: à vous seuls reviendra la gloire que vous me ferez acquérir; daignez exaucer ma prière, obtenez-moi, je vous en supplie, votre (…) amour » (Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, in «Histoire d’une âme» XI).
La fête de tous les Saints, qui – en ce monde de ténèbres – entrouvre aux yeux de nos âmes la lumineuse vision du Ciel, doit être pour nous un vif stimulant à nous montrer forts et généreux dans le combat spirituel, un encouragement à nous livrer davantage à l’action de la grâce, un puissant motif pour mettre à mort en nous tout ce qui est contraire à l’amour divin, et un tremplin spirituel pour décupler toutes nos énergies afin de vivre toujours plus intensément l’esprit des Béatitudes.
Un jour, un saint, saint Simon le Nouveau Théologien, eut une expérience mystique de Dieu tellement forte qu’il se dit en lui-même : « Si le paradis n’est que cela, ça me suffit ! ». Mais la voix du Christ lui dit : « Tu es bien médiocre si tu te contentes de cela. La joie que tu as éprouvée, comparée à celle du paradis, est comme un ciel peint sur une toile comparé au vrai ciel ».
Fêter la Toussaint doit être pour chacun de nous un électrochoc, une invitation à nous arrêter, pour lever enfin la tête et porter notre regard sur la vie bienheureuse, notre unique prédestination, notre vocation pour l’éternité : «Oui être enfants de Dieu ad vitam aeternam».
Belle, fervente et très sainte fête de tous les Saints !