Dans le Ciel il n’y a point de rancune, aussi les cœurs bons et humbles qui reçoivent les injures et les calomnies avec joie ou indifférence commencent le bonheur du Ciel dès ce monde; et ceux qui conservent la rancune sont malheureux; ils ont le front soucieux, des yeux qui semblent vous dévorer.
En ce dimanche la Parole de Dieu est assez claire sur le besoin pour nous d’apprendre à pardonner. Je vous invite à la relire tout en priant le Bon Dieu de nous accorder cette grâce précieuse: pardonner à son frère du fond du cœur.
Le pardon occupe une place importante dans notre vie car nous sommes tous pécheurs, imparfaits, nous offensons Dieu et nous offensons les uns les autres.
Dieu, dans sa bonté, est venu nous apporter sa miséricorde et son pardon mais il exige aussi que nous sachions pardonner. Le pardon reçu de Dieu est étroitement lié à celui que nous devons accorder à nos frères. Le passage de l’Ecclésiastique que nous lisons aujourd’hui montre qu’il est impossible et incohérent de demander le pardon de Dieu et de refuser dans le même temps de pardonner à nos frères.
Et s’inscrivant dans ce même enseignement, Jésus le rend beaucoup plus fort et convaincant au moyen d’une parabole. Il montre l’incohérence dans laquelle se trouve celui qui ayant été pardonné refuse de pardonner. Dans cette parabole Jésus parle de dettes, comme dans le Notre Père dans lequel il évoque le pardon: « Remets-nous nos dettes, comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient » (Mt 6,12).
Dans la parabole, l’attitude du premier serviteur est absurde, elle scandalise les autres compagnons qui ne peuvent pas concevoir une telle incohérence. Mais cette incohérence est nôtre lorsque nous refusons de pardonner à nos frères. Dieu nous a remis une énorme dette: nous avons été pardonnés par le baptême, le péché originel nous a été enlevé et nous sommes mêmes devenus enfants de Dieu. Par la suite, avec une infatigable miséricorde, Dieu nous pardonne tous nos péchés dès que nous faisons preuve de repentance. Dieu fait de nos péchés une occasion d’abondantes grâces. Mais si nous fermons nos cœurs aux personnes qui nous ont offensées et qui nous en demandent pardon, alors nous sommes, nous aussi, dans l’incohérence la plus complète.
L’enseignement de Jésus est fort:
« Dans sa colère, son maître le livra aux bourreaux jusqu’à ce qu’il eût remboursé tout ce qu’il devait. C’est ainsi que mon Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur » (34-35).
Saint Jacques reprend aussi cet enseignement salutaire dans sa lettre (2, 12-14): « Parlez et agissez comme des gens qui vont être jugés par une loi de liberté. Car le jugement est sans miséricorde pour celui qui n’a pas fait miséricorde, mais la miséricorde l’emporte sur le jugement [celui qui fait les œuvres de miséricorde a déjà réussi son jugement]. Mes frères, si quelqu’un prétend avoir la foi [c’est grâce à la foi que nous invoquons Dieu et que nous lui demandons miséricorde sur nous], sans la mettre en œuvre [la foi en effet est vivifiée par la charité, et sans les œuvres de miséricorde elle est morte et…], à quoi cela sert-il ? Sa foi peut-elle le sauver ? ».
Le saint Curé d’Ars s’exprime aussi en toute simplicité au sujet de la charité et du pardon. En voilà quelques paragraphes: « Aimons notre prochain; nous aimons bien ceux qui nous font du bien, qui ont de bonnes qualités. Ce n’est pas là où est le mérite, c’est d’aimer ses ennemis, de leur faire du bien. Quand nous ferions toutes les mortifications et autres œuvres, si nous n’aimons pas ceux qui nous font du mal, nous ne sommes pas de bons chrétiens; on n’est bon chrétien que lorsqu’on a passé par ces épreuves-là. Si au moindre mal, vous vous irritez, vous ne pouvez pas dire que vous aimez le Bon Dieu ».
« Le cœur des saints n’a point de fiel: ils aiment tout le monde; ils sont contents dans les persécutions et les humiliations ». La marque distinctive des élus c’est l’amour, comme la marque des réprouvés c’est la haine. Aucun réprouvé n’aime un autre réprouvé; le frère déteste son frère, le fils son père, la mère son enfant, et cette haine universelle se concentre sur Dieu: voilà ce qu’est l’enfer. Les saints aiment tout le monde. Ils aiment surtout leurs ennemis.
« Ce n’est pas pour rien que Notre Seigneur en nous enseignant le « Pater », nous fait dire: «Mon Dieu pardonnez-nous comme nous pardonnons ». Le Bon Dieu ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné. Dès que l’on hait son prochain, Dieu nous rend cette haine. C’est un trait qui se retourne contre nous.
« Dans le Ciel il n’y a point de rancune, aussi les cœurs bons et humbles qui reçoivent les injures et les calomnies avec joie ou indifférence commencent le bonheur du Ciel dès ce monde; et ceux qui conservent la rancune sont malheureux; ils ont le front soucieux, des yeux qui semblent vous dévorer ».
L’amour chrétien, l’amour que Jésus nous apprend, est exprimé par: «aimez-vous les uns les autres… aimez vos ennemis, priez pour ceux qui vous font du mal… pardonner à son frère du fond du cœur »… Cet amour n’est pas un sentiment charnel mais fondamentalement un don de l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité, qui nous fait voir que d’abord nous avons une dette envers Dieu, nos péchés, nos nombreux péchés, et que par la suite il est donc juste que nous remettions les dettes à nos débiteurs, que nous pardonnions à ceux qui nous ont offensés.
Ecoutons le Bon Jésus qui dès la croix nous l’apprend puissamment: « Père, pardonnez-leur »…
S’il est pour nous difficile de pardonner, n’oublions pas que Jésus accorde sa grâce à celui qui la lui demande.