Solennité du Christ Roi.
Le Christ est un roi universel, Il a créé l’univers visible et invisible. Son règne doit donc s’établir sur toutes les activités humaines, rien ne doit échapper à son empire, tout doit lui être soumis.
L’Evangile, en ce jour de la fête du Christ-Roi, met devant nous la scène du procès de Jésus. Notre Sauveur est interrogé par Pilate : « Es-tu le roi des Juifs? ». Et après une première réponse de Jésus: « Mon royaume n’est pas de ce monde »…, Pilate demande encore : « Alors, tu es roi ? ». « Tu le dis, je suis roi » affirme Jésus.
Quelques instants plus tard on trouvera Jésus au milieu de moqueries des soldats: assis, couvert d’un manteau de pourpre, couronné d’épines et portant un roseau dans sa main droite. Les soldats lui font la salutation comme pour le César en disant : « salut, Roi des juifs » et ils crachaient sur lui et l’insultaient.
Royauté mystérieuse qui n’a pas son origine en ce monde… il nous faudra donc renoncer aux codes du monde et accueillir un autre langage. En effet, la dignité royale du Christ ne se manifeste pas d’abord dans le faste et l’éclat, mais elle se révèle comme nulle autre au sommet du Golgotha, sur la croix. C’est dans le langage de la croix qu’il nous faut comprendre la royauté du Christ. Jésus n’est jamais autant roi que dans l’humiliation de sa passion. Les soldats qui l’ont vêtu d’un manteau de pourpre et qui le raillent: « si tu es le roi des juifs, sauve-toi toi-même » (Lc 23, 37) et Pilate qui a fait placer au-dessus de sa tête l’inscription « celui est le roi des juifs » (Lc 23, 38) ne se sont pas trompés. Jésus est roi et bien au-delà de ce qu’ils peuvent imaginer.
Dans l’hymne de Vêpres de d’aujourd’hui l’Eglise nous fait chanter : « Une foule criminelle vocifère : « Nous ne voulons pas que le Christ règne » ». Dans cet hymne, l’Eglise nous rappelle qu’une grande part de notre société s’insurge contre le Christ. Beaucoup de nos contemporains refusent de se soumettre à sa Loi, de porter son joug qui est doux et son fardeau léger.
Le laïcisme est devenu l’air que l’on respire chaque jour à pleins poumons. Il sature l’atmosphère, si bien que nous n’y prêtons même plus attention. Pour réagir à cet air toxique, le Pape Pie XI institua la fête du Christ-Roi. Il faut lutter et travailler pour rétablir les droits de Dieu sur la société. Cette nécessité était déjà proclamée par l’apôtre saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens : « C’est lui, Jésus-Christ, qui doit régner. Oportet autem illum regnare. » (I Co 15, 25). C’est une exigence pour que notre société retrouve la santé. Et elle ne la retrouvera qu’en reconnaissant les droits que Dieu possède sur elle. Voilà la solution au mal dont elle souffre et agonise.
Rappelons-le encore une fois: la doctrine du Christ-Roi n’est pas une belle idée, encore moins un concept abstrait déconnecté de la réalité, elle est un principe destiné à être appliqué à deux niveaux distincts : sur nos âmes d’abord et sur la société ensuite. La royauté du Christ est appelée à s’exercer invisiblement sur les consciences et visiblement sur le domaine temporel, à savoir la politique, les sciences et la culture. Elle a vocation à s’étendre selon ces deux directions.
Jésus-Christ veut d’abord et essentiellement régner dans les âmes d’une royauté d’amour, intérieure et universelle. C’est pourquoi le Christ répond à Pilate: « Mon royaume n’est point d’ici ». Cela signifie que son royaume est avant tout spirituel, il a pour but d’amener les âmes à la vie éternelle. Le Christ est un Roi au service de la Vérité. Il est venu en ce monde pour éclairer les intelligences et les faire adhérer à la vraie foi. La mission qu’il a reçue de son Père est de rendre témoignage à la Vérité qui rend libre. Son rôle est de délivrer les hommes de la misère spirituelle et de la damnation. Il est le Roi-Sauveur qui arrache des griffes du démon les âmes qui demeuraient sous le pouvoir de ce dernier.
Saint Augustin commente : « Quel intérêt pour le Roi des siècles de devenir le roi des hommes? Le Christ n’est pas roi d’Israël pour lever un tribut, pour équiper une armée ou pour combattre des ennemis visibles, mais pour gouverner les âmes, pour veiller à leur salut éternel et pour conduire au royaume des cieux ceux qui croient, espèrent et aiment. Pour le Fils de Dieu égal au Père, Verbe « par qui tout a été fait », c’est donc une condescendance de consentir à être roi d’Israël et non une promotion. C’est la marque de sa miséricorde, bien loin d’être un accroissement de pouvoir ».
Il est venu en ce monde pour illuminer surnaturellement tout homme qui s’approche de Lui. Faut-il en conclure que sa royauté se limite à la conscience individuelle? Non, ce serait tomber dans l’erreur protestante, dans l’hérésie moderniste. Ce serait même un blasphème que de reléguer son règne au fond des consciences. Cela reviendrait à nier que la religion possède droit de cité, comme si elle devait se cantonner au domaine privé.
Malheureusement, cette erreur est très répandue et cela même parmi les catholiques. On peut parfois être tenté de garder ses convictions religieuses uniquement pour le cercle familial et pactiser plus ou moins avec l’esprit du monde dans sa vie professionnelle. On se donne comme prétexte que, de nos jours, il n’y a pas d’autre solution que de faire quelques compromis. C’est oublier les exigences de l’Evangile. Ce qui est sûr, c’est que la royauté du Christ est destinée à s’exercer dans le domaine temporel. On entend par là, les institutions, la politique et la culture.
La raison en est la suivante. Le Christ est un roi universel, Il a créé l’univers visible et invisible. Son règne doit donc s’établir sur toutes les activités humaines, rien ne doit échapper à son empire, tout doit lui être soumis. Telle est la doctrine enseignée par Pie XI dans son Encyclique Quas primas. Il institua la fête du Christ-Roi pour lutter contre le laïcisme et rappeler la place qui revient de plein droit à Dieu dans la société. Jésus-Christ est vraiment Roi, il doit donc régner sur les familles, les entreprises, les institutions (les écoles…), les arts et la culture, le domaine de la santé publique, etc. Le Christ est le Créateur de l’être humain et le fondateur de la société humaine. A ce titre, il est nécessaire que les sociétés lui rendent un culte public. Il possède un droit strict à ce que les chefs d’Etat et les corps intermédiaires reconnaissent sa souveraineté sur l’ordre temporel en son entier. Quand Jésus dit dans l’Evangile : « donnez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » il faut comprendre que César (l’ordre temporel) doit aussi « donner à Dieu ce qui est à Dieu ».
Dans la situation actuelle, un sursaut de la part des catholiques est nécessaire pour que progressivement nous puissions réintroduire l’esprit chrétien là où il s’est perdu. Tout catholique, quel qu’il soit, peut œuvrer dans ce sens et chacun possède un rôle irremplaçable. Il nous faut instaurer le règne du Christ-Roi sur notre personne, sur nos familles et dans le domaine public qui dépend de nous, selon le métier que l’on exerce dans la cité. Il y a mille et une manières de restaurer l’ordre chrétien autour de soi. Et sa construction passe parfois par des actions modestes. Elles ont plus de poids qu’il n’y paraît.
Pour nous y encourager, aimons à invoquer les martyrs qui ont versé leur sang pour que le Christ règne. Demandons leur intercession pour que nous mettions le Christ à la première place dans notre cœur, dans nos familles et dans la société pour autant que cela dépende de nous. Prenons des résolutions concrètes pour que sa doctrine inspire nos paroles et plus encore nos actions. Jésus-Christ est Roi par naissance et par conquête, sachons lui rendre le culte intérieur et extérieur qu’Il attend de notre part.
Nous contribuerons par nos efforts à étendre « son royaume de justice, d’amour et de paix » (Préface de la fête du Christ-Roi). +